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Entretien avec Erwan Gautier, économiste à la Banque de France : « La progression des salaires réels s’est accentuée ces dernières années »

Le point sur | publié le : 06.01.2020 | Catherine Abou El Khaïr

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Entretien avec Erwan Gautier, économiste à la Banque de France : « La progression des salaires réels s’est accentuée ces dernières années »

Crédit photo Catherine Abou El Khaïr

Les hausses nominales de salaires s’accélèrent depuis 2014 pour s’établir à plus de 2,5 % en 2019 selon l’Insee. Peut-on parler d’embellie pour les salariés ?

Depuis le début de l’année, la baisse du chômage et la reprise de l’inflation ont contribué à accélérer la dynamique des salaires en France même si la croissance des rémunérations françaises reste dans la moyenne de la zone euro. Elles évoluent plus rapidement en Allemagne où le chômage est beaucoup plus bas et les hausses collectives négociées ces dernières années, plus généreuses.

Toutefois, depuis la crise de 2008, en France, les salaires ont augmenté en moyenne un peu plus vite que les prix, de près de 0,5 % par an. Cette progression des salaires réels s’est même accentuée ces dernières années du fait d’une inflation plus faible. Le système français de négociation collective fait qu’il est assez rare que l’évolution des salaires nominaux soit inférieure à celle des prix.

Il faut cependant noter plusieurs tendances. La contribution du salaire de base à ces augmentations reste modérée. Fin 2019,la hausse annuelle des salaires de base s’est établie à 1,7 % alors qu’elle pouvait atteindre jusqu’à 3 % avant 2008. Et ces dernières années, les progressions de la part variable des rémunérations à travers les primes et heures supplémentaires ont pu prendre le relais dans les revalorisations de salaire constatées au niveau global et ont contribué davantage à la récente dynamique des rémunérations.

Quelle est la place des branches dans l’évolution des salaires ?

Plus de la moitié des accords conclus dans les branches concernent les salaires, ces discussions au niveau des branches étant très liées à l’évolution du smic ainsi qu’à l’inflation. Si ces négociations permettent de protéger l’évolution des salaires en bas de grille, elles fixent aussi la référence pour des emplois où les rémunérations sont plus élevées. Plus d’un tiers des entreprises dans leur ensemble et la moitié des petites sociétés déclarent que la branche est une référence importante pour revaloriser leurs salaires à leur échelle. C’est notamment le cas dans le secteur du bâtiment et de la propreté.

Existe-t-il des disparités entre secteurs ?

Les hausses de salaire négociées dépendant beaucoup de l’inflation et du smic, il n’y a pas de dispersion importante entre les branches. La question est plutôt de savoir s’il y a eu ou non un accord. Or le taux d’inflation, faible ces dernières années, a contribué à espacer davantage dans le temps les accords sur les minima.

Quelles sont les conséquences de la loi El Khomri et des ordonnances Macron à ce sujet ?

Les réformes récentes ont pu perturber un peu le jeu des négociations de branche ces derniers mois et pourraient inciter à davantage de modération salariale. Les ordonnances ont rappelé la primauté de la branche pour la définition des minima salariaux, mais en excluant les primes. Des tensions se sont exprimées, car certaines branches ont alors intégré des primes dans la définition des minima de branche, ce qui a récemment été invalidé par la DGT. Si dans le passé les extensions d’accords de branche étaient quasi automatiques, elles peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un avis d’un comité d’experts, en charge de vérifier qu’elles ne soient pas excessivement défavorables à la libre concurrence dans le secteur. Par ailleurs, lors des négociations, les partenaires sociaux doivent désormais démontrer qu’elles ont pris en compte les problématiques des entreprises de moins de 50 salariés. Enfin, le processus en cours de réduction du nombre de branches pourrait conduire à un ralentissement de l’activité conventionnelle. Mais ces perturbations ne sont peut-être que temporaires. Car en parallèle, la restructuration des branches lancée par la loi El Khomri peut être aussi une opportunité pour les acteurs. La fusion pourrait bénéficier aux personnels des entreprises de petites branches où il y avait peu d’accords. De plus, en passant à 200 voire 100 branches dans les années à venir, on améliore l’information des salariés sur la question des rémunérations.

Auteur

  • Catherine Abou El Khaïr