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Formation : La POEC séduit les secteurs en tension

Le point sur | publié le : 16.12.2019 | Gilmar Sequeira Martins

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Formation : La POEC séduit les secteurs en tension

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Conçue comme un dispositif de montée en compétences directement liée aux besoins des entreprises, la Préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC) reste tributaire d’un financement réduit, d’un taux d’insertion variable et de l’évolution toujours en cours du paysage de la formation.

En apparence, la Préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC) demeure une formation classique. D’une durée de 400 heures, dispensée sur trois mois à 10 à 12 demandeurs d’emploi par session, elle débouche généralement sur une période de deux à trois semaines en entreprise avec un tuteur, voire sur un contrat de professionnalisation pour accéder à une qualification spécifique. « C’est une formation d’adaptation qui a pour but de mettre le pied à l’étrier, explique Audrey Pérocheau, directrice du développement des compétences dans les territoires en charge des programmes de formations de Pôle emploi. Elle est destinée aux demandeurs d’emploi qui ont besoin de maîtriser les premiers socles de compétences pour intégrer des entreprises. »

Si elle est ouverte à toutes les sociétés, la POEC se focalise cependant sur les nouveaux métiers et ceux en tension, d’où une montée en puissance rapide. En 2017 et 2018, le nombre de POEC a augmenté de 25 % et la tendance devrait se poursuivre en 2020, selon Pôle emploi. « La POEC représente 6 % du total des entrées en formation des demandeurs d’emploi, précise Audrey Pérocheau. Parmi les secteurs les plus utilisateurs figurent le travail temporaire, l’hôtellerie-restauration et l’industrie, qui a un enjeu d’industrialisation des territoires et rencontre des difficultés à honorer ses carnets de commandes. » La dirigeante de Pôle emploi estime que cette croissance va se poursuivre et souhaite que les DRH s’impliquent davantage dans le processus : « Je crois qu’il est particulièrement intéressant pour eux d’échanger avec leur Opco afin de les informer des besoins de leur entreprise et, éventuellement, de leur intérêt à aller vers une POEC effectuée en Afest (action de formation en situation de travail). »

L’intérêt de la POEC a d’autant plus de chances d’augmenter que des évolutions sont déjà envisagées.

Évolutions

Certains Opco ont manifesté leur souhait d’intégrer la POEC dans le cadre d’une Afest qui a lieu en entreprise. « Pôle emploi est favorable à ce que la POEC se déroule directement dans l’entreprise sans passer par un centre de formation », indique Audrey Pérocheau. Tout en soulignant que l’Afest est récente, elle note que son cahier des charges doit encore être précisé, sans pour autant exclure cette possibilité : « Pour que la POEC s’effectue en mode Afest, il faudrait sans doute qu’une entreprise envisage de recruter plusieurs personnes simultanément, or toutes les entreprises ne disposent pas des locaux et de l’organisation nécessaires. »

Autre évolution majeure du dispositif : l’éventualité de déroger à la limite des 400 heures pour les projets innovants. « Cela pourrait passer par un couplage entre une POEC et une Afest, indique Patrice Omnes, directeur général d’Opco Mobilités. De nombreuses formations dépassent cette limite. À 30 ou 50 heures près, elles ne sont pas éligibles à la POEC, c’est dommage. Je ne sais pas si les 400 heures procèdent d’une logique. Pour nous, la vraie logique, c’est l’insertion. » Pour la favoriser, l’Opco Mobilités entend mobiliser d’autres leviers. « Le souci actuel porte autant sur le sourcing que sur l’attractivité des métiers », constate Patrice Omnes.

L’Opco Mobilités compte engager en 2020 une action dans la durée pour mieux faire connaître et valoriser ses métiers. « Nous souhaitons également établir une cartographie des métiers afin de voir quelles passerelles peuvent être instaurées entre eux, ce qui devrait aussi contribuer à l’attractivité, ajoute Patrice Omnes. En termes de moyens, ce sont les 200 salariés de nos délégations régionales qui vont porter cette politique qui devrait être dotée d’un budget de 2 millions d’euros. »

4 600 euros par personne

Malgré ses atouts, la POEC essuie quelques critiques. Son caractère collectif n’est pas forcément la voie la plus appropriée, estime Lionel Lerogeron, membre de la commission exécutive fédérale de la CGT et co-animateur du secteur de la formation professionnelle, qui préfère la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) : « Elle permet de mieux cibler les besoins et les attentes du salarié. Elle obtient d’ailleurs un meilleur taux d’insertion que la POEC grâce à cet accompagnement individuel. » La CGT préconise par ailleurs une meilleure vérification des débouchés avant l’entrée en formation. Ce serait un gage de plus forte réussite, juge Lionel Lerogeron : « Plus les débouchés seront élevés et plus les personnes s’investiront ».

Le passage envisagé à un financement à 100 % par l’État soulève aussi des questions. « Cela simplifie les démarches, mais cela ne responsabilise pas les sociétés », souligne le représentant de la CGT pour qui « un dispositif entièrement financé par l’État » doit avoir pour contrepartie « un engagement de la part de l’entreprise en bout de course ». Le coût n’a en effet rien d’anecdotique. En 2019, l’État a consacré 175 millions d’euros pour former 38 000 demandeurs d’emploi, soit un coût par formation qui dépasse 4 600 euros par personne.

La POEC souffre par ailleurs de sa faible notoriété auprès des salariés, corollaire des réformes répétées auxquelles est soumis le système français de formation. Selon Lionel Lerogeron, la dernière réforme de la formation professionnelle issue de la loi du 5 septembre 2018 ne va pas favoriser la dimension de l’accompagnement : « L’appli CPF ne suffira pas. Elle ne bénéficiera qu’aux salariés déjà bien formés, or les personnes éloignées de l’emploi ont besoin d’un accompagnement pour faire un bilan initial et avoir un suivi personnalisé. » La transformation des Opca en Opco constitue aussi un frein à l’efficacité du dispositif, de même que leur futur périmètre, selon le syndicaliste dont la confédération n’a pas signé l’accord national interprofessionnel du 22 février 2018, ébauche de la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel. Avec des ambitions affichées, la POEC doit enfin faire sa place dans le paysage de la formation professionnelle pour réduire les tensions qui pèsent sur le marché du travail et handicapent les entreprises.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins