En manque de main-d’œuvre, la Fédération française du bâtiment vient d’organiser l’opération Les coulisses du bâtiment pour faire connaître ses métiers et niveaux de salaire afin d’attirer les jeunes.
Trois cent mille postes à pourvoir, immédiatement et avec une formation possible. Le bâtiment recrute. Pour le faire savoir et changer d’image, la Fédération française du bâtiment a organisé, les 10, 11 et 12 octobre, l’opération Les coulisses du bâtiment. Des portes ouvertes de chantiers partout en France. Dans la Marne, c’est par exemple le futur complexe aquatique qui a ouvert ses portes. Dans l’Aube, l’ancien Hôtel-Dieu, qui héberge la cité du vitrail en cours de rénovation pour un montant qui avoisine les 15 millions d’euros, a accueilli 300 visiteurs en une journée. « C’est quand même plus sexy que de visiter une maison neuve », argumente Jonathan Budzin, de la Fédération départementale. « Ici, il y a du patrimoine, des histoires à raconter… Pour les jeunes qui voient la restauration, ça interpelle », se réjouit-il. À l’invitation de la Fédération, les collégiens, lycéens, élèves du Centre de formation par apprentissage, étudiants d’écoles d’ingénieurs ou d’architectes et demandeurs d’emploi orientés par Pôle emploi ou les missions locales découvrent le lieu… et les artisans en plein ouvrage.
« Le but est vraiment de présenter nos métiers et de voir des personnes en train de travailler. L’intérêt d’un chantier comme celui-là est que plusieurs corps de métiers travaillent en même temps », détaille Vincent Mathieu, trésorier de la Fédération de l’Aube et président du Cluster Patrimoine 4.0. « On voit un chantier qui vit avec des menuisiers, des charpentiers, des plombiers, des électriciens… Même si celui-là est encore très manuel, contrairement à l’image que l’on s’en fait, 60 % de l’activité des artisans du bâtiment se fait désormais dans les bureaux », corrige-t-il. Modélisation des données du bâtiment (BIM), bureaux d’études, réponse aux appels d’offres, plans, contractualisation… « Le bâtiment demande aujourd’hui beaucoup d’usinage alors qu’avant c’était surtout de la main-d’œuvre. Nos métiers changent et le public doit le savoir. »
Autre idée souvent répandue, le bâtiment rémunère mal ses salariés… « Les salaires sont largement supérieurs à l’industrie », souligne Jean-Luc Lamblin, président de la Fédération du bâtiment de l’Aube. « On a souvent des préjugés sur le bâtiment qui serait composé de métiers en bas de l’échelle sociale, mais 60 % à 70 % des salariés sont des bac + et les niveaux de progression peuvent être rapides puisque le personnel manque », complète Vincent Mathieu. « Un conducteur de travaux, à bac + 2, gagne entre 2 500 et 3 000 euros par mois, avec treizième mois, congés payés… Beaucoup de gens l’ignorent. »
Dans le seul département de l’Aube (300 000 habitants), le secteur du bâtiment cherche entre 500 et 1 000 candidats. « Aujourd’hui, nous sommes 4 200 en activité, mais nous avons perdu 1 800 postes en quatre ans, du fait de la conjoncture. Maintenant ça repart et les entreprises ont besoin de jeunes », précise Jean-Luc Lamblin. Le département a programmé des chantiers d’envergure, qui ne pourront pas se faire si les entreprises ne recrutent pas. Au Centre de formation des apprentis du BTP de l’Aube, 50 entreprises sont encore à la recherche de leur alternant pour l’année scolaire. « Depuis la nouvelle loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (adoptée le 1er août 2018, NDLR), il n’y a pas de date fixe de rentrée pour les moins de 30 ans et les jeunes peuvent donc commencer un apprentissage tout au long de l’année, nous proposons des parcours individualisés et les entreprises embauchent », rappelle le directeur du centre, Fabrice Barthel.
Après l’opération nationale Les coulisses du bâtiment, les artisans du département ont décidé de faire le tour des collèges pour faire passer le message. « Quand on explique aux jeunes qu’un salarié du bâtiment dans cet atelier gagne plus qu’un professeur, l’image du secteur change. Et on en a bien besoin », poursuit Vincent Mathieu. Paradoxalement, l’incendie de la cathédrale Notre-Dame en avril dernier pourrait bien changer la donne. Le chantier colossal va demander de nombreux artisans, et l’État a pris conscience que le patrimoine exigeait des compétences et de la formation. Un Pôle d’excellence des métiers du patrimoine à Versailles a déjà été labellisé. Troyes pourrait être le deuxième, ce qui donnerait un autre coup de pouce au recrutement, estime la Fédération départementale du bâtiment.