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« Il faut travailler sur les représentations sociales des seniors »

L’actualité | publié le : 06.01.2020 | Gilmar Sequeira Martins

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« Il faut travailler sur les représentations sociales des seniors »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

D’un côté, les organisations patronales, Medef en tête, prônent un allongement des carrières, et de l’autre, les entreprises sont toujours aussi réticentes à recruter des seniors ou à aménager les fins de carrières…

Il y a un angle mort dans le projet gouvernemental, tant du côté des employeurs que des syndicats : 50 % des personnes qui liquident leur droit à la retraite ne sont plus en activité. Dès 45 ans, il devient compliqué de retrouver du travail et beaucoup de seniors se sentent de trop dans l’entreprise. C’est un paradoxe et une blessure pour ces personnes qui désirent travailler plus longtemps, mais dont les sociétés ne veulent pas. Le débat actuel sur les retraites est anxiogène et pousse plutôt les gens à partir plus tôt, pour échapper à un futur régime qu’ils perçoivent comme moins avantageux. De nombreuses entreprises ne font pas le lien entre l’éviction des seniors et les déséquilibres des comptes sociaux. Par ailleurs, l’économie est face à une pénurie de compétences et l’une des solutions possibles serait de recruter des seniors.

Cumul emploi-retraite, retraites progressives… Quelles mesures vous semblent les plus efficaces pour changer la donne ?

Le système de retraite à la carte lancé dans les années quatre-vingt peut très bien fonctionner, mais les sociétés y ont très peu recours, car cela complique leur organisation. Pourtant, on peut rester très impliqué sans être en permanence dans l’entreprise. Le dispositif de cumul emploi-retraite est celui qui a le plus de « succès », mais il concerne moins de 15 000 personnes. Les systèmes de temps partagés peuvent être très efficaces à condition d’être mis en œuvre dans un tissu social où les gens se connaissent, ce qui institue un niveau de confiance. Il reste cependant complexe et quelques milliers de personnes seulement en bénéficient. Un député LRM évoque l’instauration d’un quota de seniors. Ce serait très compliqué à mettre en place, de caler le bon taux, de prendre en compte les spécificités des entreprises… Cela ne ferait que renforcer la représentation négative liée à l’âge.

Comment aller au-delà des solutions existantes pour lever les blocages actuels ?

Il faut mener un travail sur les représentations sociales. En 1977, une étude parue dans la Harvard Business Review montrait que les dirigeants d’entreprise considéraient déjà les seniors comme peu adaptables, avec une faible productivité et peu à l’aise avec les nouvelles technologies. Cela n’a pas changé. Que faire ? Il faut rappeler aux entreprises que leurs clients sont très souvent des seniors. S’ils veulent comprendre leur marché, ils doivent s’intéresser à cette partie de la population. Même en termes de production, les seniors peuvent apporter une contribution utile. Nous vivons dans une structure idéologique qui dévalorise l’expérience. Le progrès est assimilé à la nouveauté et au renouvellement. Les entreprises doivent comprendre qu’une personne ne se résume pas à son âge. Un réseau relationnel bâti au fil de trente ans de carrière, l’expérience, les connaissances accumulées, tous ces éléments ont une valeur réelle. On dit que les jeunes s’adaptent ? Mais les seniors se sont souvent adaptés plus d’une fois ! Les équipes mêlant différentes générations fonctionnent d’ailleurs mieux que celles où se trouve une seule classe d’âge. Le débat autour des retraites n’aide pas à trouver une solution, mais la France devra se pencher sur cette question, ne serait-ce que parce que la pénurie de certaines compétences va continuer.

Le succès encore timide de la retraite progressive

Instituée en 1988, la retraite progressive permet aux personnes ayant atteint l’âge minimal de départ et pouvant partir à taux plein de travailler à temps partiel tout en percevant une partie de leur retraite. En 2006, le dispositif a été assoupli avec la réduction du seuil d’accès de 160 à 150 trimestres, ouvrant le dispositif aux retraités n’ayant pas la durée de cotisation suffisante pour bénéficier d’un taux plein. Pour autant, le nombre de départs en retraite progressive est resté très réduit : en moyenne 1 500 personnes par an. En 2015, le dispositif a de nouveau été assoupli afin d’être étendu aux personnes encore en activité. L’effet a été immédiat puisque le nombre de personnes entrant en retraite progressive a plus que doublé en 2015. La tendance s’est poursuivie en 2016 avec 8 200 départs.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins