Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2018, selon la dernière étude du ministère du Travail, 60,2 % des plus de 55 ans étaient au chômage depuis plus d’un an, contre 41,8 % pour l’ensemble des chômeurs. Les cadres ne font pas exception. « 64 % des cadres au chômage de longue durée sont des plus de 50 ans », pointe Philippe Dialynas, directeur délégué de l’Apec. L’Apec a donc décidé de prendre le problème à bras-le-corps et a lancé Talents Seniors, en mai dernier. « Le dispositif est une réponse originale au problème du chômage et des métiers en tension. Mais nous avons également une vocation préventive et un objectif pour 2020 d’accompagner, particulièrement en formation, 45 % de nos clients cadres de plus de 45 ans dans un parcours professionnel sécurisé », souligne le directeur délégué de l’Apec.

Talents Seniors vise à permettre aux cadres de plus de 50 ans en recherche d’emploi de rebondir et de renforcer leur réseau, grâce à un accompagnement effectué par des acteurs de l’écosystème régional, agissant en qualité de parrains et marraines. Cette opération est expérimentée en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans les Hauts-de-France. Plus de 130 binômes ont ainsi déjà été constitués dans ces deux régions pilotes.

Convers, une société de télémarketing basée à Nice, a été identifiée par l’Apec comme un partenaire naturel. « Sur un effectif de 170 salariés, nous employons 38 % de plus de 51 ans », relève Anne Cagnard, cofondatrice, DRH et directrice de production de l’entreprise. Dans la foulée, elle est devenue marraine, comme une quinzaine d’autres professionnels de la région niçoise. Depuis mai dernier, elle accompagne Lala, 54 ans, ancienne cadre dans une entreprise, en charge de la communication et de la transformation organisationnelle. « Son profil correspond à un poste plutôt occupé désormais par un jeune professionnel, et son expérience lui donne des prétentions salariales qu’une start-up, par exemple, ne peut s’offrir », résume la marraine.

Le rôle d’Anne Cagnard n’est pas tant de lui trouver un emploi dans l’immédiat, même si elle met à sa disposition son carnet d’adresses, et peut même organiser des rencontres avec d’autres DRH locaux, mais surtout de faire réfléchir sa « filleule » pour qu’une solution en cohérence avec ses besoins se dessine. Il s’agit, dans ce cas, de la réorienter, quitte à revoir ses prétentions salariales…

En outre, Lala, qui souhaite préserver un équilibre vie privée/vie professionnelle et ne pas s’éloigner de la région de Nice, doit penser à actualiser ses compétences, se familiariser avec les nouvelles formes de recrutement sur plateformes et faire évoluer son CV pour qu’il franchisse la première sélection. Au-delà de ces conseils, Anne Cagnard a aussi incité sa protégée à se rapprocher de certains réseaux pour gagner en autonomie et aller au-devant d’employeurs potentiels. Elle lui a fait prendre conscience des « limites que les seniors se mettent parfois à eux-mêmes ». « Côté salarié comme employeur, il faut tordre le cou à diverses représentations », renchérit Bruno Jonchier, délégué régional de l’Apec Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse.

Quelques mois à peine après le début de ce « marrainage », Lala envisage la possibilité d’accompagner la création d’une start-up locale, sur le plan administratif, la levée de fonds, la réflexion stratégique, pour ensuite se faire embaucher par la jeune structure. Un projet bien défini pour Anne Cagnard, qui partage régulièrement son expérience depuis le début de l’initiative avec des spécialistes de l’Apec et les autres parrains et marraines de la région de Nice. « Le dispositif de l’Apec est très ciblé et les seniors doivent être très motivés pour intégrer le programme », précise-t-elle. Les cadres sans emploi qui en bénéficient sont accompagnés sur un an. Mais il est possible que Lala soit autonome avant 12 mois et que sa marraine s’occupe d’un autre senior de la région, avec toujours le même but : retrouver un emploi, mais surtout une satisfaction personnelle dans cette dernière tranche de vie professionnelle.

La DRH est convaincue de l’apport des seniors dans l’entreprise. Au-delà de la responsabilité sociétale que Convers cultive en embauchant des plus de 51 ans, la société se démarque de la concurrence et affiche une bonne performance. « C’est grâce à nos seniors que nous avons des clients comme Carrefour, Bayer et autres. Ces collaborateurs apportent leur expérience et leur maturité, leur capacité à échanger – l’aisance relationnelle étant clé dans nos services – sans oublier la culture générale et… une bonne orthographe… », énumère-t-elle.