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Le fait de la semaine

Conditions de travail : Les cadres se sentent malmenés

Le fait de la semaine | publié le : 04.11.2019 | Sophie Massieu

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Conditions de travail : Les cadres se sentent malmenés

Crédit photo Sophie Massieu

Selon le dernier baromètre de l’Union générale des cadres, ingénieurs et techniciens (Ugict)CGT paru le 29 octobre, les personnels encadrants voient charge et temps de travail augmenter en même temps que leur autonomie de décision s’amenuise.

Les cadres vont mal, au point qu’ils pourraient bien se désengager au travail. Voilà le risque identifié par Marie-José Kotlicki, numéro 1 de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens (Ugict-CGT), à la lecture de l’édition 2019 du baromètre que le syndicat a rendu public le 29 octobre. « Ce qui m’a le plus surprise ? L’ampleur de la crainte des cadres en matière de rémunération et de déroulement de carrière. On le voyait venir, mais qu’ils soient 59 % à confier redouter que leur situation se dégrade sur ce point est frappant. » Peut-être pas si surprenant que cela, si l’on rapproche ce chiffre d’un autre : 58 % estiment que leur évaluation individuelle manque de transparence et pour 62 % d’entre eux, elle se fonde sur de mauvais critères. « Il est vrai que les entretiens annuels définissent des objectifs, sans que la discussion ne porte sur les moyens qui seront nécessaires pour les atteindre, ou que soient pris en compte des aléas comme le départ d’un membre de l’équipe par exemple », appuie Gérard Mardiné, fraîchement élu secrétaire national confédéral de la CFE-CGC.

Autres points saillants de cette enquête intitulée Opinions et attentes des cadres : ces derniers ont le sentiment d’avoir vu leur charge de travail augmenter par rapport à l’an dernier (65 %) et leur temps de travail s’accroître (54 %), jusqu’à plus de 49 heures hebdomadaires pour un quart (23 %) d’entre eux. Très logiquement, la première aspiration identifiée consiste à trouver un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle (66 %) et le droit réel à la déconnexion arrive parmi les premières revendications (60 %, en hausse de 3 points par rapport à 2018).

Des souhaits de portée collective

Mais ce baromètre met aussi en évidence des souhaits de portée plus collective. Plus de 6 cadres sur 10 (63 %) demandent à disposer d’un droit d’alerte, en cas de manquement constaté au sein de leur entreprise, un chiffre en hausse de 4 points en un an.

Ce désir d’être davantage associés aux décisions stratégiques de leur employeur comptait aussi parmi les thèmes très présents dans les résolutions adoptées par le congrès électif de la CFE-CGC des 9 et 10 octobre derniers. Les militants ont notamment appelé à la valorisation de l’autonomie, à la confiance et à une place renforcée des parties prenantes au sein de la gouvernance des entreprises. « Leur association aux choix stratégiques ne va pas en s’améliorant, déplore Gérard Mardiné. Les cadres sont trop souvent considérés comme des exécutants, en particulier dans les grands groupes. On leur demande de tenir une trajectoire financière, à rendre effective, quelles que soient les difficultés rencontrées. Les cadres constatent que leurs responsables hiérarchiques ne sont plus des stratèges ou des visionnaires, mais des gestionnaires. »

De quoi démotiver les troupes ! En particulier les managers, complète Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT cadres : « C’est pour eux que les choses s’avèrent le plus complexes. » Et il regrette que les réformes actuelles, de l’assurance chômage notamment, témoignent d’un « déni de l’approche situationnelle » : « On raisonne trop en termes de statut, sans voir que les situations individuelles sont diverses. On va pénaliser les cadres les plus en difficulté. On stigmatise 100 % d’entre eux, pour peut-être 5 % qui ne chercheraient pas activement un emploi. » Autre sujet d’inquiétude pour lui : celui de la formation, qui lui semble ne plus faire l’objet d’une politique d’entreprise, ce qui renvoie cet enjeu à la seule responsabilité individuelle.

Devant ces constats largement partagés, les organisations syndicales continuent de faire front commun dans l’espoir de décrocher, enfin, un accord national interprofessionnel de l’encadrement. Mais depuis deux ans, de report en annulation de réunion, le Medef s’y refuse. Par positionnement idéologique ? C’est ce que pensent les partenaires sociaux. C’est peut-être aussi une des illustrations de la disparition de la frontière entre cadres et non-cadres, que souligne Bernard Vivier, le directeur de l’Institut supérieur du travail.

Auteur

  • Sophie Massieu