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Risques professionnels : La reconnaissance est un parcours du combattant

Le point sur | publié le : 02.12.2019 | A. F.

Si une exposition à une substance cancérogène est avérée, une affection peut être reconnue comme maladie professionnelle. Mais face à la complexité des démarches, beaucoup de salariés malades renoncent à leurs droits.

En France, 1 940 cancers professionnels ont été recensés en 2017 par l’Assurance maladie. Problème, cet état des lieux est loin de refléter la réalité puisqu’une part non négligeable de personnes ne déclarent pas leur pathologie, une étape incontournable pour être indemnisé. En cause : une responsabilité du travail trop souvent sous-estimée dans l’apparition de la maladie. Celle-ci étant déclenchée par de multiples facteurs et ses premiers symptômes se manifestant des décennies après l’exposition aux substances cancérogènes, les malades ne font pas toujours le lien entre leur pathologie et leurs activités professionnelles passées. Surtout s’ils ont occupé des emplois successifs dans différents secteurs durant leur carrière. Une traçabilité qui sera rendue encore plus compliquée avec la suppression par l’ordonnance sur la pénibilité de l’obligation des employeurs d’assurer le suivi individuel de l’exposition aux risques chimiques.

Origines complexes

Mais le corps médical a aussi sa part de responsabilité. S’ils ont tendance à incriminer le facteur professionnel dans les TMS, ils oublient fréquemment de se pencher sur les conditions de travail des patients, un sujet peu abordé en formation, et préfèrent explorer les pistes liées aux comportements individuels. « Quand un plombier développe un mésothéliome, le lien avec l’activité professionnelle est facile à établir. Mais, quand un salarié atteint d’un cancer du poumon a occupé dix postes dans sa carrière, attribuer son origine à des causes professionnelles est plus complexe. Ce repérage nécessite une analyse approfondie des substances manipulées au travail. Or, les médecins n’ont ni le temps ni les connaissances pour retracer l’historique des expositions de chaque salarié », explique le Pr Béatrice Fervers, directrice du département Cancer et environnement du Centre Léon Bérard.

Pour mieux détecter l’origine professionnelle des cancers, ce centre propose une consultation « Cancers professionnels », associé à un rendez-vous avec une assistante sociale qui aide les patients dans le montage du dossier de reconnaissance destiné à la CPAM. Après avoir pris connaissance du parcours professionnel du malade, les médecins, chargés d’établir le certificat médical indispensable à la reconnaissance, enquêtent sur les tâches effectuées sur chacun des postes, les substances rencontrées et la façon dont celles-ci ont été manipulées. Si une exposition à une substance cancérogène est avérée, l’origine professionnelle est présumée s’il existe un tableau de la Sécurité sociale pour ce cancer, et si le malade en rempli les critères. « Les tableaux sont très restrictifs et ne suivent pas les avancées médicales. Leur création ou leur modification est soumise à l’avis des partenaires sociaux. Il peut y avoir des résistances de la part des employeurs car plus les pathologies reconnues et indemnisées sont nombreuses, plus leurs cotisations AT-MP sont susceptibles d’augmenter », indique Henri Bastos, directeur adjoint de l’évaluation des risques à l’Anses.

Apport de preuves solides

Si aucun tableau n’existe, les malades doivent apporter des preuves solides que la pathologie est liée à des facteurs professionnels. « Les personnes malades doivent faire un travail de mémoire pour se rappeler des circonstances des expositions alors qu’ils n’étaient pas toujours informés que les produits manipulés étaient dangereux. Fatigués par les traitements et face à la complexité des démarches, beaucoup se découragent et renoncent à leurs droits », regrette Alain Bobbio, de l’Andeva, association qui offre des conseils techniques et un soutien moral aux victimes de l’amiante.

Auteur

  • A. F.