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L’expertise du Lab RH : Yves Grandmontagne, Jean Pralong

Chroniques | publié le : 13.01.2020 | Yves Grandmontagne, Jean Pralong

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L’expertise du Lab RH : Yves Grandmontagne, Jean Pralong

Crédit photo Yves Grandmontagne, Jean Pralong

L’innovation RH, de la légitimité à la performance

L’étude du fonctionnement réel des entreprises n’en finit pas de s’éloigner des principes de l’économie classique. Les acteurs décident, agissent et se coordonnent selon des logiques qui sont souvent éloignées des objectifs rationnels de performance économique. Souvent, mais pas toujours : les organisations ne sont pas des machines absurdes. Les décisions qui s’éloignent de la rationalité économique poursuivent d’autres objectifs qui ne sont pas moins rationnels.

En réalité, leur fonctionnement oscille entre deux besoins. Le premier est, logiquement, la performance économique : c’est celui qui s’intéresse aux gains, aux marges et au revenu. Le second est le besoin de légitimité. Les entreprises et leurs membres sont observés. Leurs clients, leurs partenaires et leurs parties prenantes les observent ; ils exercent sur elles une forme de contrôle doux. Pour exister, l’entreprise n’a donc pas seulement besoin d’être performante. Elle a besoin d’agir d’une façon qui est perçue comme légitime. Le plus souvent, ces deux besoins sont portés par des individus différents : les opérationnels, qui sont confrontés au besoin de produire et de vendre, se chargent de la performance. Les dirigeants, qui incarnent l’entreprise auprès des actionnaires ou de l’État, se chargent de la légitimité.

La digitalisation, malgré beaucoup de discours, a d’abord été gérée selon le besoin de légitimité. Nos études ont montré que les raisons du choix d’une solution RH allaient d’abord vers l’imitation d’autres entreprises. On s’est digitalisé pour être dans le même mouvement que les autres, par une sorte de conformisme. Longtemps, l’existence de références clients prestigieuses a été le sésame nécessaire et suffisant pour une start-up en recherche de clients nouveaux. Et ces décisions, qui ont souvent été prises par les directions, se sont heurtées au besoin de performance des opérationnels. Quand on doit recruter, peu importe que l’outil utilisé soit adoré par cent entreprises prestigieuses : on attend simplement qu’il simplifie le travail. Quand on doit produire mille paies, peu importe que l’application utilisée équipe tout le CAC 40 : on attend simplement qu’il compte bien. Pas étonnant, dans ces conditions, que tant de « POC » se terminent mal ou que tant d’opérationnels perdent du temps à détourner les usages d’outils dont ils ne veulent pas. Pas étonnant, non plus, qu’une posture « déçus de la digitalisation » ait aussi fleuri.

2019 a été une année de retournement de cette tendance. Les entreprises commencent à savoir acheter. Elles associent les opérationnels à la formulation des besoins. Ainsi, elles questionnent le travail réel, les besoins de performance et, en quelque sorte, les process tels qu’on les vit. Faire comme les autres n’est plus un argument. Si tout va bien, les entreprises de 2020 sauront adresser la digitalisation en formulant des objectifs de performance réalistes. Elles sauront identifier les solutions qui leur conviennent, qu’elles soient scintillantes ou pas. Les RH, qui savent découvrir des talents au-delà des CV, savent aussi dénicher des start-up de talent au-delà des modes.

Auteur

  • Yves Grandmontagne, Jean Pralong