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Le fait de la semaine

Relations sociales : Les médiateurs en quête de statut

Le fait de la semaine | publié le : 14.10.2019 | Gilmar Sequeira Martins

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Relations sociales : Les médiateurs en quête de statut

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

Alors que se déroule la semaine mondiale de la médiation (14 au 20 octobre), le collectif Mediation 21 publie un livre blanc sur cette pratique qui prend de l’ampleur, notamment au sein des entreprises pour résoudre des litiges individuels voire des conflits collectifs.

La médiation a le vent en poupe. Il y aurait aujourd’hui en France entre 6 000 et 7 000 médiateurs mais, faute de cadre légal, cette activité attire des professionnels issus d’horizons très divers (avocats, coachs…) quand ce ne sont pas des managers qui font de la médiation en entreprise. Ce développement a naturellement suscité des interrogations, comme le souligne Gilbert Schuler, président du Centre de médiation et de formation à la médiation : « Des présidents de cour d’appel, des députés ou d’autres élus nous ont souvent questionnés sur notre représentativité ». Les formations à la médiation ont en parallèle explosé. « Il y a eu un développement anarchique des formations, certaines d’une durée très courte, parfois une semaine, explique Catherine Picq-Ricard, médiatrice et conseil en RH. Cette situation exigeait que la profession réagisse. »

Les différentes structures de médiateurs ont donc décidé se regrouper sous la bannière Médiation 21. « Ce forum ouvert a permis de constituer un collectif visant à parler d’une même voix sur la médiation », explique Gilbert Schuler. Ce mouvement a organisé des états généraux en juin 2018 et rédigé un livre blanc qui sera remis le 17 octobre à la garde des Sceaux Nicole Belloubet, dans le cadre de la semaine mondiale dont Mediation 21 est le principal organisateur pour la France.

Plusieurs constats se dégagent de ce document : nécessité d’une formation « appropriée » pour les médiateurs, clarification de leur statut, en particulier dans le cadre d’une médiation judiciaire. Pour l’heure, les magistrats qui doivent établir une liste de médiateurs n’ont d’autre outil que le décret n° 96-652 du 22 juillet 1996 relatif à la conciliation et à la médiation judiciaires. Le livre blanc relève que la Cour de cassation a pointé « les difficultés à garantir la qualification et la qualité du médiateur », confirmant ainsi « la nécessité d’une évolution ».

Asseoir la fonction

Les auteurs du livre blanc soulignent les multiples raisons qui doivent pousser le législateur à doter le médiateur d’un statut. Il faut en effet « asseoir sa fonction » en inscrivant dans le Code de procédure civile « les critères tenant aux qualités professionnelles » requises pour l’exercice de cette fonction. Ils mettent aussi en avant la nécessaire reconnaissance de cette activité ainsi que les éléments permettant d’assurer sa pérennité : définir un référentiel commun de formation, délimiter le périmètre de responsabilité des médiateurs, assurer une représentation collective, déterminer les critères de recrutement des médiateurs afin de sécuriser leur contribution, et enfin, apporter une meilleure lisibilité à la médiation dans son ensemble.

Pour les structures regroupant les médiateurs, ce futur statut doit reposer sur quatre axes clefs. Le premier pose le médiateur comme étant celui qui pratique la médiation dans « les conditions fixées conformément au futur texte de référence ». Le second appelle à l’organisation de la profession autour d’un Conseil national de la médiation et d’un Comité national d’éthique et de déontologie qui seront des « organes de représentation, de régulation et de réflexion ». Le statut doit aussi fixer les conditions d’accès et d’exercice de la profession, la formation initiale et continue mais aussi l’analyse des pratiques professionnelles. Dernier axe : un cadre d’exercice reposant sur la liberté d’entreprendre « dès lors que le médiateur répond personnellement aux conditions d’accès à la profession ».

Les médiateurs ne souhaitent pas pour autant se retrouver dans un « ordre professionnel », indique toutefois Gilbert Schuler : « Sans être une profession réglementée, mais dotée d’un statut, l’activité du médiateur doit avoir des caractéristiques professionnelles qui assurent à ceux qui y ont recours une prestation de qualité. » D’où la demande de création d’un Conseil national de la médiation (CNM) aux missions bien définies. Les médiateurs souhaitent qu’il puisse définir un référentiel de formation, accréditer les organismes de formation mais aussi les superviser, exercer un contrôle sur les modalités d’agrément des médiateurs, superviser les conditions d’exercice de la profession, observer les pratiques professionnelles, enfin, collecter et exploiter des statistiques. En parallèle du CNM serait créé un Comité national d’éthique et de déontologie chargé de veiller à l’application des règles et de délivrer un avis en cas de demande de sanctions. Le collectif Médiation 21 espère qu’un statut du médiateur sera adopté avant la fin de la législature.

La panacée ?

Pour défendre leur activité, les médiateurs s’estiment capables de résoudre des situations très complexes. Patricia Malbosc, ex-avocate et médiatrice depuis 2006, a ainsi pris en charge un conflit impliquant 36 salariés d’un service d’une société d’assurance. « Ils étaient impactés par le comportement agressif d’un salarié, se souvient-elle. Tous les autres se liguaient contre lui. » Pour dénouer la situation, elle a rencontré chacune des personnes impliquées et, avec un autre médiateur, organisé une réunion plénière les réunissant toutes. « À un moment, la personne dont le comportement était jugé agressif s’est livrée, a exprimé son mal-être et la raison profonde de son attitude, qui tenait à un drame propre à sa vie, que personne n’avait imaginé », explique la médiatrice.

Au terme de ces séances de médiation, de nouvelles règles de travail ont été instituées avec une réunion le mardi pour préparer la semaine et répartir le travail, et une autre le vendredi pour faire un debriefing. La médiation n’est pas pour autant la panacée, avertit cependant Catherine Picq-Ricard : « Certains DRH font appel à des médiateurs lorsqu’un nouveau manager ne fait pas l’unanimité, mais je considère que ce n’est pas de la médiation. La médiation est là pour rétablir un dialogue afin qu’un projet puisse aboutir ou pour améliorer le bien-être mais pas pour faire entendre raison à des collaborateurs. » Une distinction qui doit rester à l’esprit de tous ceux que la médiation peut intéresser.

La médiation déjà présente dans le Code du travail

Intégrée dans les années 80 au Code du travail par Robert Badinter, la médiation peut être mise en œuvre dans le règlement des conflits collectifs (art. L 2522-3 et L 2523-4 et suivants) ainsi que dans les cas de harcèlement moral (art. L 1152-6). Dans ce dernier cas, si la procédure de conciliation échoue, « le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime ».

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins