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Branches professionnelles : Le Conseil constitutionnel complique les fusions

L’actualité | publié le : 09.12.2019 | Gilmar Sequeira Martins

Le Conseil constitutionnel vient-il de rogner les ailes du ministère du Travail dans le grand chantier de la restructuration des branches professionnelles ? Sa décision du 29 novembre (n° 2019-816 QPC) marque peut-être un tournant. Les « Sages » ont en effet censuré la disposition autorisant la ministre du Travail à « fusionner plusieurs branches afin de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives » (huitième alinéa du paragraphe I de l’article L. 2261-32 du Code du travail). Pour étayer sa décision, le Conseil constitutionnel estime que le législateur n’a pas déterminé les critères permettant d’apprécier cette cohérence, ce qui a laissé à l’autorité ministérielle une « latitude excessive » quant aux motifs susceptibles de justifier la fusion.

Pour la CFE-CGC, ce choix n’a rien de surprenant. « La décision du Conseil constitutionnel est logique puisque la première étape d’une future convention collective consiste à définir le champ auquel va s’appliquer le résultat des négociations à venir », souligne Gilles Lecuelle, secrétaire national en charge du dialogue social. Il rappelle que « certaines fusions se sont faites contre l’avis des partenaires sociaux », considérant que le ministère « a tranché selon son bon vouloir ». Pour Alain Clair, secrétaire général de la fédération spectacle et communication Unsa, le ministère du Travail se voit dépossédé d’un atout maître dans le processus de restructuration puisqu’il « ne peut donc plus utiliser [ce motif] pour restructurer les branches tant qu’il n’a pas précisé sur quels éléments repose cette “cohérence” ».

Rafale de recours

Le Conseil constitutionnel a aussi émis deux « réserves d’interprétation » dont l’une porte sur les conventions collectives de branche rattachées à une autre. En cas d’échec de la négociation collective, une fusion peut avoir lieu, mais elle ne peut pas « mettre fin de plein droit à l’application des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent des situations spécifiques à cette branche ».

Alain Clair y voit une opportunité pour faire avancer le recours pour excès de pouvoir déposé en mai devant le Conseil d’État pour faire annuler la fusion administrative entre la convention collective des artistes-interprètes engagés pour des émissions de télévision et celle de la production audiovisuelle : « Nous allons donc pointer de manière plus systématique toutes ses spécificités pour mieux éclairer le Conseil d’État, quitte à démontrer ainsi que leur sauvegarde est impossible en cas de fusion, ce qui enlèverait toute légitimité à cette dernière. »

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs estimé, de façon inédite, que, en matière de négociation collective, la liberté contractuelle découle des sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 et de l’article 4 de la Déclaration de 1789. Il rappelle que le législateur peut y apporter des limites justifiées à condition que cela ne porte pas « d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». La CFE-CGC compte s’appuyer sur ce soutien donné à la liberté contractuelle pour faire reculer le ministère qui a refusé de valider les salaires minimaux hiérarchiques définis dans les accords signés par sa confédération. « Un contentieux est en cours devant le Conseil d’État portant sur les exclusions effectuées par la DGT lors des arrêtés d’extension, explique Gilles Lécuelle. Ce n’est pas à la ministre du Travail de définir ce qui n’est pas défini dans la loi. » Sans le vouloir, le Conseil constitutionnel semble avoir ouvert la voie à une nouvelle passe d’armes entre les partenaires sociaux et l’exécutif.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins