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Management : Le feedback, un outil au service de la performance

Le pont sur | publié le : 25.11.2019 | Sophie Massieu

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Management : Le feedback, un outil au service de la performance

Crédit photo Sophie Massieu

Pas révolutionnaire en soi mais propulsé sur le devant de la scène ces dernières années, le retour régulier aux collaborateurs sur leur travail devient, dans certaines entreprises, une dimension essentielle de la pratique managériale. Pour produire les effets escomptés, ce feedback doit répondre à des critères précis : savoir le donner et le recevoir.

Un groupe de travail sur le feedback à l’échelle de l’entreprise, pour rassembler des initiatives de différents managers. Voilà le choix fait par Orange. Parmi les pionniers dans cette entreprise, Jean-Elie Sobolevicius, manager chez Orange business services. « Donner un feedback n’est pas toujours simple, alors je me suis appuyé sur une enquête digitale, avec un chatbot. Cela permet des réponses anonymes, en temps réel. Un bottom up collectif, en somme, qui a fait école au sein du groupe. » Lui-même sollicite régulièrement un retour de ses collaborateurs, sur des thèmes donnés : « Cela requiert du courage, de demander à son équipe ce qu’elle pense de notre management… ». Mais chez Orange, le feedback est placé au cœur de la culture managériale du groupe.

Une exception ? Pas vraiment, à en croire Sébastien Biessy, directeur talents France chez Gras Savoye Willis Towers Watson. Selon lui, le feedback est un des sujets du moment chez les grands comptes qui sont clients du cabinet : « Soit ils en parlent, soit ils l’expérimentent déjà. Depuis peu, cela devient une dimension stratégique de la relation entre le manager et son collaborateur. »

Et dans tous les secteurs d’activité, complète Marianne Urmes, consultante chez The Boson Project et responsable des ressources humaines du cabinet de conseil : « Les entreprises en avance de phase, qui ont déjà travaillé leur modèle social ou leur leadership, se lancent, quelle que soit leur taille, et tous métiers confondus. » Une façon de répondre au besoin de transparence, tel par exemple qu’il a été exprimé dans le baromètre Ugict-CGT sur les attentes des cadres en octobre dernier. Selon cette enquête d’humeur, 58 % des cols blancs interrogés considèrent que leur évaluation individuelle manque. Le feedback pourrait donc être un bon moyen de satisfaire un besoin de reconnaissance. Selon le baromètre annuel du cabinet de management MoreHuman Partners, 81 % des Français déclarent avoir besoin de savoir ce qu’ils font de bien ou de moins bien dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Reste à savoir ce que contient, précisément, ce concept de feedback, désormais très à la mode… « C’est un retour constructif, professionnel, en lien avec une situation donnée et donc une mission attendue », synthétise Marianne Urmes. « C’est l’art de dire à autrui des choses qui vont l’aider à grandir et à réaliser son potentiel, ajoute Stéphane Moriou, président fondateur de MoreHuman Partners. Ce n’est pas juste le témoignage d’une reconnaissance. Il doit y avoir une intention, celle de nourrir l’autre pour qu’il se réalise. » Et d’inviter à bien distinguer le feedback d’un simple compliment.

Un « retour constructif »

Dès lors, pour le réussir, un des premiers points est d’y consacrer du temps. Et si un outil numérique semble à tous pouvoir représenter un premier pas, les consultants incitent vivement les entreprises à organiser un face-à-face, avec un temps dédié à cet échange, et non entre deux portes, ni même lors de l’entretien annuel, destiné, lui, à une évaluation. Autre précaution : le feedback doit intervenir au bon moment : « S’il arrive trop tard, sorti de son contexte, il ne sera plus compréhensible », prévient Marianne Urmes. Autre condition de succès, il émane d’une pluralité d’acteurs. D’où, par exemple, chez EY, la mise en place de parrains. Tous les trois mois, ces derniers s’entretiennent avec leurs filleuls, qui peuvent leur faire un retour sur leur parcours, leurs managers, leurs difficultés… Et ce feedback complète celui qui peut être échangé sur un projet donné avec les managers.

« Les entreprises françaises ne sont pas à la traîne en matière de feedback », observe Stéphane Moriou, qui insiste sur la dimension culturelle de cet outil managérial : les Américains ont tendance à le confondre avec les compliments, les Allemands et les Hollandais inversement n’hésitent pas à échanger sur les points d’amélioration…

S’il séduit tant dans l’Hexagone, c’est qu’il est perçu comme un outil de performance et de transformation, estime Valérie Dognin-Monier, directrice des ressources humaines de la société iséroise Fresenius : « Cela fait de chacun un acteur ». De quoi renforcer l’engagement des collaborateurs, donc. Frédéric Guzy, directeur général d’Entreprise & Personnel, invite à le relier aussi aux enjeux de qualité de vie au travail. « Les process de gestion de la performance vont laisser la place à une culture permanente de la performance, en bonne partie fondée sur le feedback », ajoute Sébastien Biessy, Gras Savoye Willis Towers Watson.

Une culture de la confiance

Mais la condition sine qua non est qu’une culture de la confiance et du feedback gagne l’entreprise : « Il faut construire des espaces d’échange, de dialogue, de participation des salariés aux orientations sinon de l’entreprise, au moins des services auxquels ils appartiennent », détaille Frédéric Guzy, d’E & P. À terme, la nature même du management pourrait s’en trouver modifiée, le management de la soumission cédant la place à celui de l’engagement, selon les experts du sujet. Ce qui pourrait remettre le collaborateur au cœur de la mission de l’entreprise, donner du sens à son travail et renforcer son engagement. Une petite révolution, en somme, pour des managers encore assez largement imprégnés d’une culture hiérarchique…

Un atout pour le recrutement

Menée auprès de 3 000 candidats, une étude du cabinet de recrutement Hays pointe la nécessité d’un feedback personnalisé à chaque étape du processus du recrutement, qu’il soit positif ou négatif. « Dans un contexte de pénurie des candidats, c’est ce qui va motiver sa décision », analyse Oualid Hathroubi, directeur Hays Paris. En cas de refus, cela permettra de le conserver dans le vivier de recrues possibles. Surtout, un processus de recrutement raté nuit à la réputation des entreprises : « Le feedback devient une des dimensions de la marque employeur. Il montre les comportements du manager, mieux que ne le ferait un long discours… » En somme, les candidats vivent une première expérience collaborateur. Du côté des postulants, un feedback fait au recruteur peut inverser une décision : un refus peut être évité si un trait d’humour ou un esprit de synthèse, par exemple, transparaissent dans un e-mail qui suit l’entretien.

Auteur

  • Sophie Massieu