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5 décembre : la grève qui débloque

Chroniques | publié le : 02.12.2019 |

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5 décembre : la grève qui débloque

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Martin Richer Management & RSE

J’assume : je fais partie des dinosaures, survivants du siècle dernier, qui croient encore que le dialogue social peut déboucher sur des compromis librement consentis plutôt que sur des blocages. C’est d’ailleurs ce que produit le dialogue social au sein des entreprises, avec bon an mal an, 40 000 accords signés entre employeurs et représentants syndicaux. Mais là, le 5 décembre, c’est un tout autre registre : nous sommes dans la théâtralisation du dialogue interprofessionnel.

Premier dispositif : le télétravail

Depuis deux mois, je pose la question aux chefs d’entreprise que je rencontre : « Avez-vous un plan de continuité pour le 5 décembre ? ». Les réponses les plus fréquentes sont « oui, nous misons sur le télétravail », suivie de « non, c’est inutile car nous avons développé le télétravail ». Voici donc la mesure phare et la raison pour laquelle cette grève débloque : elle incite (et dans certains cas, elle oblige) les entreprises encore réticentes à passer au télétravail ou à l’étendre. C’est un puissant facteur de déblocage car les entreprises françaises sont historiquement très en retard dans le déploiement du télétravail, même s’il a été opportunément assoupli par les ordonnances Travail de 2017.

Or, ce retard est préjudiciable car le télétravail est une solution mutuellement gagnante, comme le montre l’étude du Comptoir de la nouvelle entreprise de Malakoff Médéric publiée en février 2019. Pour les collaborateurs, il réduit les temps de trajet (qui ont considérablement augmenté ces dernières années du fait de la métropolisation) et donc l’exposition aux accidents du travail (dont la première cause est de loin les trajets domicile-travail-client), il permet une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle (première ou seconde attente exprimée par les salariés en matière de QVT, selon les baromètres), améliore la souplesse des horaires et évite de la fatigue et du stress. Pour les entreprises, il génère des gains de productivité, libère de l’espace de bureau onéreux, diminue l’absentéisme et permet d’accompagner la transition managériale (moins de contrôle, plus de soutien professionnel et d’autonomie). Pour l’environnement, il engendre une économie en émission de particules fines et de gaz à effet de serre.

Second dispositif : le covoiturage

Le second dispositif prévu par les plans de continuité des entreprises est le développement du covoiturage. Là encore, c’est un facteur de déblocage car le covoiturage à des fins professionnelles est encore trop embryonnaire en France où il s’est plutôt développé dans la sphère des loisirs. Un chiffre : depuis début 2018, la loi de transition énergétique impose aux entreprises de plus de 100 salariés sur un même site d’établir un plan de mobilité (anciennement plan de déplacement d’entreprise), mais selon un sondage de la FAPM (Fédération des acteurs des plans de mobilité), plus de 80 % des entreprises n’ont jamais entendu parler de cette obligation légale et n’ont donc toujours pas proposé de plan d’actions ni même réalisé de diagnostic… Là encore, le fait de rattraper notre retard génère des bénéfices à la fois pour les entreprises, les collaborateurs, la planète et les territoires. À l’heure où j’écris ces lignes, vendredi 22 novembre, il est trop tôt pour savoir si cette grève sera véritablement un facteur de déblocage. Car EDF a annoncé des coupures d’électricité, ce qui peut obérer le fonctionnement du télétravail une fois votre batterie vidée. Quant à Bison futé, il prévoit des embouteillages susceptibles d’annihiler les velléités de covoiturage. Et enfin, la question posée au début de cet article n’est pas pertinente : le problème n’est pas le jeudi 5 décembre mais le lundi 9 : les blocages vont-ils s’enliser durablement ? L’incertitude est à son comble : cette grève nous fait débloquer dans tous les sens du terme.

Pour aller plus loin : « Le dialogue social à la française, chef-d’œuvre en péril » http://management-rse.com/2017/01/05/dialogue-social-a-francaise-chef-doeuvre-peril/