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Sur le terrain

Espagne : Comment Alcampo lutte contre les violences faites aux femmes

Sur le terrain | publié le : 25.11.2019 | Valérie Demon

Au-delà des Pyrénées, les magasins Auchan ne se contentent pas de sensibiliser le personnel et les clients. L’entreprise s’est associée cette année avec la Croix-Rouge, pour travailler à l’employabilité des victimes.

Depuis plusieurs années, l’Espagne a pris à bras-le-corps la question de la violence dite « genrée », autrement dit, les violences faites aux femmes. Le pays dispose d’une loi spécifique pour lutter contre ce fléau depuis 2004 et des tribunaux spécialisés. Mais la réinsertion dans le monde du travail des femmes victimes de violence reste moins connue. Dès 2012, le secrétaire d’État des Services sociaux et de l’Égalité a pourtant mis en place un « réseau des entreprises pour une société libre de violence genrée ». Pour faciliter la construction d’un tel réseau, deux associations, la Croix-Rouge et la Fondation Integra, se chargent de l’aide et de la formation des victimes pour les préparer à leur réinsertion dans le monde du travail.

Alcampo (nom des magasins Auchan en Espagne) a adhéré dès 2012 au réseau, puis signé un accord avec la Croix-Rouge en juin dernier. « Déjà, en 2012, il était évident que cette problématique était clé. La violence genrée change une vie et ces femmes doivent s’en reconstruire une autre », explique Cristina Joven, responsable des relations extérieures et de la RSE d’Alcampo. Comme toutes les autres entreprises signataires, Alcampo s’engage à sensibiliser tant ses employés que ses clients à la violence contre les femmes. À l’occasion du 25 novembre, journée mondiale de l’élimination de la violence contre les femmes, l’entreprise diffuse en interne une série de messages et place également dans ses supermarchés des affiches pour alerter sur ce phénomène. Le 016, numéro de téléphone gratuit d’information et de conseil juridique, figure également sur les séparateurs de caisse. « Les femmes doivent se sentir soutenues », déclare Cristina Joven.

Insertion

Reste ensuite l’autre pilier du réseau des entreprises : encourager l’insertion sur le marché du travail. Si Alcampo y travaille depuis 2012 de manière locale, l’entreprise a décidé cette année de s’associer avec la Croix-Rouge, « pour rendre le mécanisme plus systématique et renforcer l’employabilité de ces femmes », explique Cristina Joven. « Notre première mission consiste à sensibiliser les personnes qui vont prendre les décisions dans l’entreprise », déclare Javier Jose Perez, coordinateur du projet d’insertion socioprofessionnelle de la Croix-Rouge, avant d’ajouter : « De manière générale, nous constatons que le monde de l’entreprise n’est pas précisément au courant de la problématique et nous devons lutter contre les fausses idées. Les gens pensent souvent, à tort, que les victimes appartiennent à une classe sociale basse, que leurs compétences sont peu élevées ou qu’elles n’ont jamais travaillé. »

Les associations doivent en outre aider les entreprises à dépasser certaines craintes. « De manière générale, les employeurs estiment souvent que l’adaptation de ces futures salariées sera difficile. De même, ils redoutent que leur agresseur se présente sur leur lieu de travail », décrit Javier Jose Perez. Alcampo, qui propose des CDI, s’adapte : « Nous aidons les femmes en leur proposant par exemple un poste dans une autre ville, si elles en ont besoin, et nous tentons d’ajuster leurs horaires », affirme Cristina Joven. La question de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée est essentielle. Sur plus de 2 200 femmes passées en 2018 par la Croix-Rouge, 70 % avaient des enfants.

La responsable des relations extérieures et de la RSE d’Alcampo ajoute une spécificité supplémentaire pour les femmes victimes de violence : leur besoin de soutien émotionnel. « Nous le travaillons de manière personnelle avec la DRH et les directeurs de centres », dit-elle. Et avant de pouvoir occuper un poste, la Croix-Rouge leur offre un processus de formation spécifique. Outre le soutien psychosocial, l’organisation travaille sur le retour de la confiance et l’autonomisation des femmes. « Nous devons aussi renforcer leur réseau personnel et professionnel, puisque, souvent, elles se trouvent dans des maisons d’accueil, loin de leur domicile, et doivent reconstruire un réseau », explique Javier Jose Perez.

Fracture numérique

La fracture numérique reste également problématique. « Dans le cas de ces femmes, elle est accentuée car elles craignent que leur ancien compagnon ne les retrouve par le biais des réseaux sociaux, il faut donc travailler sur la protection de la vie privée », relève Javier José Pérez. La Croix-Rouge élabore ensuite avec l’entreprise 200 heures de formation, stage inclus (60 à 80 heures) avec un tuteur. « Toutes ne seront pas forcément engagées, mais elles verront qu’il existe des opportunités et elles sont très motivées », assure-t-il. La Croix-Rouge est parvenue à placer près de 44 % des femmes passées par ses services, dans le secteur du commerce, le nettoyage, la santé, le tourisme…

Auteur

  • Valérie Demon