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Formation : Un plan d’investissement à l’accent régional

Le point sur | publié le : 20.01.2020 | Dominique Perez

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Formation : Un plan d’investissement à l’accent régional

Crédit photo Dominique Perez

Diagnostics, expérimentations, travail sur l’attractivité de filières… À travers les Pactes régionaux d’investissement dans les compétences, les collectivités doivent faire preuve d’imagination pour orienter demandeurs d’emploi et décrocheurs vers des formations aux métiers en tension.

Emisant principalement sur les actions territoriales pour contribuer à mettre en adéquation les offres d’emploi non pourvues et les personnes éloignées du marché du travail, le Plan d’investissement dans les compétences (Pic), lancé en 2018, consacre 15 milliards d’euros pour la formation de deux millions de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés et jeunes décrocheurs. Une bonne moitié (52 %) est destinée aux actions régionales.

Première à s’être engagée en décembre 2018, avec un certain enthousiasme, la Bourgogne-Franche-Comté y a surtout vu un moyen de poursuivre et d’amplifier sa politique régionale de formation des demandeurs d’emploi. « Le budget formation est un gros gâteau, avec désormais une cerise, c’est le Pric (Pacte régional d’investissement dans les compétences). Il représente 251 millions d’euros sur cinq ans, soit 40 % du budget formation régional », indique Océane Charret-Godard, vice-présidente de la région chargée de la formation continue et des mutations économiques.

Identifier « les trous dans la raquette »

Gérer un tel apport avec les exigences inhérentes au Pric, notamment en matière de diagnostics et d’innovations, a nécessité cependant d’autres outils qu’une simple calculette… « Construire le pacte dans des délais rapides, avec une vision partenariale, en incluant les partenaires sociaux, tout en lançant des expérimentations et en prévoyant les processus d’évaluation… la tâche était certainement ardue pour certaines régions », reconnaît Carole Tuchszirer, socio-économiste au Cnam au sein du Centre d’économie de l’emploi et du travail, vice-présidente du comité scientifique dévaluation du Pic.

Augmenter le nombre de stagiaires de la formation professionnelle dans les programmes est la partie la plus « visible » du Pacte. « Notre budget de formation est passé de 103 millions d’euros en 2018 à 186 millions d’euros à 2019, et de 22 600 places en formation à 32 600 », se réjouit André Martin, vice-président Emploi apprentissage formation et orientation professionnelles de la région des Pays de la Loire, qui s’est engagée depuis février 2019 dans le dispositif en ciblant les formations menant aux métiers en pénurie. « Nous avons d’abord cherché les trous dans la raquette, explique Océane Charret-Godard, en associant tous les partenaires, y compris les branches, les acteurs de l’emploi et avons constitué des groupes de travail thématiques. Depuis l’été 2019, s’est développée une démarche de projet visant à coconstruire le Pacte, et 100 “fiches action” ont été réalisées. »

Innover

Des expérimentations tous azimuts sont encouragées, avec une liberté de choix des organismes et appels à projets. En Île-de-France, 38 projets ont ainsi été soutenus par la région en 2019. « L’un des grands intérêts du Pric est de permettre de déroger au cadre de la commande publique, en demandant aux acteurs de la formation et de l’emploi ce qui leur manque et en les invitant à mettre en pratique leurs propositions. C’est un véritable laboratoire sur le marché de la formation professionnelle. Si les expériences sont concluantes, on les généralisera. Nous avions déjà, bien entendu, des expérimentations, mais à beaucoup moins grande échelle. Nous avons notamment lancé une expérience sur la formation à distance des détenus, avec des résultats très encourageants », souligne Marie Morel, directrice générale adjointe du pôle formation professionnelle et apprentissage de la région Île-de-France.

Pour André Martin, aux Pays de la Loire, les moyens apportés par le Pric sont également l’occasion d’aller chercher les besoins au plus près des territoires et de sortir du cadre régional stricto sensu. « On peut considérer que la région est dynamique par rapport au marché de l’emploi, avec un des plus bas taux de chômage. Mais il subsiste de grandes différences entre bassins d’emploi. Par exemple, si la Vendée connaît un faible taux de chômage, le Saumurois est à 8 % à 9 % avec des personnes très éloignées de l’emploi… », précise-t-il.

Des mesures incitatives

Reste que la réussite des projets régionaux ne sera assurée qu’à deux conditions : d’une part, parvenir à attirer les demandeurs d’emploi et les jeunes décrocheurs vers des formations aux métiers en tension. D’autre part, convaincre également les entreprises de participer aux parcours de formation et de recruter des profils spécifiques. L’augmentation de l’indemnité formation est l’une des mesures possibles, choisie notamment par les Pays de la Loire et la Bourgogne-Franche-Comté. « C’est un vrai sujet, estime Oceane Charret-Godard. La rémunération des stagiaires de la formation professionnelle n’a jamais été revalorisée depuis 2002. Or c’est l’un des motifs de rupture des formations. Grâce au Pric, nous avons augmenté de 15 millions d’euros les rémunérations et les aides à la mobilité et, depuis le 1er mai, la rémunération des stagiaires a doublé, pour atteindre 600 à 800 euros mensuels, selon les situations. »

L’Île-de-France réfléchit également à des « moyens de susciter des vocations », car « la première difficulté est celle du sourcing, et de l’identification des publics éloignés de l’emploi, explique Marie Morel. Nous travaillons à l’évolution de notre système d’information et à la simplification des inscriptions. Une personne doit pouvoir le faire sans intermédiaire, ce qui est le cas de 10 % seulement de nos formations aujourd’hui ». Autre écueil : « Nous aimerions que les employeurs s’inscrivent pleinement dans notre politique de formation vis-à-vis de ces publics, ce qui n’est pas suffisamment le cas actuellement. » Une condition de réussite que devront prendre en compte les secteurs pénuriques.

Une évaluation attentive

Installé le 4 juillet 2019, le comité scientifique d’évaluation du Plan d’investissement dans les compétences (Pic) est composé de 17 membres, universitaires et chercheurs dans plusieurs disciplines (économie, sciences cognitives, sciences de l’éducation, sciences politiques, sociologie). Le secrétariat est assuré par la Dares. « Sans pouvoir établir de premier bilan véritable à ce jour, en attendant les résultats d’une étude lancée prochainement, nous constatons que les propositions sont assez diverses d’une région à l’autre, estime Carole Tuchszirer, socio-économiste au Cnam (Centre d’économie de l’emploi et du travail), vice-présidente du comité. Notre rôle va être notamment d’essayer de rapprocher des régions qui travaillent sur des thèmes proches, comme la hausse de l’indemnité des personnes en formation, ou la commande régionale… » L’un des points de vigilance reste cependant la « concurrence » éventuelle entre les mesures mises en place localement par l’État et les actions régionales. « Il serait souhaitable qu’une instance régionale puisse les coordonner », suggère la chercheuse.

Auteur

  • Dominique Perez