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Le fait de la semaine

Gestion de carrières : Le mentorat, un levier d’efficacité et de mixité

Le fait de la semaine | publié le : 27.01.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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Gestion de carrières : Le mentorat, un levier d’efficacité et de mixité

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

En parallèle du mentorat de jeunes, célébré le 30 janvier lors d’une journée internationale, les réseaux de professionnels et les entreprises développent des programmes pour accélérer le développement de leurs hauts potentiels et favoriser la mixité.

Aujourd’hui directeur général de Ethera Labs, une société spécialisée dans la chimie de l’environnement, Frédéric Hammel avait déjà accompagné des jeunes lors de son parcours universitaire : « Quand j’étais étudiant, je donnais des leçons de mathématiques et j’éprouvais une grande satisfaction lorsque mes élèves réussissaient. » Estimant avoir eu « beaucoup de chance », il a rencontré bien plus tard des responsables de l’Institut Télémaque. Cette structure créée en 2005 et présidée par Henri Lachmann, l’ancien PDG de Schneider Electric, a pour objectif de promouvoir le mentorat de jeunes défavorisés par des professionnels aguerris. Pour Frédéric Hammel, c’était l’occasion de « renvoyer l’ascenseur ». Début 2019, il a accepté d’accompagner pendant cinq ans une collégienne d’une ZUP de Grenoble qui a pour ambition de devenir médecin hospitalier. Il la rencontre deux à trois fois par mois. « Elle pose beaucoup de questions sur la science, la biologie, l’évolution des espèces, et je lui transmets mes connaissances. Elle a soif de comprendre et c’est une grande satisfaction de la voir assimiler tous ces éléments. »

Ce mentorat comprend aussi une composante culturelle avec, par exemple, la visite de musées, afin d’ouvrir l’esprit des jeunes de quartiers qui n’ont pas forcément accès à la culture. Ce dispositif leur donne aussi l’occasion de découvrir des métiers qu’ils ne connaissent pas. Mais le plus important est peut-être ailleurs, même s’il reste invisible de prime abord, rappelle Frédéric Hammel : « Le mentorat permet aussi de donner confiance à des jeunes car avec nos échanges, elle se rend compte qu’elle peut mener des analyses par elle-même. Cela va bien au-delà de leçons de mathématiques. »

Des mentors femmes

Le mentorat entre professionnels progresse lui aussi, en particulier parmi les femmes. Créé au début des années 2000, le réseau Professionnal Women’s Network compte 850 adhérentes en France et 4 000 dans le monde. Compte tenu de sa vocation à « promouvoir le leadership des femmes et à influencer le monde économique », il a lancé début 2019 un programme original : le « mentorat inclusif femmes-hommes » dans lequel des hommes sont mentorés par des femmes. Le dispositif affiche plusieurs objectifs : permettre aux femmes de partager leur expérience dans des situations hors du domaine professionnel classique ; leur donner la possibilité de se positionner dans une posture de conseil et d’accompagnement ; enfin, permettre aux hommes de vivre une situation différente qui les sensibilise aux avantages de la mixité. « Après le débriefing de la première édition du programme de mentorat inclusif, nous avons eu des retours très positifs et nous avons observé une plus grande ouverture d’esprit parmi les participants, explique Marie-Laetitia Gourdin, coprésidente de PWN Paris et responsable des affaires publiques de Vattenfall. Pour améliorer l’efficacité du dispositif, nous allons bientôt mettre en place un groupe LinkedIn pour assurer les échanges entre les différentes promotions du programme. »

De son côté, la Women Initiative Foundation (WIF) a lancé début 2019 aux USA et en Europe deux programmes interentreprises d’accompagnement des jeunes femmes à haut potentiel qui mobilise environ 80 personnes. Sur le Vieux continent, il implique cinq entreprises (BNP Paribas, Engie, Oracle, L’Oréal et Paypal). Pour Martine Liautaud, grande figure du monde de la finance fondatrice de la WIF, les avantages ne font aucun doute : « Ces programmes permettent de libérer complètement la parole de la mentee [jeune femme suivie par un mentor – NDLR] qui a une relation avec un ou une mentor d’une autre compagnie. Cela assure un niveau optimal de confiance et autorise la mentee à dévoiler ses faiblesses et ses interrogations. » Cette démarche inclut également de journées de partage d’expériences et de masterclass avec des professeurs réputés ou des personnalités spécialistes des questions de leadership et d’inclusion. Un effort que les entreprises engagées dans le programme n’auront pas à regretter, estime Martine Liautaud : « Cela leur permet de proposer un accompagnement exceptionnel à leurs hauts potentiels indispensables pour les faire réussir et les garder. »

AXA s’inscrit dans une démarche proche avec son programme de « sponsorship en tandem ». Lancé en 2016, il permet d’associer en moyenne 25 jeunes femmes cadre à haut potentiel avec l’un ou l’une des membres du comité de direction. Le ou la sponsor accompagne la « sponsorée » pendant un an et l’aide à appréhender les codes de l’entreprise, à développer son réseau, à réfléchir sur les situations passées ou futures et lui ouvre aussi son carnet d’adresses. En parallèle, toutes les jeunes cadres accompagnées se réunissent plusieurs fois durant l’année pour partager leurs expériences et mesurer leur évolution. « Ce dispositif a pour objectif de lever les barrières psychologiques qui freinent l’évolution de la carrière des femmes, qui peuvent être plus sujettes au doute sur leurs capacités, avoir une culture du réseau moins poussée et avoir tendance à moins se projeter en termes de carrière », explique Sibylle Quéré-Becker, directrice du développement social, diversité et inclusion de AXA France. Ce programme de mentorat destiné aux femmes a donné de si bons résultats qu’il a été ouvert en 2019 aux… hommes. Ils constituent un quart des « sponsorés » de la promotion 2019-2020. En 2021, AXA France table sur un pourcentage de 45 % de femmes parmi ses 700 cadres dirigeants.

La montée en puissance du mentorat

Le mois du mentorat est né en 2002 aux États-Unis à l’initiative de la Harvard School de santé publique. Il a progressivement gagné en visibilité, au point que Barack Obama a accepté en 2009 de prêter son image à la promotion de ce mouvement. La France a rejoint le mouvement cette année en organisant, à son échelle, une journée du mentorat. Huit associations actives dans ce domaine (AFEV, Article 1, Chemins d’Avenirs, Entraide Scolaire Amicale (ESA), Institut Télémaque, Nos Quartiers ont des Talents (NQT), Proxité et Socrate) se sont regroupées en septembre 2019 au sein d’un « collectif mentorat ». Leur objectif : « élargir l’accès au mentorat à travers la France et pouvoir l’offrir à tous ceux qui souhaitent devenir mentor ou être mentoré ». Comptant déjà 22 000 mentors répartis sur 61 villes, ces huit structures se sont fixé des objectifs ambitieux pour 2021 : ajouter 4 000 nouveaux jeunes mentorés à ceux déjà suivis pour atteindre un volume global de 42 000 en 2025. Des membres de ces structures seront reçus le 30 janvier par Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, qui ne tarit pas d’éloges sur cette méthode : « Je crois profondément au mentorat et à son efficacité pour la réussite des jeunes ».

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins