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Insertion : Généraliser les emplois francs pour les faire décoller

Le point sur | publié le : 13.01.2020 | Lucie Tanneau

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Insertion : Généraliser les emplois francs pour les faire décoller

Crédit photo Lucie Tanneau

Expérimentés depuis mars 2018 dans 200 puis 740 quartiers prioritaires, les emplois francs offrent une prime aux employeurs qui embauchent des salariés issus de ces secteurs où le taux de chômage est élevé. Le dispositif n’a pas suscité les résultats escomptés, mais le gouvernement souhaite le faire décoller en le généralisant en 2020.

Le ministère du Travail a décidé de généraliser les emplois francs depuis le 1er janvier et pour une durée d’un an. Pour rappel, ce dispositif permet à tout employeur (entreprise ou association), situé ou non dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), de bénéficier d’une aide de 5 000 euros par an sur trois ans au maximum pour un CDI (et de 2 500 euros sur deux ans au maximum pour un CDD de plus de six mois), à l’embauche d’un habitant d’un des quartiers ciblés. Lancé à titre expérimental par la ministre du Travail Muriel Pénicaud en mars 2018 (arrêté du 30 mars 2018), il a été testé dans 194 quartiers sur sept territoires avant d’être étendu, un an plus tard, à l’ensemble des chômeurs inscrits à Pôle emploi des Hauts-de-France, d’Île-de-France, des Ardennes, des Bouches-du-Rhône, de Guadeloupe, de Guyane, de Haute-Garonne, du Maine-et-Loire, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion, du Vaucluse et de Saint-Martin (arrêté du 22 mars 2019). Depuis le début de l’année, il concerne donc les habitants, inscrits à Pôle emploi ou non, de la totalité des 1 514 quartiers jugés prioritaires, avec une enveloppe de 300 millions d’euros (dotation de 233,59 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 79,73 millions d’euros en crédits de paiement, permettant de couvrir le coût d’environ 40 000 contrats signés entre le début de l’expérimentation et la fin de l’exercice 2020).

« Discrimination territoriale »

Les emplois francs visent l’insertion par des contrats de droit commun. Ils se distinguent donc des contrats aidés, « qui ont tendance à inscrire de façon durable les personnes dans un statut précaire », souligne le gouvernement sur son site. Les emplois francs sont également différents des dispositifs territoriaux tels que les zones franches, puisqu’ils permettent d’assumer une politique de mobilité. L’enjeu est d’aider les individus, et non les territoires. « Ce qui est à l’origine des emplois francs, c’est le taux de chômage très élevé au sein des QPV. Il est à 23 %, 2,5 fois plus que celui de toutes les catégories. Plus grave encore, à curriculum vitae, diplômes et compétences égaux, un habitant de QPV a deux fois moins de chances de trouver un emploi », rappelle la ministre du Travail pour défendre la mesure. Quand ils sont en emploi, les habitants de ces quartiers ont des contrats de travail plus précaires : 24,8 % de ces actifs ont un CDD ou un contrat d’intérim, contre 13,3 % des salariés des autres quartiers. « Plusieurs raisons expliquent cette situation : d’abord, les QPV comprennent généralement moins de réseaux d’entreprises. Or l’emploi se trouve beaucoup par réseau, comme on le voit en matière d’apprentissage. Ensuite, leurs habitants pâtissent d’une discrimination fondée sur l’adresse, parfois sur le nom ou sur la couleur de la peau. Cette situation aujourd’hui, en France, est inadmissible, car elle ne correspond en rien aux valeurs de la République », défend-elle. Le gouvernement veut donc agir sur la base d’une « conviction politique d’une discrimination territoriale en faveur des QPV ».

La moitié des emplois francs signés à Lille

Pour l’heure, l’expérimentation n’est pas totalement concluante. Il existe en effet de grandes différences entre les Hauts-de-France, où les entreprises comme Bonduelle, Toyota ou IBM et les associations (O2 par exemple) et commerces de proximité se sont saisis de la mesure, et Marseille, par exemple, où les emplois francs ne décollent pas (lire l’interview de Yannick L’Horty). « La métropole de Lille a, à elle seule, créé la moitié des emplois francs qui ont vu le jour dans le cadre national de l’expérimentation », souligne le député UDI du Nord Francis Vercamer. Selon le dernier décompte officiel, à la fin du mois de septembre 2019, 12 000 emplois francs avaient été signés (contre 6 000 à la fin mai). L’exécutif s’était initialement fixé un objectif (non officiel) de 40 000 pour fin 2019 avant de le réviser ensuite à 20 000. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, s’était cependant réjouie d’un « succès qualitatif », car huit embauches sur dix se font en CDI. Dans le Val-d’Oise par exemple, 77 % des 897 emplois francs signés l’ont été en CDI. « Il y a une accélération très forte du rythme de signatures hebdomadaires », a réagi fin 2019 la rue de Grenelle, grâce à un « un pilotage plus serré » et à une « communication massive » auprès des employeurs. Les Urssaf ont notamment envoyé un e-mail à toutes les entreprises de France afin de porter le dispositif à leur connaissance. Si les contrats signés se cantonnent plutôt aux secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie-restauration et des services à domicile, le dispositif des emplois francs peut aussi s’adresser à celui de la santé et le gouvernement espère que davantage de secteurs s’y intéresseront. Le but : éviter de reproduire le flop des emplois francs version François Hollande et Jean-Marc Ayrault, arrêtés rapidement (300 contrats signés en 18 mois) alors que les employeurs jugeaient les critères d’éligibilité trop restrictifs. Prochain bilan en janvier 2021.

Comment bénéficier d’une aide financière

Les conditions à remplir pour bénéficier de l’aide de l’État pour la signature des contrats dits emplois francs :

Embaucher un demandeur d’emploi, inscrit ou non à Pôle emploi, ou un adhérent à un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui réside dans l’un des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

Embaucher cette personne en CDI ou en CDD d’au moins six mois ;

Ne pas embaucher une personne ayant fait partie de l’entreprise dans les six mois avant sa date d’embauche ;

Ne pas avoir procédé, dans les six mois précédant l’embauche, à un licenciement pour motif économique sur le poste à pourvoir.

Les employeurs disposent de trois mois pour déposer auprès de Pôle emploi leur demande d’adhésion au dispositif (contre deux au début de l’expérimentation).

* Tout le département de Seine-Saint-Denis ; les agglomérations de Roissy Pays de France et de Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise ; le territoire de Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart englobant Évry et Grigny dans l’Essonne et la Seine-et-Marne ; la métropole européenne de Lille (MEL) ; la métropole d’Aix-Marseille-Provence ; la communauté urbaine d’Angers Loire Métropole.

Auteur

  • Lucie Tanneau