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« Le plan de développement des compétences garde toute sa place »

Le point sur | publié le : 09.12.2019 | Benjamin d’Alguerre

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« Le plan de développement des compétences garde toute sa place »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Anne-Lise Ulmann est maître de conférences HDR au Cnam et membre des comités scientifiques de l’expérimentation Afest et de la commission de France Compétences en charge de la certification professionnelle.

L’Afest signe-t-elle la fin du « modèle séparatiste » français qui divisait strictement les temps de travail et de formation ?

Le modèle dit « séparatiste » suppose que le lieu de formation soit un « espace protégé » où le lien de subordination existant entre l’employé et l’employeur est suspendu temporairement. Le retour de la formation sur le lieu de travail oblige à repenser ce lien et à sa mise en sommeil durant le temps de la formation. La conception d’Afest contraint donc à différencier la situation de production de celle d’apprentissage où il faut, par exemple, permettre le droit à l’erreur aux apprenants, leur laisser un rythme de travail moins soutenu, accepter leurs tâtonnements…

Comment imposer ce « droit à l’erreur » aux entreprises ?

Lors des expérimentations 2015-2018, on a pu constater qu’il existait des situations pour lesquelles l’Afest ne constituait pas un dispositif de formation pertinent à cause, justement, de cette difficulté à garantir le droit à l’erreur. Par exemple, celles nécessitant la manipulation de produits dangereux ne sont pas toujours bien adaptées à la conception d’Afest si l’organisation n’a pas réfléchi en amont aux étayages nécessaires pour ne pas mettre en danger les personnes. Sensibiliser les employeurs au fait que toutes les situations de travail ne sont pas apprenantes et que les temps d’apprentissage doivent avant tout rester des temps de formation, est essentiel. Le décret qui encadre ce mode de formation est plutôt aidant : il donne un cadre rigoureux pour ne pas confondre Afest et formation « sur le tas », mais laisse suffisamment de latitude aux acteurs pour ajuster les modalités d’apprentissage à leur contexte social et organisationnel.

L’Afest peut-elle constituer un palliatif au plan de développement des compétences pour les entreprises qui ne sont plus éligibles aux fonds mutualisés des Opco ?

L’Afest est pertinente lorsqu’il s’agit de mettre en place des parcours pour lesquels aucune offre alternative n’existe ou pour toucher des salariés ayant peu accès à la formation : typiquement, ceux des TPE-PME. Pour autant, l’Afest n’est pas une réponse universelle. Le plan de développement des compétences conserve toute sa place dans les dispositifs de formation à la main des entreprises. L’Afest invite à travailler la combinaison de différentes modalités d’apprentissage : en situation de travail, en formation, en FOAD…

Pourtant, pour l’instant, les grandes entreprises semblent les premières à tenter l’expérience. L’Afest aurait-elle manqué sa cible ?

À chaque apparition d’une nouvelle modalité de formation, les grandes entreprises se montrent souvent intéressées. Pourquoi pas si cela convient à leurs besoins ? Les Afest ne sont pas réservées aux TPE-PME. L’expérimentation a seulement permis de confirmer qu’elles créent des marges de manœuvre pour réintégrer la formation dans leur stratégie de développement et semblent susciter chez ces salariés davantage d’appétence à la formation que les stages.

Justement, comment mobiliser les PME/TPE à la mise en œuvre d’Afest ?

Lors de l’expérimentation, les Opca ont été des acteurs majeurs de cette mobilisation auprès de leurs entreprises adhérentes.

Ce sont eux qui ont permis aux petites structures d’expérimenter cette approche de la formation et de réfléchir aux effets produits. Aujourd’hui, les textes réglementaires donnent aux Opco cette mission d’accompagner leurs adhérents dans leur stratégie de développement des compétences des professionnels.

Selon vous, faut-il certifier les formateurs Afest ?

Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Mais si certification il doit y avoir, il ne faudrait pas qu’elle entraîne une rigidification en imposant un modèle de fonctionnement qui ne permettrait plus de s’ajuster aux spécificités sociales et organisationnelles de chaque structure.

Pour les salariés-tuteurs, la certification est un moyen pour faire reconnaître leur fonction d’encadrement des apprenants, mais ce n’est pas une nécessité.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre