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Organisation du travail : Flex-office : les managers en première ligne

Le point sur | publié le : 14.10.2019 | Nathalie Tran

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Organisation du travail : Flex-office : les managers en première ligne

Crédit photo Nathalie Tran

Sans bureau fixe, devant adopter les méthodes agiles, s’approprier les outils collaboratifs et animer des équipes à distance… les managers doivent repenser leur rôle, touchés de plein fouet par les nouveaux modes d’organisation impulsés par le flex-office.

Le flex-office n’est plus l’apanage des start-up et du monde de la tech. Évolution inéluctable ou simple effet de mode, quoi qu’il en soit, le concept du « sans bureau fixe » suscite de plus en plus d’intérêt. Il gagne à présent des entreprises de secteurs aussi variés que le luxe, l’immobilier, l’assurance, la banque ou l’industrie, et séduit même certaines administrations, à l’instar du conseil régional d’Ile-de-France, qui a commencé à le déployer en janvier 2018, lors du déménagement de son siège à Saint-Ouen (93).

Pour ces organisations pionnières, l’introduction du flex-office est un moyen de provoquer un changement culturel et d’accélérer leur transformation en donnant les moyens aux collaborateurs, grâce à l’agencement de l’espace et à des outils numériques de pointe, d’être plus collaboratifs, plus agiles, plus innovants et de gagner en performance. « Être mieux connecté au terrain, et donc être plus réactif, est pour nous un enjeu de légitimité. Le déménagement a été le point de départ pour réinventer l’action publique », explique Ulysse Dorioz, directeur de la transformation à la région Ile-de-France. Si chaque service a eu le choix entre flex-office et open space, le changement est néanmoins radical pour les 254 managers du siège, jusqu’ici habitués à certains avantages statutaires qui, selon la fonction, se mesuraient à la taille du bureau, au nombre de fenêtres et à la spécificité du mobilier qui le composait. Les bureaux fermés aux portes capitonnées, l’assistante attitrée, les réunions d’une heure et la gestion par dossier administratif cèdent désormais la place à la mobilité, au mode projet, aux points agiles et au management visuel. Une nouvelle façon de travailler qui implique non seulement un rapport différent au travail mais, surtout, un changement de posture managériale.

« Home office »

Dépossédés des signes extérieurs attachés à leur statut hiérarchique, les responsables d’équipes doivent par ailleurs s’approprier les nouveaux outils, gérer des collaborateurs parfois éparpillés dans les locaux, quand ceux-ci ne travaillent pas de chez eux. Car flex-office rime le plus souvent avec « home office » : selon une enquête réalisée par Bureaux à partager et Fabernovel Institute auprès de 48 entreprises françaises et internationales de plus de 300 salariés ayant adopté ce mode de fonctionnement, plus de trois sur quatre pratiquent le télétravail. Un vrai choc culturel qu’il s’agit d’anticiper et d’accompagner. En effet, si les nouveaux espaces favorisent l’adoption de nouveaux comportements, ils n’ont rien d’automatiques pour autant. « Les populations les plus réfractaires à l’introduction du flex-office sont souvent celles qui ont la position statutaire la plus élevée dans leur métier. Et même lorsque les collaborateurs sont partants sur le principe, le passage à l’acte n’est pas forcément facile pour autant », reconnaît Mathilde Le Coz, directrice des talents et de la transformation RH chez Mazars (lire l’entretien p. 15).

