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Sur le terrain

Conditions de travail : Total veut créer une « culture de la déconnexion »

Sur le terrain | publié le : 11.11.2019 | Lucie Tanneau

Signé par quatre syndicats sur cinq, l’accord sur le droit à la déconnexion chez Total prévoit une campagne de communication et des formations afin d’impliquer salariés et hiérarchie dans l’utilisation des outils numériques dans et en dehors des lieux et horaires de travail.

Aucun salarié de l’entreprise ne peut être sanctionné ou pénalisé dans son évolution de carrière ou son évaluation professionnelle au seul motif qu’il ne répond pas à ses courriels, messages ou appels téléphoniques professionnels durant des périodes de repos, congés et suspension du contrat de travail. C’est ce que prévoit l’accord du 3 octobre 2019 sur le droit à la déconnexion applicable pendant quatre ans aux 15 000 salariés affectés en France, appartenant à l’une des 17 sociétés du « socle social commun » du groupe (Total SA, Total consulting, Elf exploration production…). L’accord de neuf pages a été signé par quatre syndicats sur les cinq (la CAT, la CFDT, la CFE-CGC et l’Unsa). Seule la CGT – qui n’a pas pu être jointe – a refusé de signer malgré sa participation active aux négociations.

« Pour nous, c’est un accord de très bon niveau », souligne en préambule Cyril Lenoir, en charge des relations sociales pour la France. « Nous ne sommes pas partis sur des méthodes strictes et uniformes, comme couper la connexion à partir d’une certaine heure. Cela n’est pas adapté à un groupe international comme le nôtre, mais avons commencé par prendre le temps de définir le droit à la déconnexion, qui ne l’est pas dans le droit du travail », expose-t-il. « Nous avons préféré retenir la liberté d’organisation qui fait déjà partie du volet Qualité de vie au travail de notre politique RH : One Total, Better together. »

Prise de conscience

En pratique, la direction veut créer une « culture de la déconnexion » dans laquelle « les salariés, la hiérarchie et les collègues de travail doivent être impliqués ». « Quand on part plus tôt pour aller au sport ou récupérer ses enfants à l’école, mais qu’on renvoie un e-mail à son collègue pour demander des données après, on ne pense pas que lui est peut-être parti du travail : c’est une prise de conscience que nous devons encourager », cite en exemple Cyril Lenoir.

Le travail doit être, rappelle l’accord, réalisé pendant les horaires conventionnels, ce qui suppose que les objectifs et la charge de travail soient raisonnables et compatibles avec cette durée conventionnelle. Mais, point particulièrement apprécié par la CFDT, il autorise, par convenance personnelle ou pour des raisons liées à la vie personnelle et familiale, un salarié « à réaliser son travail en dehors des locaux de l’entreprise, de manière occasionnelle et raisonnée, en accord préalable avec sa hiérarchie ». Cette flexibilité, indépendante du télétravail, déjà permise aux cadres et ingénieurs au forfait jours l’est désormais pour les ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise (OETAM) en horaires variables. « Cela permet à un salarié qui a une contrainte d’ordre privée ou individuelle de se reconnecter de chez lui pour terminer ses tâches, sur son temps de travail effectif, si cela est validé par le manager », se réjouit Geoffrey Caillon, délégué syndical central CFDT. « Une journée de travail, ce n’est pas forcément 9 heures-17 heures et cela colle à l’air du temps. Même si cet accord est surtout un rappel de la loi et du Code du travail, il peut rassurer les salariés sur le présentéisme numérique. » « Ce n’est pas parce que l’on n’est pas connecté H24 que l’on sera mal vu par la hiérarchie », rappelle le syndicaliste.

Les managers seront formés à ces principes dans leur parcours obligatoire. « Ils en seront un des garde-fous », encourage Cyril Lenoir. Une campagne de communication va être lancée, avec affichage, plaquettes et vidéos de vulgarisation pédagogique et un guide va être rédigé. Les talent managers, en charge de la mobilité interne, seront aussi sensibilisés et les médecins du travail, chargés d’accompagner les salariés en situation d’addiction aux outils numériques.

Enquête de perception

Enfin, une enquête de perception va être lancée auprès des 15 000 salariés concernés par l’accord et sera renouvelée dans quatre ans, afin de mesurer si les objectifs fixés avec les partenaires sociaux signataires ont été atteints. Chaque salarié doit pouvoir exercer son droit à la déconnexion comme il le souhaite, sachant que les modalités dépendent des métiers, des générations, des services, mais l’accord « est un outil supplémentaire pour l’articulation vie privée-vie professionnelle avec un cadre et une organisation fixés par le groupe », défend le directeur des relations sociales France. Les salariés d’astreinte sont tenus, quant à eux, de rester joignables en permanence pendant la période en question.

Auteur

  • Lucie Tanneau