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Un nouveau rôle pour la fonction RH : lanceur d’alerte sur les risques du digital

Chroniques | publié le : 16.12.2019 |

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Un nouveau rôle pour la fonction RH : lanceur d’alerte sur les risques du digital

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Charles-Henri Besseyre des Horts Professeur émérite à HEC, président de l’AGRH

Un discours général « encensant » la révolution digitale

Depuis plus d’une décennie, la grande majorité des discours vante les bienfaits de la révolution digitale avec l’accent mis, par exemple, sur le côté disruptif des possibilités nouvelles offertes par les outils magiques que sont les smartphones et les réseaux sociaux, sans compter les inévitables litanies entendues ou lues sur le renforcement de la coopération permis par le digital ou les nouveaux modes de management qu’inventeraient les start-ups ringardisant de fait les pratiques des entreprises plus matures. Face à ce qui paraît relever de la simple croyance ou d’une nouvelle langue de bois, la fonction RH doit pouvoir jouer le rôle de lanceur d’alerte sur les risques du digital dont certains sont dénoncés dans des livres récents comme la captation totale de l’attention1 par les GAFA ou le développement d’un crétinisme digital chez les enfants2.

Sur quels risques du digital devrait alerter la fonction RH ?

Sans avoir l’ambition de lister ici tous les risques associés à la révolution digitale qui peuvent intéresser les DRH, il est néanmoins possible d’en citer quelques-uns parmi les plus importants :

1) La connectivité permanente conjuguée à la pression de la hiérarchie et/ou des clients se traduisant par des cas de plus en plus fréquents d’épuisement professionnel ;

2) L’émergence d’une nouvelle forme de taylorisme digital3 dans des métiers et activités où il avait complètement disparu depuis de nombreuses décennies : à la machine la tâche de conception, à l’homme la tâche d’exécution ;

3) La perte du lien social avec des relations de plus en plus virtuelles entre les personnes et les équipes allant jusqu’à envoyer un mail à son voisin de bureau sans jamais aller lui parler ou… prendre un café ! ;

4) La fracture de plus en plus visible entre les « digital natives » et les autres collaborateurs moins à l’aise avec les outils digitaux pouvant devenir pour eux/elles une véritable incapacité comparable à celle vécue par les personnes en situation de handicap :

5) L’illusion verte du digital qui sous-estime voire nie l’énorme impact écologique que représente la croissance exponentielle de l’usage des outils digitaux puisque l’on estime la part du digital à plus de 20 % de la consommation électrique totale de la planète en 20304.

Les actions possibles de la fonction RH pour alerter

Face à ces risques et aux autres qui ne sont pas mentionnés ici, la fonction RH peut jouer son rôle de lanceur d’alerte en auditant l’impact de l’usage des outils digitaux sur la santé et le comportement des collaborateurs notamment sur la dimension du lien social, en se positionnant en pilote du changement lorsque sont lancés de nouveaux projets digitaux, et en sensibilisant les managers et les collaborateurs à la mise en œuvre de comportements plus responsables pour la planète et la communauté sociale que représente l’entreprise dans l’usage des outils digitaux. Par ces actions et d’autres à imaginer pour alerter sur les risques du digital, la fonction RH peut y trouver une nouvelle raison d’être en tant qu’activiste crédible, appellation chère au gourou RH américain Dave Ulrich.

1) Patino, B. : La civilisation du poisson rouge, Grasset, 2019

2) Desmurget, M. : La fabrique du crétin digital, Le Seuil, 2019

3) Besseyre des Horts, CH : « Le néo-taylorisme digital : un nouveau défi pour les DRH », Personnel-ANDRH, n° 585, Février 2018, pp. 78-79