logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le fait de la semaine

« La discrimination salariale relève parfois d’une culture bien ancrée »

Le fait de la semaine | publié le : 16.12.2019 | Dominique Perez

Image

« La discrimination salariale relève parfois d’une culture bien ancrée »

Crédit photo Dominique Perez

Que révèlent les données de l’Insee sur les écarts salariaux entre secteurs ?

Quand on écoute les entreprises, tout va bien. Si telle ou telle société a 75 ou 80 points, elle est en phase avec l’index égalité femmes-hommes. Pourtant, il existe des écarts de rémunération importants, décelables uniquement lorsque l’on dispose de données agrégées et détaillées par secteurs. Cette base de données de l’Insee permet de voir plus précisément les pratiques au plus près des entreprises. Par exemple, dans la distribution d’électricité, on sait que la majorité des salariés œuvrent dans le même groupe, c’est-à-dire Engie. Dans l’industrie aéronautique, avec Airbus, la politique salariale est très homogène. Quand on travaille sur des niveaux plus agrégés, les informations recueillies montrent qu’il y a certainement des disparités importantes d’une entreprise à l’autre.

Comment explique-t-on ces disparités salariales ?

Certaines entreprises jouent bien le jeu et ont des écarts de salaire dits « naturels », car elles ont des métiers traditionnellement plus « masculins ». C’est le cas par exemple de celles qui emploient beaucoup d’ingénieurs. Mais il y a aussi des phénomènes que l’on ne parvient pas à expliquer aujourd’hui, comme dans la finance, où l’on observe des écarts parfois considérables. Mon hypothèse est que le problème relève d’une culture bien ancrée, avec une grande majorité d’hommes au sein des conseils d’administration. Quand on constate jusqu’à 50 % d’écart, cela veut dire que tous les postes à responsabilité sont tenus par les hommes, même l’encadrement intermédiaire… Il ne s’agit pas de discrimination individuelle, mais d’une véritable culture d’entreprise.

Avez-vous eu d’autres surprises ?

Les secteurs où l’on constate les écarts les plus importants au détriment des femmes sont ceux qui rémunèrent le mieux. Donc on peut dire que tout le monde est gagnant à la sortie, hommes et femmes, mais les hommes le sont souvent bien plus ! Autre constat : dans les secteurs où les hommes gagnent plus que les femmes, les écarts salariaux sont plus importants que dans ceux où les femmes gagnent plus que les hommes. Cela concerne des secteurs à bas salaires, comme l’aide à la personne. Dans les secteurs très féminisés, les hommes gagnent globalement plus que les femmes, comme les salons de beauté ou la coiffure, par exemple ! Cela peut s’expliquer par le niveau de responsabilité : les hommes peuvent par exemple être responsables de plusieurs salons, ce qui est moins le cas des femmes…

Que peut-on attendre de ces résultats ?

Les entreprises peuvent se sentir concernées, lorsqu’elles ne sont pas bien placées et connaissent des écarts importants. Les branches professionnelles peuvent aussi réfléchir à la question de la promotion interne, à la mixité des équipes de direction dans leur secteur. Quand les disparités sont si grandes, on peut se demander si les bons résultats affichés sont toujours vrais… Enfin dans les secteurs comme l’audiovisuel ou le cinéma, qui révèlent de très fortes disparités salariales et sont largement soutenus par l’État, ce dernier pourrait, peut-être, faire passer le message…

Auteur

  • Dominique Perez