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Sur le terrain

Question de droit : Manquements de l’employeur : le préjudice du salarié n’est pas systématique

Sur le terrain | publié le : 21.10.2019 | Laurent Beljean

L’indemnisation d’un salarié du fait d’un manquement de son employeur à une obligation légale ou conventionnelle implique depuis 2016 que ce dernier démontre l’existence dudit manquement, celle d’un préjudice ainsi que son importance. Cependant, certaines fautes commises par l’employeur sont considérées par les tribunaux comme causant nécessairement un préjudice au salarié, dont il n’aura alors qu’à démontrer l’importance.

Deux décisions récentes relatives à la même affaire précisent cette distinction.

Une salariée de retour de congé maternité et licenciée après avoir demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, estimait son licenciement nul et demandait des dommages et intérêts du fait de l’absence de représentants élus du personnel dans l’entreprise et du non-respect par son employeur de l’obligation de mise en place d’un document unique de prévention des risques (DUPR).

Les juridictions du fond déboutaient l’intéressée de ses demandes. Notamment la cour d’appel faisait valoir que la salariée ne justifiait d’aucun préjudice à l’appui des manquements de son employeur, dont l’existence était pourtant caractérisée.

Par deux arrêts – en raison d’une omission de statuer – en date des 15 mai et 25 septembre 2019, la Cour de cassation est venue préciser que le régime de la responsabilité devait être appréhendé différemment selon l’importance des manquements constatés.

Les Hauts magistrats considèrent tout d’abord que l’absence de représentation élue du personnel du fait des carences de l’employeur emporte un préjudice de principe dont le salarié n’a pas à démontrer l’existence, mais dont il a à évaluer l’importance. Il en résulte que le salarié n’aura même pas à démontrer qu’il aurait été confronté à une situation pour laquelle le recours aux instances représentatives du personnel lui aurait été bénéfique pour obtenir une indemnisation de principe. Ces circonstances seront, en revanche, importantes dans le cadre de l’appréciation de son préjudice réel par les juges du fond.

S’agissant de l’absence de DUPR, la Cour de cassation exige que le salarié démontre le préjudice ayant résulté du non-respect de cette obligation par son employeur, faute de quoi aucune indemnisation ne lui sera versée.

On l’aura compris, la Cour opère une distinction selon la gravité des manquements commis par l’employeur. Les fautes les plus graves, parce que portant atteinte à un droit fondamental du salarié ou relevant de l’ordre public, entraînent un préjudice « nécessairement causé ». Les manquements de moindre importance demeurent régis par le droit classique de la responsabilité.

Auteur

  • Laurent Beljean