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Le grand entretien

« Une juste distance relationnelle permet d’éviter le stress »

Le grand entretien | publié le : 13.01.2020 | Frédéric Brillet

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« Une juste distance relationnelle permet d’éviter le stress »

Crédit photo Frédéric Brillet

Dans Stop au burn-out !, publié chez Odile Jacob, la psychiatre Anne-Lise Schwing explique comment se protéger du stress et de l’anxiété face à des clients, des collègues ou des supérieurs hiérarchiques qui posent des problèmes relationnels. Elle livre des astuces cognitives et comportementales pour conserver son équilibre émotionnel malgré des difficultés quotidiennes minimes mais répétées.

Quelle a été la genèse du livre Stop au burn-out ?

Je reçois régulièrement des patients souffrant d’un déficit d’affirmation de soi. Ils peinent à savoir dire non, à répondre ou à émettre une critique, par exemple. Leurs difficultés relationnelles les freinent dans leur évolution professionnelle et finissent par éteindre leur motivation et leur envie de se rendre au travail. Dans mon cabinet, j’entends souvent dire : « J’aime mon travail mais je n’en peux plus de recevoir du public » ou bien : « Mon job est passionnant mais l’équipe avec laquelle je travaille… » Ces patients ne consultent jamais pour déficit d’affirmation de soi mais plutôt pour burn-out. Cependant, lorsque nous faisons ensemble l’anamnèse de leur trouble, c’est très souvent cette piste que nous décidons de travailler.

Comment peut-on échapper au burn-out avec la thérapie cognitivo-comportementale ?

La thérapie cognitivo-comportementale, qui s’inscrit dans la famille des thérapies brèves, consiste dans une première phase à aider le patient à identifier ses comportements dysfonctionnels. Ces comportements, qui relèvent de pathologies telle que l’anxiété sociale ou l’agressivité verbale, se manifestent aussi en milieu professionnel. À partir de ce constat, le patient et son thérapeute repèrent les pensées automatiques qui génèrent ces comportements. Ensuite, ils explorent les schémas et croyances sous-jacents : c’est la phase de thérapie cognitive. Une fois que le patient a pris conscience des schémas qui filtrent sa manière de concevoir le monde, nous convenons de tâches pratiques qui vont modifier définitivement ces croyances irrationnelles. Par exemple, une personne souffrant d’anxiété sociale va éviter les relations sociales, ou au contraire être agressif le premier pour se faire respecter, et créera ainsi de manière inconsciente ce qu’elle redoute. Dans le monde du travail, des relations sociales envenimées génèrent souvent du stress et des ruminations anxieuses. Après un travail cognitif, le schéma s’assouplit et la personne admet que certaines personnes sont réellement agressives mais que c’est plutôt rare. Le changement de schéma entraîne une modification de ses stratégies d’adaptation. Enfin, des expositions graduées – des tâches pratiques convenues avec le thérapeute – l’aident à faire reculer cette croyance et des relations apaisées diminuent le stress ressenti.

Y a-t-il d’autres thérapies qui permettent de soigner le stress professionnel ?

Il existe beaucoup de thérapies qui ont chacune leur utilité et leur singularité. Beaucoup dérivent de la thérapie cognitivo-comportementale, comme la mindfulness ou l’EFT, davantage axées sur la gestion émotionnelle et moins sur les pensées. Cette diversité bénéficie aux patients car cela augmente les chances de trouver de l’aide rapidement et efficacement en choisissant une thérapie adaptée.

Dans quels cas les remèdes médicamenteux peuvent-ils être prescrits ?

Les antidépresseurs sont reconnus comme efficaces pour soigner les troubles anxieux et dépressifs. Certains patients arrivent tardivement en consultation pour de multiples raisons et il est parfois nécessaire d’introduire un traitement psychotrope. L’épuisement altère les fonctions cognitives au niveau de l’attention, de la mémoire et de la concentration. Or ces fonctions sont nécessaires au bon déroulement d’une thérapie. Mais ces traitements ne soignent pas tant le stress professionnel que ses conséquences, par exemple un épisode dépressif ou un trouble panique. Ils peuvent aussi être prescrits à des patients dont la pathologie initiale a démultiplié le stress professionnel.

Les relations entre le stress et le déficit d’affirmation de soi, le manque d’estime de soi et l’anxiété sociale sont bien établies. Comment se définissent et s’articulent ces maux les uns avec les autres ?

L’anxiété sociale est une pathologie au sens du DSM V, le manuel de psychiatrie qui regroupe les troubles psychiatriques connus. Le manque d’affirmation de soi est un symptôme, pas une maladie. Certains patients souffrent du seul déficit d’affirmation de soi, d’autres souffrent par ailleurs d’anxiété sociale. L’estime de soi renvoie au jugement que l’on émet sur soi-même, sur la valeur que l’on s’attribue. Cela impacte directement la confiance en soi et donc la croyance d’un individu en sa capacité à faire face. Si je pense être incapable d’affronter une situation ou plus largement la vie, mon organisme génère du stress qui se définit comme la réaction d’adaptation d’un individu à son environnement. C’est un mécanisme physiologique, logique et adaptatif. Après une thérapie, la confiance en soi et l’estime de soi augmentent, donc notre organisme génère moins de stress.

Que faire pour gérer le stress résultant de critiques en milieu professionnel ?

Savoir y répondre ! Plus sérieusement, évaluer si la critique est fondée avec la méthode de l’enquête puis, si la critique est justifiée, tout simplement changer. Si elle ne l’est pas, il faut se protéger par des techniques de fermeture. Mon conseil : avant de se justifier, toujours évaluer s’il y a bien un fait concret sous-jacent et, si c’est le cas, ouvrir le dialogue plutôt que se vexer. Une bonne critique cible un comportement et non une personne.

Vous publiez dans votre ouvrage une série d’échelles mises au point pour évaluer différents problèmes : Rosenberg pour l’estime de soi, Rathus pour l’affirmation de soi, Liebowitz pour l’anxiété sociale. Comment les utilise-t-on ?

Ces échelles nous guident sur le type de thérapie à proposer et surtout augmentent les chances d’aider de manière juste et efficace le patient. Les tests sont réalisés en début et fin de thérapie et permettent d’évaluer notre travail commun du patient et du thérapeute. Les résultats sont interprétés de manière simple, à travers un barème de cotations. On peut faire ces tests en solo pour apprendre à mieux se connaître mais, quand il s’agit de résoudre le problème identifié par les échelles, une aide professionnelle est souvent nécessaire.

Vous recommandez pour échapper au stress professionnel de garder la bonne distance. Comment développer cette attitude ?

Je dirais qu’une bonne distance relationnelle est de voir dans son travail… un travail. Et pas forcément la seule source d’accomplissement de soi. J’adore mon travail, j’espère m’y accomplir et aider mes patients à aller mieux, ce qui est d’ailleurs une excellente source d’accomplissement. Mais s’investir dans d’autres domaines, notamment affectifs, est indispensable. Plus notre vie est remplie par notre famille, nos amis, nos hobbies, plus nous maintiendrons naturellement… une bonne distance.

Parcours

Médecin psychiatre, Anne-Lise Schwing s’est formée aux thérapies cognitivo-comportementales très tôt dans son parcours professionnel. Elle exerce actuellement à Saint-Étienne dans un cabinet spécialisé dans ces thérapies. Elle transmet à ses patients des moyens de lutte contre l’anxiété, à travers des techniques d’affirmation de soi.

Auteur

  • Frédéric Brillet