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« Les RH doivent légitimer leur expertise »

Le point sur | publié le : 21.10.2019 | Gilmar Sequeira Martins

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« Les RH doivent légitimer leur expertise »

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Après une expérience dans le conseil, Clotilde Coron a intégré la direction diversité d’Orange avant de devenir chef de projet big data RH au sein de l’opérateur de télécoms. Elle est également maître de conférences à l’IAE Paris (Panthéon-Sorbonne).

Que représentent les data pour les ressources humaines ?

La quantité de données disponible a beaucoup augmenté, de même que leur diversité. C’est un phénomène comparable à celui observé dans la société en général. Les RH peuvent accéder à des données issues des réseaux sociaux internes, des processus qui ont été numérisés comme le recrutement, et, depuis quelques années, ils peuvent aussi accéder à des données non structurées. Mais la grande nouveauté, c’est qu’il est désormais possible d’engager des actions en se basant sur ces données. Il devient possible par exemple de mesurer le climat social ou de suggérer une formation. Cela implique que les RH vont devoir créer de nouvelles relations avec les autres directions, la DSI notamment. Les RH sont cependant globalement en retard sur ces usages de la data alors que le marketing a depuis longtemps saisi l’intérêt de réunir des données sur les clients de l’entreprise.

Que change cette abondance de données ?

Les deux éléments récents sont la prédiction et la personnalisation. Il est désormais possible d’anticiper les démissions ou l’absentéisme par exemple. Les deux éléments, prédiction et personnalisation, sont fortement liés. Pour suggérer une formation, il faut avoir anticipé les besoins et les souhaits des collaborateurs. Mais que ce soit dans la prédiction ou la personnalisation, grâce au grand volume de données, il est possible d’arriver à une analyse au niveau de l’individu. Plus il y a de données disponibles, plus il est possible de prédire les décisions et donc de personnaliser les propositions pour chaque collaborateur. Aujourd’hui, les collaborateurs sont aussi des consommateurs habitués aux systèmes de recommandation comme ceux de Netflix ou Deezer. Les RH peuvent s’appuyer sur des systèmes de prédiction/personnalisation similaires pour améliorer les services qu’ils proposent aux salariés. Les collaborateurs n’auront plus à parcourir un catalogue de formation pléthorique. Il faut cependant que les entreprises leur signalent que l’intérêt qu’ils montrent – ou pas – envers la formation, ne sera pas pris en compte dans l’évaluation. Les aspects les plus avancés dans ce domaine sont la formation et la mobilité car c’est là où les salariés peuvent personnaliser leur parcours.

Quels sont les enjeux pour la fonction RH ?

La fonction RH court le risque d’être écartée de certaines décisions, dans le recrutement par exemple, au profit d’algorithmes capables de sélectionner les CV en fonction des offres. Les RH doivent légitimer leur expertise en mettant en valeur leur capacité à gérer la diversité et les relations humaines. Le second risque est lié à l’automatisation des processus comme le tri de CV, la paie ou les réponses aux questions simples que peuvent poser les salariés. L’automatisation du tri des CV peut entraîner la disparition de certains métiers RH. En France, pour l’instant, c’est encore un risque qui ne s’est pas encore matérialisé. Cela tient à l’état d’avancement de l’usage de la data et au RGPD, qui exige le consentement des personnes concernées pour mettre en œuvre ces dispositifs automatisés. Pour les RH, il y a là une opportunité pour se légitimer auprès des directions en se montrant pro-actifs et en devenant un levier de performance. C’est déjà le cas dans les grandes entreprises. Il y a deux dérives possibles dans l’usage des algorithmes : le contrôle et la discrimination. La fonction RH a un rôle clef à jouer pour éviter ces dérives. Les RH sont insuffisamment sensibilisés à l’analyse des données, à la data science et aux méthodes quantitatives. La majorité des acteurs RH actuellement en poste n’ont pas été formés à cette expertise. La plupart du temps, les entreprises font venir dans les services RH des personnes spécialisées en data science. La greffe ne prend pas toujours.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins