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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 06.01.2020 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Deviner, c’est se tromper !

Pour bien commencer l’année, je vous propose un petit jeu. Ou, plus exactement, une petite devinette. Comprenez-vous la phrase suivante : « There are more than 100,000 craters on the mono ». Je vous la traduis en français si vous préférez : « Il y a plus de 100 000 cratères sur la elnu ». Si votre cerveau est en pleine forme, il vous a permis de comprendre le sens de cette phrase bien que le dernier mot (lune ou moon en anglais) avait des lettres inversées.

Je vous donne une seconde chance avec une seconde devinette : « ithlium is the lightest of all metals », soit en français : « Le ithlium est le plus léger de tous les métaux ». Il fallait lire le mot lithium. Maintenant que vous avez déchiffré ces deux phrases, pensez-vous qu’elles sont vraies ou qu’elles sont fausses ?

Si je vous pose ces devinettes, c’est parce qu’elles ont été utilisées dans une expérience scientifique. Les participants recevaient 26 phrases de ce type. À chaque fois, ils avaient 20 secondes pour deviner avant qu’on leur donne la réponse. Ils devaient ensuite indiquer s’ils pensaient que la phrase en question était vraie ou fausse et s’ils avaient ressenti comme un effet de révélation lorsqu’ils avaient deviné le mot avec les lettres inversées. En l’occurrence, la moitié des phrases était vraie et la moitié était fausse.

Quel était l’objectif de cette expérience conduite par Ruben Laukkonena, Benjamin Kaveladzeb, Jason Tangenc et Jonathan Schooler ? Il s’agissait de tester le lien entre le fait de deviner, le fait d’avoir un sentiment de révélation et le fait d’avoir raison. Ils viennent de publier les résultats de leur étude dans la revue Cognition(1).

On y apprend tout d’abord que les participants ont réussi à déchiffrer 60 % des phrases dans les 20 secondes imparties. Si vous aviez trouvé les deux phrases, vous êtes donc au-dessus de la moyenne, bravo ! Quand les participants avaient réussi à déchiffrer la phrase, ils la jugeaient plus souvent vraie que lorsqu’ils n’avaient pas réussi à la comprendre du premier coup. Il y a donc un biais cognitif associé au fait de deviner. Satisfaits d’avoir deviné la bonne réponse, nous avons davantage tendance à la croire vraie. Dans près de 40 % des cas, les participants avaient connu un sentiment de révélation du style : « Eureka ! ». Ceux qui avaient justement connu ce sentiment étaient encore plus nombreux à penser que la phrase en question était vraie.

La leçon que l’on peut en retirer est qu’il faut se méfier de l’effet devinette et encore plus de l’effet de révélation car ils sont potentiellement trompeurs. Contents d’avoir compris le sens caché, nous sommes moins méfiants et avons tendance à prendre ces affirmations pour argent comptant. Ce type d’effet peut survenir dans la vie de tous les jours au travail. Lorsqu’on a du mal à comprendre un courriel et qu’il devient tout à coup plus intelligible. Ou bien lorsqu’on assiste à une réunion et qu’on met un petit moment à comprendre ce que veut dire un de ses collègues par exemple. La publicité peut également utiliser ce genre de procédés pour attirer l’attention et faire passer un message.

Une sage résolution pour bien commencer l’année serait donc de se méfier de cet effet en prenant le temps, une fois qu’on a compris un message, d’analyser sa véracité au lieu de relâcher son attention.

Ah oui, j’oubliais de vous donner la réponse : oui, le lithium est le métal le plus léger ; mais non, il n’y a pas plus de 100 000 cratères sur la lune.

(1) Laukkonen, R. E., Kaveladze, B. T., Tangen, J. M., & Schooler, J. W. (2020). The dark side of Eureka : Artificially induced Aha moments make facts feel true. Cognition, 196, 104122.

Auteur

  • Denis Monneuse