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Les clés

Joies et déboires des vendeuses dans un grand magasin de luxe

Les clés | À lire | publié le : 13.01.2020 | Lydie Colders

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Joies et déboires des vendeuses dans un grand magasin de luxe

Crédit photo Lydie Colders

Dans ce livre de recherche, le sociologue Pascal Barbier explore les motivations et les contraintes des vendeuses d’un grand magasin parisien prestigieux, rebaptisé Bazar de l’Opéra. Riche en témoignages, l’ouvrage donne à réfléchir aux conséquences du formatage des « savoir-faire » relationnels.

Malgré l’e-commerce, « la vente en magasin reste toujours un segment majeur du salariat », rappelle le sociologue Pascal Barbier dans cette thèse publiée aux Presses universitaires de Rennes. Si l’on parle beaucoup de la grande distribution, le chercheur a choisi d’étudier le quotidien du travail des vendeuses d’un célèbre grand magasin de luxe des grands boulevards parisiens, renommé le Bazar de l’Opéra. Bien que sa recherche, réalisée entre 2007 et 2012, présente certains chiffres caducs sur cette entreprise (la typologie variée des diplômées, le montant des salaires « faibles » ou la répartition des effectifs entre vendeuses « maison » et démonstrateurs), le livre reste d’actualité sur les motivations et les difficultés du métier, illustrées de nombreux témoignages de vendeuses. Si la notoriété « et la solidité » du Bazar de l’Opéra attirent, le sociologue pointe de faibles possibilités de promotion vers des postes d’encadrement. Il passe en revue une pénibilité négligée (station debout, privation de lumière naturelle, confinement) ou l’exigence de paraître toujours en activité : « Le travail suppose une exposition permanente, aux yeux de l’encadrement, des clients ou des caméras », note-t-il.

Un relationnel malmené

Plus que l’organisation hiérarchique, Pascal Barbier se concentre sur les savoir-faire « naturels » des vendeuses dans le rapport avec les clients, pointant leur sens de l’observation ou de l’adaptation psychologique. Un facteur « de satisfaction » essentiel, souligne-t-il, alors que leur métier est de plus en plus « dépossédé » de créativité sur la gestion des marchandises, « avec un merchandising prescrit » par les marques. Montrant une politique RH du Bazar de l’Opéra qui s’oriente vers la relation clients au détriment des produits, le sociologue critique donc cette tendance à formater ces compétences comportementales « qui altère le relationnel ». Au travers d’avis de salariées à la suite d’une formation « en conseil » de vente, le sociologue décrit « des scripts de comportement et de posture relationnelle jugée adéquate » le plus souvent accueillis « avec dérision », une récitation « qui n’a rien à voir avec la vraie vie » aux dires d’une vendeuse. Un livre critique sur cette mode des « soft skills », mais aussi sur le manque d’autonomie grandissant des employés du commerce, même dans le luxe…

Auteur

  • Lydie Colders