En pleine discussion parlementaire du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce livre de Jean-François Naton, vice-président CGT du conseil économique, social et environnemental, appelle à refondre son modèle, de la réparation vers la prévention de la santé du travail. Une lecture politique, sur fond d’augmentation « du mal-être » en entreprise.
Inégalités de durée de vie entre ouvriers et cadres, risques d’exposition ou psychosociaux : face à ces problèmes majeurs, la Sécurité sociale doit sortir de son rôle « curatif » pour revenir à une démarche de prévention globale, articulant conditions de travail et santé publique. C’est la position que soutient le cégétiste Jean-François Maton, vice-président du Cese, dans ce livre où il appelle « à transformer » le rôle de la Sécurité sociale. Bon connaisseur du sujet mais aussi du travail (il siège aussi au conseil d’administration de l’Anact), le syndicaliste propose donc des pistes politiques pour renverser le rôle de la Sécurité sociale vers la prévention, à commencer par les conditions de travail.
Si l’entreprise lui paraît la bonne porte d’entrée, « c’est que le mal-être au travail tend à s’étendre et génère chaque année des centaines de millions d’euros de coût, sans compter les effets négatifs qu’il provoque en termes d’espérance de vie en bonne santé », souligne Jean-François Naton. Auscultant ce phénomène, en particulier l’intensification du travail faisant « exploser les arrêts pour pathologies psychiques », le syndicaliste revient sur un problème connu : la sous-déclaration des maladies professionnelle ou d’arrêts dus aux conditions de travail « qui voient des milliers de travailleurs victimes et non reconnues, prises en charge par l’Assurance maladie au lieu de la branche AT-MP ». D’où sa proposition d’affecter les excédents de l’AT-MP (1 milliard d’euros en 2018) vers la prévention dans les entreprises, en matière de TMS ou d’amélioration de la qualité de vie au travail, enjeu central selon lui. Le cégétiste estime aussi nécessaire de mieux coordonner les différents acteurs chargés de la prévention en entreprise : Anact, INRS, services de santé au travail, experts privés mandatés par les entreprises… Si les plans de prévention de santé au travail des gouvernements successifs sont grippés, ce serait en partie « en raison de ce millefeuilles » qui « perd son sens et du manque de partage d’informations entre ces instances ». Selon lui, il devient « urgent de relier » (non de fusionner) les différentes branches de la Sécurité sociale pour mieux articuler les problématiques de santé au travail et de santé publique. Car la souffrance au travail, sous toutes ses formes, a des « effets à long terme » sur la santé des individus qu’on ne peut plus ignorer, martèle Jean-François Naton. Le propos très politique, bien qu’assez ouvert (il ne s’agit pas de sanctionner, mais d’accompagner les employeurs), est parfois évasif et pourra sembler un peu déconnecté de la réalité du terrain et du dialogue social. « Il faut conduire les entreprises à adapter le travail à l’homme, et non l’inverse », soutient le cégétiste. Une vision un peu brin idéaliste…