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Le fait de la semaine

Réforme : Mon compte formation : l’appli qui bouscule le marché

Le fait de la semaine | publié le : 18.11.2019 | Benjamin d’Alguerre

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Réforme : Mon compte formation : l’appli qui bouscule le marché

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Le lancement de la plateforme CPF est programmé pour le 21 novembre et sa version mobile pour le 1er décembre 2019. Objectif affiché : un million de personnes formées au titre du CPF en 2020. Mais elle pourrait surtout bousculer profondément l’offre de formation.

Dans quelques jours, la fameuse application CPF quittera le stade de projet pour devenir une réalité accessible à 33 millions d’actifs. Le 21 novembre, la ministre du Travail Muriel Pénicaud donnera officiellement le coup d’envoi à la mise en ligne de la plateforme Mon compte formation dont la version mobile sera téléchargeable dès le 1er décembre 2019. Présentée comme l’un des piliers du « big bang de la formation » mis en chantier en 2018, cette appli doit permettre aux salariés de s’informer sur l’offre de formation recensée sur la base de données, choisir celle qui leur convient et la payer en ligne via le compte personnel de formation. Le tout, sans intermédiation. En outre, la plateforme fournira des informations complémentaires sur le taux d’insertion dans l’emploi lié aux formations retenues ou les offres d’emploi disponibles dans un secteur géographique donné.

Au mois de mars 2020, une future « V.2 » de l’appli rendra possible la notation des formations par ceux qui les ont suivies, mais aussi l’abondement financier du CPF de l’acheteur par un tiers : entreprise, branche, Pôle emploi, région… « Une branche pourra décider de consacrer un financement particulier aux formations menant à ses métiers en tension afin d’inciter les acheteurs à s’y orienter », résume Bruno Lucas, délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle. Conscient de la nouvelle donne, le Syntec vient de s’engager sur un accord formation allant dans ce sens. À l’autre bout du spectre, une entreprise pourrait opter pour ce type de coconstruction partenariale avec ses salariés dans le cadre de son plan de développement des compétences. Particulièrement si sa taille l’exclut des financements mutualisés des Opco…

Combien de formations seront disponibles le jour du lancement de l’appli ? Difficile à calculer. Les organismes de formation (OF) volontaires pour afficher leur catalogue sur la plateforme pouvaient le faire à compter du 1er novembre 2019. À en croire la Fédération de la formation professionnelle (FFP), un nombre conséquent de ses adhérents se sont lancés. « Il n’y aura pas 100 % de l’offre de formation en ligne le 21 novembre, mais au moins une grande partie », assure Muriel Pénicaud. Dans le secteur privé, des malins ont senti l’air du temps. Début novembre, le site commercial Le Bon Coin ouvrait une section dédiée aux offres de formation.

Ouvert au plus grand nombre

« Mon compte formation s’inscrit dans le cadre de quinze années d’évolution de l’individualisation du droit à la formation qui ont débuté avec la création du Dif en 2004, sa portabilité en 2005, la création du CPF en 2014 et sa monétisation en 2019. Avec l’appli CPF, la formation fait son entrée dans le bloc de protection sociale », rappelle Antoine Foucher, directeur de cabinet de la ministre du Travail. Pour le gouvernement, l’appli peut constituer un avantage dans la bataille internationale des compétences qui a déjà débuté. Les ambitions de l’exécutif vont dans ce sens : à l’horizon 2020, il vise l’objectif d’un million de personnes formées par le biais de Mon compte formation pour un investissement de 2 milliards d’euros en vitesse de croisière. Réaliste ? « Si l’on calcule que 33 millions de personnes sont concernées, que 8 millions de CPF sont ouverts à ce jour et que le montant moyen du compte – alimenté par les reliquats de l’ancien Dif et les heures de formation capitalisées depuis 2015 – tourne autour de 2 000 euros, c’est jouable », explique un administrateur d’Opco, en ajoutant : « Dans un premier temps, le gouvernement propose un CPF ouvert au plus grand nombre, fléché vers des formations de durée moyenne dont les tarifs avoisinent les 2 000 euros. Les formations plus longues et plus coûteuses qui nécessiteront des sur-abondements d’entreprises ou de branches ne sont pas prioritaires pour le moment », assure le même.

Nouvelles obligations

Côté offre de formation, l’heure est à l’adaptation. Parfois à marche forcée. Les conditions d’utilisation de l’application transmises aux OF fin septembre par la CDC – dotée dès 2020 de la double casquette de banque et d’organisme de contrôle du CPF – sont draconiennes. Pour bénéficier des fonds publics, les prestataires devront s’engager à respecter de nouvelles obligations : labellisation qualité Qaliopi (lire p. 8), obligation de réponses sous 48 heures (ou un mois si la formation exige des prérequis), informations précises sur la durée, le prix, d’éventuels frais annexes, les modalités de la formation, etc. Gare aux impétrants qui pourraient se voir déréférencés en cas de manquement, voire sanctionnés financièrement pour les cas les plus graves.

Pour les professionnels, les nouvelles règles du jeu entraîneront de la casse. L’exécutif ne se cache pas de vouloir tailler dans la jungle des 50 000 à 80 000 « OF » recensés. « Ce n’est pas tant les CGU qui créeront la contrainte qu’une nouvelle approche B to C que les organismes ne maîtrisent pas forcément », objecte Arnaud Portanelli, dirigeant de Lingueo, un organisme spécialisé dans les cours de langues. « Il faudra apprendre à répondre très vite à la demande. Comme pour un appel à devis, la rapidité créera l’efficacité. Les OF organisés en mode start-up seront favorisés. » Mais la médaille pourrait avoir son revers : exonérés de toute prescription de formation et recevant des offres aléatoirement sélectionnées par l’appli à leurs demandes de formation, les utilisateurs du CPF pourraient être tentés de faire confiance aux prestataires ayant pignon sur rue… ou faisant connaître leur offre par des pratiques publicitaires inaccessibles à l’OF moyen. Au ministère, on le concède : « C’est un risque, mais la formation reste un marché libre… »

Faire connaître l’appli

Le ministère du Travail n’entend pas refaire l’erreur de 2015 lorsque le CPF « première version » était sorti dans l’indifférence générale, faute d’une communication adéquate. Cette fois, les moyens nécessaires seront déployés : une grande campagne de pub multicanaux sera déployée du 1er au 15 décembre : télé, radio, Internet, presse écrite, le gouvernement a mis les petits plats dans les grands. Dans les entreprises, les RH seront incitées à évoquer le CPF à l’occasion des entretiens professionnels. Dans les agences Pôle emploi, les volontaires du service civique assistant les chômeurs victimes d’illectronisme seront formés à guider les utilisateurs sur l’appli. Les régions espèrent que les services régionaux de l’orientation et les opérateurs CEP pourront diffuser l’information. Enfin, le 21 novembre, des agents d’ambiance parcourront Paris pour faire tester l’application directement sur tablette.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre