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Le fait de la semaine

Réglementation : Une loi balai pour nettoyer les textes sociaux

Le fait de la semaine | publié le : 11.11.2019 | Benjamin d’Alguerre, Sophie Massieu

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Réglementation : Une loi balai pour nettoyer les textes sociaux

Crédit photo Benjamin d’Alguerre, Sophie Massieu

« Une loi fourre-tout »… Le 13 novembre prochain, Muriel Pénicaud présentera en Conseil des ministres un projet de loi portant sur diverses mesures d’ordre social (DMOS). Si le texte propose un dispositif touchant l’emploi et la formation professionnelle, la réforme annoncée du travail de nuit et les nouvelles règles concernant la représentativité dans les branches en constituent les gros morceaux. Revue de détail.

Assouplissement du travail de nuit

Demain, un employé de supérette ou de grande surface devra peut-être attendre minuit pour que son employeur commence à décompter ses heures de « travail de nuit », contre 21 heures aujourd’hui. Très critiquée par les organisations syndicales, cette mesure emblématique du projet de loi DMOS n’est pas neuve. Elle avait déjà été présentée en 2018 comme amendement à la loi Pacte avant de se voir retoquée par le Conseil constitutionnel qui l’avait identifiée comme cavalier législatif. La voici de retour au travers de ce nouveau texte que Muriel Pénicaud déposera sur la table du Conseil des ministres le 13 novembre prochain.

Pour le secteur du commerce alimentaire, la mesure est loin d’être anodine puisqu’elle se propose de repousser, dans une plage de trois heures entre 21 heures et minuit, le point de départ des heures de travail de nuit à condition que l’entreprise signe un accord établissant des contreparties en termes de temps de repos aux heures comprises entre 21 heures et minuit. Actuellement, le Code du travail prévoit une plage « travail de nuit » comprise entre 21 heures et 6 heures du matin qu’un accord d’entreprise peut reporter de 22 heures à 7 heures. Et pas davantage comme l’a énoncé la Cour de cassation dans un arrêt de 2013 qui a non seulement pris le contre-pied d’une loi de mai 2001 qui ouvrait alors assez largement les conditions du travail de nuit, mais aussi surclassé le droit européen en la matière, puisque celui-ci le limite à un espace 22 heures-5 heures. La disposition de la loi DMOS pourrait rebattre les cartes.

Côté patronat, on se réjouit de voir cette mesure revenir dans les textes législatifs. « L’ouverture en soirée est une demande forte des consommateurs, notamment sur la plage 22-23 heures », explique Renaud Giroudet, directeur des affaires sociales et de l’emploi au sein de la Fédération du commerce de détail (FCD). Autres arguments avancés pour justifier cette extension des modulations horaires nocturnes : la concurrence du e-commerce et la sauvegarde de l’emploi dans le secteur. « Est-ce qu’on veut que les magasins soient ouverts avec des caisses automatiques ou des salariés humains ? », assène-t-il. L’argument fait bondir Carole Desanio, secrétaire générale de la FGTA-FO : « Si cette mesure devenait effective, la seule plage horaire demeurant sanctuarisée serait 22 heures-5 heures. Et il ne s’agit peut-être que de la dernière marche avant la généralisation du travail 24 h/24-7 j/7. Qui nous dit qu’une prochaine réforme ne s’y attaquera pas ? » Seul garde-fou contre les abus, selon elle : la négociation d’un accord dans la branche commerce qui permettrait de garantir les droits des salariés confrontés à la modulation des horaires de nuit et de leur assurer des compensations suffisantes. « Mais avec la loi Travail qui inverse la hiérarchie des normes, le patronat a tout intérêt à choisir la voie de l’accord d’entreprise, voire du référendum si le nombre de salariés le permet. » « La signature d’un accord sur le travail de nuit relève prioritairement de la négociation d’entreprise, c’est vrai, mais un accord de branche reste possible », répond Renaud Giroudet. Les organisations de salariés, elles, s’affirment prêtes à retourner sur le sentier de la guerre, comme en 2015 au moment de la lutte intersyndicale contre l’extension des horaires des salariés des boutiques situées dans les zones touristiques internationales (ZTI).

Représentativité bousculée

L’article 5 s’attaque à la représentativité, au sein des groupes, et dans les branches. Selon le texte, les négociations de révision d’accords au sein des groupes tiendront compte des résultats des élections intermédiaires, qui auront pu avoir lieu dans une filiale, entre la signature première et la renégociation. Ce qui peut faire redouter une forme d’instabilité parmi les partenaires sociaux.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit qu’une demande paritaire ne sera plus nécessaire pour établir la représentativité au sein d’une branche. Au travers de la définition des périmètres de branche, et à la demande d’une organisation syndicale ou patronale, le ministère du Travail pourra déterminer qui est ou non représentatif dans le cadre de négociations interprofessionnelles. Autant de mesures qui ne font pas l’unanimité. Outre que les partenaires sociaux se plaignent de les avoir découvertes sans avoir été consultés, et donc d’être mis devant le fait accompli, certains pointent des enjeux spécifiques. Comme l’Union des employeurs de l’économie solidaire (Udes), qui essaie de faire ajouter la possibilité pour une organisation multiprofessionnelle comme elle d’effectuer une telle demande.

« L’idée du gouvernement derrière cela, décrypte Gilles Lécuelle, secrétaire national CFE-CGC en charge des questions de représentativité, consiste à régler les contentieux autour des “mégabranches”, comme la métallurgie ou le bâtiment. » En plein chantier de restructuration des branches, il craint que la définition des branches restantes ne soit « imposée plutôt que négociée ». Or, souligne-t-il, précédemment, « toutes les conventions collectives commençaient par un accord sur leur champ d’application, qui devait être cohérent sur le plan socio-économique. »

Parmi les autres mesures…

L’expérimentation « journal de bord » prolongée jusqu’en 2023

Alors que l’expérimentation « Journal de bord des demandeurs d’emploi » visant à assurer un suivi plus pertinent des chômeurs par les services de Pôle emploi a débuté en Centre-Val-de-Loire et Bourgogne-Franche-Comté, le projet de loi propose de poursuivre l’expérimentation jusqu’au 1er janvier 2023.

Des formations « sécurité » pour toutes les entreprises

Les employeurs devront mettre en place une formation à la sécurité pour tous leurs salariés pour lutter contre les accidents du travail et prévenir les risques professionnels. Cette formation doit permettre aux travailleurs de « faire face à l’évolution des risques et comporter une dimension propre aux fonctions d’encadrement ». La formation concerne les risques physiques et mentaux et doit tenir compte des antécédents des travailleurs.

Des accords de participation et d’intéressement d’un an dans les PME

En dépit des mesures présentes dans la loi Pacte, la négociation d’accords d’intéressement et de participation dans les entreprises de moins de 50 salariés ne décolle pas… Pour y remédier, l’exécutif lance une expérimentation en direction des TPE-PME, à savoir la possibilité de signer de tels accords valables seulement un an. Les branches sont encouragées dans le même temps à fournir des « accords types » à leurs entreprises adhérentes.

Une prolongation du CDD multi-remplacements

À titre expérimental, la loi « Avenir professionnel » autorisait la signature de CDD multi-remplacements (un CDD remplace plusieurs CDI absents) du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020. L’expérimentation devrait être prolongée courant 2020.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre, Sophie Massieu