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Gestion RH : L’absentéisme augmente mais on peut le réduire !

Le point sur | publié le : 28.10.2019 | Audrey Pelé

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Gestion RH : L’absentéisme augmente mais on peut le réduire !

Crédit photo Audrey Pelé

L’absentéisme au travail ne faiblit pas et serait même en hausse. Revue de détail sur ce fléau qui touche toutes les entreprises, tous secteurs confondus, et contre lequel il faut agir sous peine de voir ses collaborateurs en subir les effets collatéraux.

Les chiffres interpellent. Selon plusieurs études sorties depuis la rentrée, le taux d’absentéisme au travail est en hausse dans l’Hexagone. Une étude Gras Savoye-Willis Towers Watson (WTW) sur l’absentéisme en France note un taux en augmentation de 16 % depuis 2014 (3,73 % en 2018), tandis que le Baromètre sur les arrêts de travail BVA pour Réhalto-WPO parle d’une progression de 39 % de l’absentéisme sur les cinq dernières années (période 2014-2018), soit un taux de progression annuel de 6,85 %. Le 11e Baromètre de l’absentéisme et de l’engagement Ayming parle, lui, de 18,6 jours d’absence par an et par salarié en moyenne en France, soit un taux d’absentéisme de 5,1 % en 2018.

Mais alors comment interpréter ces différents indicateurs ? « Toutes ces études sont justes mais fondées sur des méthodes de mesure du taux d’absentéisme qui peuvent être différentes. La variation dans les pourcentages s’explique notamment dans le fait que certaines parlent en jours ouvrés (sur les 220 jours de travail) ou ouvrables (les 365 jours calendaires) », analyse Laurent Cappelletti, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et directeur à l’Iséor (Institut de socio-économie des entreprises et des organisations). Selon ses propres chiffres – il a lui-même mené une enquête1 sur le coût caché de l’absentéisme –, le taux d’absentéisme au travail est de 5 % en France dans le secteur privé et autour de 8 % dans le secteur public. « En jours ouvrés, cela correspond à environ 10 jours d’absence par an dans le privé et 17 dans le public. »

Même si ces études sont pertinentes pour identifier des ordres de grandeur et des tendances, mais que leurs résultats sont à prendre avec du recul, on observe des points communs, notamment concernant le profil des salariés absents. L’absentéisme toucherait, par exemple, davantage les femmes (5,73 % dans l’enquête Ayming) que les hommes (contre 3,83 %). « Elles sont plus impactées, elles ont souvent un statut professionnel précaire et des postes sollicitant physiquement. Elles peuvent aussi avoir des situations personnelles compliquées (famille monoparentale) et continuent de prendre en charge une majorité des tâches domestiques. De plus, elles peuvent avoir des arrêts maladie avant le congé maternité », explique Fabienne Mestdagh, manager qualité de vie au travail au cabinet Ayming.

Un désengagement plus fort des salariés

Autre enseignement : le taux d’absentéisme croît avec l’âge des salariés. En cause, les maladies qui forceraient les seniors à s’arrêter davantage que les plus jeunes. Mais on note toutefois une forte augmentation de l’absentéisme chez les salariés d’âge moyen (l’étude Gras Savoye-WTW note, par exemple, qu’il a crû de 18 % en quatre ans chez les 30-39 ans et de 15 % chez les 40-49 ans, contre 9 % chez les 50 ans et plus). « Chez les salariés d’âge moyen, il y a un manque de confiance dans leur avenir professionnel et la capacité à s’accomplir par leur travail. Cela engendre un problème d’engagement qui peut conduire à l’absentéisme, détaille Julien Remy, responsable de l’offre absentéisme au cabinet Gras Savoye-WTW. Autre facteur explicatif : les situations personnelles s’aggravent. Il y a notamment de plus en plus de salariés aidants qui ont un quotidien lourd et fatigant car ils s’occupent de proches dépendants. Résultat, ils s’épuisent et sont davantage susceptibles de tomber malades. »

Concernant les secteurs les plus touchés par l’absentéisme, les diverses études pointent celui de la santé (un taux de 5,62 % pour Ayming, de 6 % dans l’étude Gras Savoye) ou de la logistique et du transport (5,8 % dans l’étude Gras Savoye encore). « Il y a beaucoup de métiers physiques relativement difficiles dans ce secteur, comme celui de chauffeur routier par exemple. Dans la logistique, le rôle d’agent de maîtrise est également pénible car il est à la fois manager et membre de l’équipe, et fait “tampon” en cas d’absence de ses collaborateurs ou de difficulté, ajoute Julien Remy. Autant de métiers où les salariés ont classiquement des problèmes de santé liés à la manutention, pouvant mener à des accidents de travail ou à des troubles musculosquelettiques. » Concernant le secteur des services (les services à la personne et aux entreprises), où le taux d’absentéisme de 5,26 % dans l’étude Ayming, Fabienne Mestdagh explique qu’il est compliqué de mettre en place « des actions de prévention pérennes dans ces sociétés qui fonctionnent souvent en multisites avec un management à distance ».

Un problème managérial ?

De son côté, Laurent Cappelletti nuance ces explications. Selon lui, l’absentéisme total est composé d’un tiers d’absences inévitables (épidémies de grippe, congés maternités, etc.) et de deux tiers évitables. Dans 99 % des cas, l’absentéisme évitable serait lié à des défauts de management. « Nous observons que dans un secteur où le travail est réputé pénible, à entreprise comparable, c’est dans la société où le management est défaillant que l’on a le plus d’absents. De même, si les jeunes sont davantage absents dans une société, c’est à cause de leur manager qui n’est pas suffisant compétent en management de proximité, ou à qui l’entreprise ne donne pas les moyens de l’être. » Le manager serait-il vraiment responsable de tous les maux ? « Pourquoi dans les pays scandinaves où l’on travaille jusqu’à 67 ans, le taux d’absentéisme est-il plus bas qu’en France ? Parce qu’on leur donne davantage de tâches stimulantes alors qu’en France, nombre de seniors sont mis sur la touche voire on négocie avec eux un départ en maladie à 60 ans si besoin. »

Et les jours de carence, censés limiter les abus, n’arrangeraient pas les choses. « Quand ils ne sont plus indemnisés, les salariés ne veulent plus s’arrêter même s’ils en ont besoin. Ils tirent sur la corde et, au final, doivent s’arrêter parfois plus que ce qui aurait pu être nécessaire, précise Bruno Ducoudré, économiste au département analyse et prévision à l’OFCE. Ce qui coûte le plus cher à la Sécurité sociale, ce sont les arrêts longs (surmenage, dépression, burn-out et problèmes de santé non pris à temps) et cela est favorisé par le présentéisme. On est là dans un système un peu pervers. » Avec un absentéisme qui coûte environ 4 000 euros par personnes par an dans le privé et 6 000 euros dans le public (environ 100 milliards d’euros par an en France), il y a urgence à se saisir du problème. La loi Pacte, en vertu d’un amendement voté en mars dernier, pourrait prochainement venir inciter les entreprises à mettre en place des modes de management pour réduire l’absentéisme. « Mais les DRH ont du pain sur la planche », conclut Laurent Cappelletti.

(1) Henri Savall et Laurent Cappelletti, « Le coût caché de l’absentéisme au travail », étude de l’Institut Sapiens, novembre 2018.

Auteur

  • Audrey Pelé