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Gouvernance : Deltameca prépare ses salariés à devenir des dirigeants

Sur le terrain | publié le : 21.10.2019 | Dominique Perez

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Gouvernance : Deltameca prépare ses salariés à devenir des dirigeants

Crédit photo Dominique Perez

En ayant créé une Scop, les dirigeants de cette PME de Loire-Atlantique ont préparé leur succession. À grand renfort de formation… et de persuasion.

En janvier 2020, Damien Vostry et Arnaud Chevalier s’installeront dans le bureau de la direction de Deltameca. Pourtant, ils ne seront pas encore les patrons « en titre » de cette PME spécialisée dans la fabrication de pièces urgentes et techniques pour l’industrie (48 salariés) située à Coëron, non loin de Nantes. Ce sera chose faite dans un an, après leur « apprentissage » de la fonction et lorsque les fondateurs et dirigeants de Deltameca, Christian Caillé et Mireille Breheret, leur auront laissé officiellement les rênes de l’entreprise. Créée il y a onze ans, cette PME a été la première à se lancer dans le dispositif de Scop d’amorçage1, en 2015. Une opportunité législative rêvée pour les deux dirigeants qui, dès la création de l’entreprise en 2008, avaient déjà la volonté d’en préparer la transmission.

Au-delà de l’aspect administratif de l’opération, le travail de préparation et de formation des salariés a été le plus gros du « chantier ». « Nous voulions d’emblée que tous soient intéressés aux résultats de façon équitable, explique Christian Caillé. Nous avons d’abord développé l’entreprise pour être crédibles, puis nous sommes intéressés aux exemples de gouvernance différents, en participant notamment à une chaire de l’École des mines sur le thème des gouvernances partagées. Nous avons fait intervenir dans l’entreprise une psychologue du travail pour nous former à la conduite du changement… Quand la loi sur la Scop d’amorçage a été promulguée, nous avons décidé de nous y engager. »

Des freins à lever

Dans ce milieu ouvrier de la métallurgie, dont Christian Caillé est lui-même issu, la persuasion est une donnée fondamentale. « Il subsiste une certaine méfiance vis-à-vis des dirigeants, a priori, et surtout une crainte par rapport à la famille, à l’entourage, d’être associé au patronat », explique-t-il. Formations sur la comptabilité, le plan de financement, le principe de la Scop… les salariés sont tous invités à s’informer avant de choisir. Aujourd’hui, 35 salariés sur 36 « compatibles » (il faut avoir au moins un an d’ancienneté et un CDI pour y prétendre) sont sociétaires de la Scop.

Restait la question de la transmission de l’entreprise, à régler avant le départ en retraite des dirigeants. « Nous avons pressenti deux jeunes, très investis, qui s’intéressent aux autres, et leur avons suggéré de se préparer à en reprendre la direction. »

Pour Damien Vostry, préparateur-acheteur âgé de 33 ans, l’un des deux techniciens sollicités, pas de surprise. « Je savais que dans cette entreprise, tout le monde pouvait prétendre au poste de PDG. Mais au vu de mon âge, je ne me voyais pas le faire sans l’aval de tous les salariés et sans préparation.

Nous avons demandé avec Arnaud Chevalier, l’autre personne pressentie pour la direction, un vote de confiance. » Résultat : 92 % des salariés se sont prononcés en faveur de leur candidature.

Un socle managérial commun

« Nous nous sommes alors engagés dans des programmes de formation à la direction d’entreprise et au management. Nous avions carte blanche pour le choix. Je me suis inscrit dans un cycle intitulé Dirigeants de PME, proposé par la CCI Nantes Saint-Nazaire, qui se déroule sur dix mois à raison de deux jours par semaine. Nous voulions également que les managers intermédiaires se forment, pour que l’on ait tous un socle managérial commun. Nous sommes engagés dans une formation au management du réseau Germe, y compris Christian Caillé et Mireille Breheret, pour qu’ils sachent quel type de gouvernance, participative, nous voulons mettre en place. »

Les dirigeants actuels le resteront donc encore, en titre tout au moins, pendant une année, et se consacreront à la formation des équipes, à la demande des futurs PDG, Damien Vostry, et directeur général délégué, Arnaud Chevalier.

D’ores et déjà, les « futurs ex-patrons » prennent leur bâton de pèlerin pour parler de leur expérience, et inciter les dirigeants de PME à anticiper leur succession. « Environ 600 000 entreprises vont devoir trouver preneurs dans les dix ans, plutôt que de recommencer tout à zéro, notre expérience montre qu’il est possible de préparer la transmission », explique Christian Caillé.

(1) La Scop d’amorçage permet aux salariés de reprendre une entreprise et de détenir la majorité des voix à la constitution de la société tout en étant minoritaires au capital. Ce statut leur accorde sept ans pour détenir une majorité du capital.

Auteur

  • Dominique Perez