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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 25.11.2019 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Flexibilité au travail : un petit arrangement entre amis ?

Il fut un temps où le terme flexibilité était un gros mot. La flexibilité au travail était perçue comme un euphémisme d’esclavage : elle signifiait en creux que les salariés devaient se montrer corvéables à merci, accepter des horaires atypiques, recevoir leur emploi du temps au dernier moment, travailler dur quand le carnet de commandes est plein et se tourner les pouces à d’autres périodes de l’année, etc. Le mot est alors devenu tabou chez les hommes politiques qui vantaient le système anglo-saxon par rapport à la rigidité du modèle social français, si bien qu’il a parfois été remplacé par celui plus doux de « souplesse ».

Dans le monde académique en général et celui des RH en particulier, le terme flexibilité n’a pas nécessairement de connotation négative. Il faut dire que la flexibilité au travail fait aussi bien écho à des pratiques centrées sur l’employeur que sur le salarié.

Les arrangements flexibles à destination du salarié sont ceux qui servent son intérêt en lui donnant davantage de contrôle sur son travail et un meilleur équilibre de vie. On retrouve ici le télétravail, le travail à distance et la flexibilité horaire qui permet de rentrer plus tôt chez soi le soir et de reprendre le travail en fin de journée, une fois que les enfants sont couchés par exemple.

Quant aux arrangements flexibles à destination de l’employeur, ce sont ceux qui servent en premier lieu les intérêts de l’entreprise. Ces pratiques servent à adapter la charge de travail au carnet de commandes et à diminuer le coût du travail. On retrouve ici le partage du travail, le travail le week-end et le travail comprimé sur un temps cours.

Argyro Avgoustaki et Ioulia Bessa, respectivement chercheurs à l’ESCP Europe et à l’université de Leeds, se sont demandé quels étaient les impacts de ces différentes formes de flexibilité. Au final, les salariés travaillent-ils plus ou moins d’heures et de façon plus ou moins intensive ? À partir de données recueillies au Royaume-Uni, les deux chercheurs viennent de publier leurs conclusions dans la revue Human Resource Management1.

Ils observent des conséquences différentes suivant les pratiques utilisées. Par exemple, le fait d’annualiser le temps de travail n’a pas de conséquence significative sur le temps passé au travail et sur l’intensité de celui-ci. En revanche, le temps partiel aboutit à une baisse du travail de manière à la fois extensive et intensive. Quant au télétravail, il aboutit au contraire à une hausse intensive et extensive du travail.

Toutefois, prises dans leur ensemble, les pratiques centrées sur le salarié comme celles centrées sur l’employeur aboutissent à une baisse de travail. En ce qui concerne les pratiques centrées sur le salarié, ce n’est guère étonnant : il s’agit d’un petit arrangement entre amis ; ceux qui utilisent ces pratiques mises à disposition par leur entreprise cherchent à avoir un meilleur équilibre de vie. Concernant les pratiques centrées sur les employeurs, l’explication est tout autre : il semblerait que les salariés trouvent injuste que leur employeur leur impose des formes de flexibilité, ce qui les amènerait à moins s’engager, donc à travailler moins et de façon moins intensive. Il s’agirait donc plutôt d’un arrangement entre ennemis.

Bref, alors qu’on accusait la flexibilité de tous les maux, il semble que les salariés apprennent à y faire face et finissent par y trouver leur compte d’une manière ou d’une autre.

(1) Avgoustaki, A., & Bessa, I. (2019). Examining the link between flexible working arrangement bundles and employee work effort. Human Resource Management.

Auteur

  • Denis Monneuse