La société de construction navale a lancé Forward, un programme visant à permettre aux managers d’accroître la capacité d’action des collaborateurs. Les résultats sont déjà tangibles.
Comment échanger des informations précieuses, alors que certaines équipes font les « trois huit », sans se croiser ? Quelles initiataives concrètes faut-il prendre pour développer l’efficacité et l’engagement des collaborateurs ? Autant de questions qui ont trouvé une réponse dans le nouveau plan mis en place voici quelques mois par Naval Group. « Dès 2015, nous avions la conviction qu’il nous fallait davantage écouter le terrain, mieux collaborer et libérer les initiatives au sein des équipes », indique Anne Domaizon, directrice du développement RH et de la transformation pour le groupe spécialisé dans l’industrie navale de défense. Les anciens expriment un vrai besoin de proposer des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent. Les jeunes formulent des attentes claires sur le rôle des managers. Les enjeux sont de taille : les carnets de commandes se remplissent, le groupe recrute largement et il s’internationalise. Performance et engagement doivent donc être plus que jamais au rendez-vous. « Nous avons conçu un programme visant à accompagner un changement de culture au sein de chaque équipe, à un moment clé de notre groupe en termes d’intégration de nouveaux collaborateurs et d’internationalisation », précise Anne Domaizon.
Lancé en 2019 et baptisé Forward, le programme s’étale sur trois ans. D’abord, les collaborateurs répondent à une enquête d’engagement. Ensuite, chaque manager anime un temps d’échange en équipe pour partager les résultats et ouvrir le dialogue sur les actions à engager pour mieux fonctionner. « Notre objectif n’est pas la note, relève Anne Domaizon. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous avons fait le choix de la confidentialité des résultats de chaque équipe. Les supérieurs hiérarchiques d’un manager n’ont pas accès aux résultats. » Le programme a été assorti d’un accompagnement : des formations « management positif » ont été mises en place pour les quelque 1 600 managers du groupe et un réseau d’ambassadeurs a été constitué – certains managers en épaulant d’autres dans leur démarche de libération des initiatives. L’action des 175 ambassadeurs qui ont accompagné les managers s’est inscrite dans le cadre d’une charte de déontologie. Une façon de renforcer confiance et bienveillance.
« Au-delà d’une réponse à d’éventuels problèmes d’engagement, l’objectif de Forward était surtout d’opérer une montée en compétences et en efficacité », précise Pierre Fleury, responsable du bureau d’études pour l’équipement de matériel mécanique, à Cherbourg. À la fois manager et ambassadeur, il a été, avant de prendre son poste actuel, responsable de la production mécanique dans une unité d’usinage. Et c’est là qu’il avait repéré des difficultés de dialogue entre chefs d’équipe, les uns travaillant la nuit, les autres, le jour. « Le manque de transmission d’informations ou l’envoi de mails mal interprétés entraînaient des problèmes de compréhension entre chefs d’équipe et en conséquence, d’engagement des salariés », explique-t-il.
Pas étonnant que l’enquête ait révélé une certaine insatisfaction chez les collaborateurs. Une fois les résultats de l’enquête connus, les équipes, réunies au grand complet, ont décidé de consacrer un lundi par mois à l’échange d’informations. « Les relations se sont largement améliorées », se félicite Pierre Fleury. Mieux, les actions collectives ont donné lieu à des initiatives qui augmentent l’efficacité des équipes. Ainsi, certaines se plaignaient que du matériel lourd, commun à plusieurs machines, manquait, alors qu’en fait, il était utilisé ailleurs. « Les collaborateurs ont pensé à aménager une zone bien identifiée, dans laquelle le matériel serait rangé sur des roulettes, afin de faciliter son déplacement d’une machine à une autre, poursuit Pierre Fleury. Aujourd’hui, ils peinent moins à les déplacer et ne perdent pas de temps puisqu’ils savent où se trouve l’équipement nécessaire à leurs tâches. » Des solutions simples, mises en place par les salariés eux-mêmes, et qui les satisfont…
Anne Domaizon attend avec impatience la prochaine enquête, prévue en ce début d’année. Elle espère bien qu’au bout de trois ans, les évolutions managériales seront systémiques. Pierre Fleury en est déjà convaincu. La preuve ? Lors du lancement, à Cherbourg, le 12 juillet dernier, du Suffren, un sous-marin nucléaire, en présence du chef de l’État, les collaborateurs et les familles ont été nombreux à participer à l’évènement. « Signe d’une grande fierté pour cette œuvre collective et d’un engagement renouvelé », dit-il.