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Marché du travail : Des réfugiés bien intégrés dans l’emploi

Le point sur | publié le : 11.11.2019 | Pascale Braun

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Marché du travail : Des réfugiés bien intégrés dans l’emploi

Crédit photo Pascale Braun

Initié en 2015 par les ministères de l’Intérieur et du Travail, le programme Hope (Hébergement orientation parcours vers l’emploi) a ouvert à 2 500 personnes fuyant la guerre et les persécutions les voies de l’insertion professionnelle en France. Salutaire pour les réfugiés, ce dispositif a également bénéficié aux entreprises des secteurs en mal de main-d’œuvre. Cet automne, une nouvelle promotion de 1 500 personnes commencera un parcours de huit mois piloté par l’Afpa et désormais accompagné par les 11 Opco du territoire.

La marche vers l’emploi était haute, mais une grande majorité des réfugiés l’ont franchie. Sur 2 500 bénéficiaires du droit d’asile accueillis dans le cadre du programme Hope (Hébergement orientation parcours vers l’emploi), 78 % des stagiaires ont obtenu leur diplôme de compétence en langue, 82,5 % ont décroché une certification métier et 70 % d’entre eux ont trouvé un emploi dès la fin de leur formation. Publiées mi-2019 par la Direction générale des étrangers en France, ces statistiques ont conduit les deux ministères de tutelle du programme, l’Intérieur et le Travail, à reconduire et à renforcer le dispositif. Fin 2019, puis courant 2020, il accueillera 1 500 nouveaux bénéficiaires. « Le succès de Hope s’explique d’abord par son caractère très innovant : pour la première fois, un programme interministériel et multisectoriel a associé public et privé sur l’ensemble du territoire pour aborder simultanément les enjeux de langue, de logement et de formation, là où l’on tentait auparavant de traiter les problèmes les uns après les autres », note Célia Caumont, cheffe de la section intégration des réfugiés à la Direction générale des étrangers en France. Piloté par l’Afpa, Hope assure durant huit mois l’hébergement et la formation professionnelle et linguistique des stagiaires.

Les quatre premiers mois comportent une découverte des métiers en tension et 400 heures de français, qui doivent conduire le stagiaire au niveau A 1 de maîtrise de la langue. Les quatre mois suivants l’immergent en entreprise tout en poursuivant la formation théorique et l’enseignement linguistique. « Le programme a été conçu non pas en fonction des aspirations ou des compétences des réfugiés, mais à partir des besoins des entreprises et des territoires », complète Célia Caumont. Les métiers du BTP, des services, de l’industrie, de la vente, de la construction, de la mécanique et de l’agriculture ont été les premiers à faire part de leurs besoins, par l’intermédiaire de sept ex-Opca (Afdas, Agefos PME, Constructys, FAF.TT, Forco, Opcalia et Opcalim). En septembre 2019, les 11 Opco du territoire s’associent à la formation des réfugiés.

Une main-d’œuvre qui faisait défaut

Contrairement à des clichés tenaces, les « hopistes » n’ont pas accaparé les emplois des autochtones, mais au contraire occupé des emplois qui ne trouvaient pas preneurs. Les 250 entreprises impliquées dans le programme sont toutes venues chercher, le plus souvent avec succès, une main-d’œuvre qui leur faisait défaut. « En dépit d’un énorme décalage technologique et des difficultés liées à la langue, tous les “hopistes” que nous avons accompagnés ont trouvé leur place en entreprise. Travailleurs, pugnaces, ponctuels, ne se plaignant jamais, malgré les choses inimaginables qu’ils ont endurées, ils ont forcé le respect de leurs collègues et de leurs employeurs. Leur intégration a constitué une grande leçon de vie », témoigne Sandrine Poncet, directrice du Geiq BTP de Lorraine. Regroupant une cinquantaine d’entreprises, cette structure d’insertion a intégré 12 réfugiés lors de la première vague de Hope et s’apprête à reconduire cette initiative. Entré dans le programme Hope en 2018 à l’initiative du FAF.TT, organisme de formation du travail temporaire, le groupe Synergie a réussi l’accompagnement d’une vingtaine de réfugiés dans les métiers de coffreurs, de bancheurs ou d’agents de fabrication et accueille 57 nouveaux entrants. « Les réticences dont les employeurs ont quelquefois fait preuve se sont toutes estompées face à des salariés très motivés et désireux de s’intégrer », assure François Pinte, secrétaire général et responsable RSE de Synergie.

Tous titulaires du droit d’asile, qui leur accorde un permis de séjour de dix ans ou une protection subsidiaire pour une durée de quatre ans, les « hopistes » ne sont plus en butte aux aléas administratifs ou à l’interdiction de travailler. Ressortissants de 36 nationalités, ils sont majoritairement issus du Soudan ou d’Afghanistan, mais proviennent parfois aussi de Syrie ou d’Albanie, et sont presque tous des hommes, âgés à 78 % de moins de 30 ans. Si 60 % d’entre eux n’ont pas dépassé le premier cycle de l’éducation secondaire, presque tous ont exercé un métier, souvent dans l’agriculture ou le commerce, et 30 % ont poursuivi leurs études au-delà du bac. « Tous volontaires pour suivre Hope, les stagiaires ne se sentent pas déclassés dans leur premier emploi.

Ils espèrent parfois trouver mieux en s’intégrant progressivement », indique Florence Caumont.

Méconnaissance mutuelle

Paru en juin 2018, un livre blanc intitulé « Accueillir les réfugiés autrement » pointe un certain nombre de difficultés liées au logement, à la mobilité, au peu de cas fait des compétences et des personnes et à la méconnaissance mutuelle entre travailleurs sociaux et monde de l’entreprise. « Ces difficultés ne sont pas propres aux réfugiés. Certes, il existe une pénurie de logement dans les zones tendues, un manque de transports, mais il faut se focaliser sur l’emploi. Les réfugiés qui arrivent ont souvent vécu l’enfer. L’intégration professionnelle représente un moment difficile, mais ils sont bien conscients de la liberté qu’ils trouvent en France », estime Saïd Issack, conseiller emploi formation du délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’insertion des réfugiés. La France a enregistré 123 550 demandes d’asile en 2018 dont 33 330 ont été accordées. En dépit de leur motivation, seuls 40 % des réfugiés statutaires sont actuellement en emploi.

La Délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (Diair) mise sur la mobilisation des grandes, petites et moyennes entreprises pour faire progresser ce chiffre. Une fois acquis le statut de demandeur d’asile, la personne réfugiée bénéficie des mêmes droits que les Français – à l’exception du droit de vote. Encore faut-il qu’elle bénéficie des mêmes chances.

Auteur

  • Pascale Braun