Manager sponsor

Premiers impactés par les nouveaux modes de travail, les managers doivent être les premiers embarqués dans la transformation de l’entreprise. Une étude JLL, de juin 2018, réalisée auprès de 14 entreprises pratiquant le flex-office, le confirme : les équipes où le flex fonctionne le mieux sont celles où le management est sponsor et s’est approprié la démarche. Afin d’éviter que les responsables d’équipes ne se sentent remis en question mais, au contraire, d’en faire les moteurs du changement, le groupe immobilier Nexity, qui a, lui aussi, profité du regroupement de l’ensemble de ses salariés dans un même lieu pour engager sa transformation, a organisé des ateliers de travail pour leur permettre d’exprimer leurs craintes. Celle, notamment, de ne pas pouvoir rassembler leurs collaborateurs et de perdre la notion de travail collectif ou, encore, celle de ne pas savoir ce qu’ils font lorsqu’ils sont en télétravail. L’objectif : les rassurer et leur expliquer que leur rôle n’est pas de contrôler leur équipe. « Nous voulons leur faire comprendre que leur valeur ajoutée est leur compétence managériale », souligne Sophie Audebert, DRH groupe de Nexity. « Il est essentiel de mettre le sujet sur la table et d’expliquer pourquoi on fait ça », ajoute Mathilde Le Coz. Chez Mazars, des ateliers de discussion ont également été mis en place pour percer l’abcès, ainsi que du coaching et du codéveloppement. Le cabinet de conseil s’est appuyé, par ailleurs, sur des ambassadeurs pour faire évoluer les comportements.

« La France, tout comme beaucoup d’autres pays européens, reste encore très conservatrice et hiérarchique dans la façon dont les espaces pour les leaders sont dessinés, mais elle commence à rattraper son retard, note Serena Borghero, responsable communication recherches chez Steelcase, société spécialisée dans l’aménagement des espaces de travail. Désormais, ce n’est pas le bureau qui fait le chef mais son leadership. » D’autant que plus l’on monte dans la hiérarchie, plus on est en réunion et moins l’on est présent dans son bureau.

Sortir de la culture du présentéisme

« Les leaders ont un rôle différent et plus riche à jouer. Ce sont eux qui doivent donner le ton et la direction stratégique, transmettre la culture, faire émerger les talents, et ça ne peut se faire que lorsque l’on est au contact des équipes et non dans sa tour d’ivoire, rappelle Guillaume Alvarez, senior vice president EMEA de Steelcase. L’entreprise a poussé la logique jusqu’au bout au LINC, son Learning + Innovation Center à Munich, et a installé ses dirigeants au premier étage, dans un lieu ouvert où les gens sont amenés à passer ». Bref, le flex-office rend indispensable une évolution des mentalités. Il demande de sortir de la culture du présentéisme et d’aller vers un management de la confiance, axé sur la réalisation des objectifs. Il met, du coup, très vite en lumière les faiblesses du management. Avec l’arrivée du flex-office, le manager doit plus que jamais être un repère pour son équipe. Il doit être capable de maintenir les rituels managériaux dans un espace ouvert, éviter l’isolement de ses collaborateurs, créer des moments conviviaux pour les fédérer alors qu’ils sont mélangés avec d’autres salariés, animer des réunions à distance, choisir le bon lieu et le bon moment pour les interpeller, leur faire appliquer les principes du flex, et notamment le clean desk…

« Le manager est jugé à sa capacité à résoudre les problèmes et à faire grandir l’équipe. C’est un rôle très exigeant », admet Ulysse Dorioz. D’où l’importance de la formation. Pour l’aider dans sa tâche, la région Ile-de-France propose, dans le cadre de son campus, divers ateliers sur le travail par objectif, la gestion du télétravail ou l’animation à distance, par exemple. Elle a également édité une charte destinée à rappeler ce que sont pour elle les valeurs du management : la confiance, l’autonomie et le sens du collectif. Steelcase est allé jusqu’à rédiger un protocole maison pour faciliter les nouveaux modes de travail. Ce document préconise, par exemple, en cas de réunion ou de point agile, de donner la parole en premier à ceux qui ne sont pas présents physiquement dans la pièce, afin d’être sûr qu’ils puissent s’exprimer. Un petit détail qui en dit long sur l’attention que le manager doit porter à chacun de ses collaborateurs et à la façon dont il doit envisager désormais son rôle. Celui d’un coach et d’un facilitateur.

Auteur

  • Nathalie Tran