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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 14.10.2019 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Existe-t-il un effet stage ?

Les stages

font désormais partie de la plupart des cursus de formation. Ils ne continuent pas moins régulièrement de faire débat. À partir de quel moment doivent-ils être obligatoirement rémunérés ? Quel est le niveau de rémunération adéquat ? Les entreprises n’abusent-elles pas des stages en embauchant ainsi de la main-d’œuvre à faible coût pour effectuer des tâches qui devraient être confiées à des salariés en CDI ? Etc.

Les chercheurs en ressources humaines

s’intéressent quant à eux à une autre série de questions. Ils se demandent surtout si les stages ont un impact positif sur la carrière et la rémunération. En général, la réponse est oui, si bien qu’il y a une convergence d’intérêt entre les étudiants et les employeurs : les premiers ont intérêt à faire des stages et les seconds à prendre des étudiants en stage.

Mais l’effet stage est-il le même

pour tout le monde ? Ou bien profite-t-il plus à certains étudiants qu’à d’autres ? Adina Sterling, chercheuse à l’université de Stanford, et Roberto Fernandez, chercheur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), se sont demandé si l’effet stage était similaire pour les hommes et les femmes. Pour le savoir, ils ont étudié la promotion d’un programme en management d’une prestigieuse université américaine. Ils ont récemment publié leurs résultats dans la revue Management Science1.

Qu’observent-ils ?

Tout d’abord qu’il existe un écart salarial dès l’embauche entre les femmes et les hommes. Comme les salaires de demain dépendent en grande partie des salaires d’aujourd’hui, cet écart initial risque de s’accroître du fait des augmentations générales et des conséquences pour les femmes de la maternité.

Ils observent ensuite

que, lorsque les femmes reçoivent une proposition d’embauche à la fin de leur stage, c’est à une rémunération équivalente à celle des hommes ayant eux aussi effectué un stage dans l’entreprise. En revanche, quand un employeur embauche des personnes qui ont effectué leur stage dans une autre entreprise, il propose pour les hommes une rémunération supérieure à celle des femmes. Qu’un homme ait fait son stage ou pas dans l’entreprise qui le recrute n’a pas d’incidence sur son niveau de rémunération. En revanche, si une femme est recrutée par une entreprise où elle n’a pas été en stage, elle reçoit un salaire inférieur à celui des hommes.

La mauvaise nouvelle

est donc que les entreprises pensent encore aujourd’hui qu’il existe un écart de compétences entre les femmes et les hommes qui ont pourtant fait les mêmes études. Les stéréotypes négatifs sur les femmes (leur moindre engagement, par exemple) ont la vie dure. La bonne nouvelle est que, lorsque les compétences sont observées à travers un stage, les employeurs se rendent compte que les femmes sont au moins aussi compétentes que les hommes. Les stéréotypes ou les craintes quant aux compétences et au niveau d’engagement des femmes semblent disparaître.

On peut en tirer deux conclusions

1) Les femmes ont donc intérêt à poursuivre leur carrière dans l’entreprise où elles ont fait leur stage pour avoir un salaire similaire à celui des hommes.

2) Les entreprises ont intérêt à prendre des stagiaires femmes pour mettre à mal les préjugés négatifs qu’elles ont à leur égard et réduire les écarts de rémunération en leur sein

(1) A.D. Sterling et R.M. Fernandez, « Once in the door : Gender, tryouts, and the initial salaries of managers », Management Science, 64 (11), 5444-5460 (2018).

Auteur

  • Denis Monneuse