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Les clés

Les « communards » aux États-Unis : enquête sur un monde du travail alternatif

Les clés | À lire | publié le : 06.01.2020 | Lydie Colders

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Les « communards » aux États-Unis : enquête sur un monde du travail alternatif

Crédit photo Lydie Colders

Après un livre sur le phénomène des Makers, cette nouvelle enquête du sociologue Michel Lallement scrute l’organisation du travail des communautés aux États-Unis, au travers de la plus ancienne, Twin Oaks. Un récit inspirant sur un mode de vie plus égalitaire, avec ses atouts et ses limites.

Si aujourd’hui les éco-villages témoignent d’un regain d’intérêt pour une économie du partage où les individus se prennent en main, ce livre du sociologue Michel Lallement plonge dans l’histoire des communautés de vie et de travail d’inspiration libertaire, nées aux États-Unis dans les années 1960. Dans cette enquête passionnante, l’auteur étudie en particulier la plus ancienne d’entre elles, la communauté agricole et artisanale Twin Oaks, en Virginie, toujours active après un demi-siècle, racontant ses séjours. En toile de fond, le sociologue questionne : est-il possible d’adopter durablement des principes de vie et de travail égalitaires ? Car dans ce village, les salaires n’existent presque pas, « les communards ont des crédits d’heures », explique-t-il. Un système de rémunération « similaire » quelle que soit l’activité, les fruits du travail entendu au sens large (manuel, agricole mais aussi domestique) servant la communauté.

Analysant les règles de vie et l’organisation du travail au sein de Twin Oaks, Michel Lallement dresse un portrait d’une fascinante inventivité. Loin des clichés, il montre un système qui n’a rien d’anarchique, reposant sur « trois niveaux de responsabilités et d’engagement, celui des planners, des managers et des membres », dont il décrit les rôles : planifier les travaux, suivre les budgets pour les premiers, organiser le travail pour les seconds…

Une démocratie très organisée

Très documenté, le livre témoigne d’une grande créativité pour démocratiser le travail : supports écrits des membres qui « nourrissent les décisions des « planners » élus, allocations de ressources (crédit d’heures de travail et budget) délibérées en commun… Et même procédures de gestion des conflits, parfois votées à la majorité. Toutefois, le sociologue n’élude pas les travers, pointant que « l’idéal égalitaire n’est pas concrétisé » sur tous les points : chez Twin Oaks, les femmes hériteraient ainsi de la moitié des tâches domestiques, contre seulement « 35 % de travaux marchands », comme la confection de hamacs pour des clients. Idem, les exigences de vie en commun très réglementée engendrent un fort turnover, « près d’un quart en moyenne » en 2017. Mais l’auteur vante plutôt les mérites « de ce bricolage communautaire » qui, même imparfait, réinvente une « utopie concrète du travail » avec « un souci d’égalité » et aurait su se moderniser. Une lecture instructive, qui sort des sentiers battus.

Auteur

  • Lydie Colders