Comme l’hôpital, la psychiatrie est en plein malaise, confrontée à des coupes budgétaires, à la suppression de lits et aux logiques gestionnaires. Mais plutôt que d’insister sur le malaise des soignants, ce livre du sociologue Frédéric Mougeot prend l’exact contre-pied. Et préfère sonder les ressources et la « créativité » dont font preuve les infirmiers des hôpitaux psychiatriques pour préserver « la qualité du soin » et « leur cœur du métier » face à ces contraintes. Inspiré par les travaux d’Yves Clot sur le travail réel, l’auteur offre une belle enquête dans un hôpital psychiatrique, illustrant les stratégies dont font preuve les soignants face aux méthodes de management qui envahissent cet hôpital. Si tout ne parlera pas aux DRH de la fonction publique hospitalière (la sélection des patients « pour mieux chouchouter » les plus malades, notamment), d’autres sujets interpellent, comme le rejet des infirmiers face au contrôle de l’activité. Le sociologue montre « les stratégies de braconnage » à l’œuvre : les dossiers informatisés de suivi des patients que les soignants renseignent a minima, trop « déconnectés de leur métier ». Ou les « coups de main » qu’ils se donnent entre équipes d’autres unités pour gérer les urgences, voire se constituer au besoin un stock supplémentaire de médicaments à la pharmacie. Un moyen pour eux, selon le sociologue, de « préserver leurs marges de manœuvre » face « à la violence gestionnaire ». La solidarité est-elle si réelle entre soignants ? Le livre en tout cas défend la qualité de leur travail, critiquant « le new deal management » qui gagne la psychiatrie.