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Sur le terrain

Question de droit : Harcèlement moral : l’audition de l’ensemble des salaires n’est pas obligatoire

Sur le terrain | publié le : 20.01.2020 | Laurent Beljean

Il appartient à l’employeur dans le cadre de son obligation de prévention des risques professionnels de prévenir et de faire cesser toute situation ayant pour effet de porter atteinte à la santé physique ou mentale de ses salariés. Dans l’hypothèse d’une pratique managériale psychologiquement complexe et pouvant conduire au constat d’un harcèlement moral, l’analyse de la nature et de l’importance de la situation dénoncée implique la conduite par l’employeur d’une enquête interne, le cas échéant en association avec les instances représentatives du personnel. Cette enquête doit-elle embrasser l’ensemble du personnel potentiellement impacté ou peut-elle se limiter à un échantillon déterminé par l’employeur ? Une société de gestion de biens immobiliers avait embauché en 2011 un directeur du développement et du patrimoine. En 2015, ce dernier était licencié pour faute grave. Cette décision avait été prise sur la base du constat d’une attitude inappropriée de l’intéressé pouvant s’apparenter à du harcèlement moral, constat corroboré par une enquête interne diligentée par l’employeur. Le salarié saisissait la juridiction prud’homale aux fins de contester la légitimité de son licenciement. Celui-ci faisait valoir que la preuve du grief de harcèlement moral invoqué à l’appui de son licenciement pour faute grave devait être apportée par l’employeur seul. Il ajoutait que l’enquête fondant son licenciement était partiale, puisque seule la moitié de ses collègues de travail avait été entendue. De son côté, l’entreprise faisait valoir que les conclusions de l’enquête étaient suffisamment précises pour démontrer la réalité des faits reprochés ainsi que leur importance. La cour d’appel, constatant que l’enquête n’avait englobé l’audition que de la moitié des salariés des deux services dirigés par le salarié, concluait à son absence d’exhaustivité et d’impartialité, décidait d’écarter cet élément de preuve des débats, et faisait droit aux demandes du salarié. À tort selon la Cour de cassation qui dans un arrêt du 8 janvier 2020, vient estimer que les juges du fond ne pouvaient écarter par principe cet élément de preuve au motif d’une absence d’exhaustivité et d’impartialité de l’enquête diligentée. Autrement formulé, la cour d’appel ne pouvait du seul fait que la totalité des collaborateurs du salarié licencié n’avait pas été entendue, écarté le rapport d’enquête pour absence d’impartialité. Il revenait le cas échéant aux juges du fond d’apprécier la pertinence du moyen de preuve versé aux débats par l’employeur et d’en apprécier la réelle portée. Cet arrêt doit inciter les employeurs à expliquer si ce n’est à justifier dans le préambule du rapport d’enquête les motifs ayant conduit à la détermination des salariés et autres intervenants entendus dans ce cadre.

Auteur

  • Laurent Beljean