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Onboarding : les employeurs imitent et adaptent les meilleures pratiques

Sur le terrain | publié le : 07.10.2019 | Frédéric Brillet

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Onboarding : les employeurs imitent et adaptent les meilleures pratiques

Crédit photo Frédéric Brillet

Spécialiste des ressources humaines, Amine Ezzerouali fait le point sur l’onboarding et l’offboarding qui consistent à accompagner les salariés qui arrivent dans l’entreprise ou qui la quittent. Deux étapes stratégiques dans la relation salarié-employeur mais qui sont parfois négligées.

Quelle importance revêt l’onboarding du point de vue RH ?

L’acquisition et la rétention des talents devenant des priorités pour les DRH, le processus de socialisation des nouvelles recrues que constitue l’onboarding a pris une importance stratégique. On constate néanmoins une grande diversité d’approches et de pratiques. Pour certains employeurs, l’onboarding s’arrête le jour suivant l’arrivée de la nouvelle recrue. Cette approche checklist se limite alors à un welcome package, quelques séances de présentation de l’entreprise et des collègues, des visites des bureaux, sans forcément d’efforts d’explication de ce qui est attendu et demandé dans le métier ni de suivi dans le temps. Pour d’autres, l’onboarding est un processus stratégique, intégré aux impératifs d’acquisition, de développement et de rétention des talents. Il mobilise plusieurs acteurs et se déploie sur la durée et jusqu’à deux ans. Ces employeurs ont une vision holistique de l’expérience collaborateur : ils investissent davantage dans ce processus et mobilisent plusieurs parties prenantes, internes et externes.

Que risquent les entreprises à négliger cette étape ?

Selon les études, secteurs d’activité et pays, les chiffres fluctuent mais on constate que de plus en plus de nouvelles recrues quittent leur job prématurément. Une nouvelle recrue sur deux quitte son premier job dans les dix-huit premiers mois et la durée de rétention diminue à moins de deux ans dans certaines industries. Le coût généré par le départ d’une nouvelle recrue dans les douze premiers mois explose, allant parfois jusqu’à deux ans de salaire annuel. Une étude récente1 montre qu’en France un cadre sur trois a déjà démissionné à la suite d’une mauvaise intégration. Près d’un cadre sur deux n’a pas suivi de parcours d’intégration formalisé à son arrivée et seulement un cadre sur trois a bénéficié d’un entretien de mi-parcours lors de sa période d’essai. On voit même de nouvelles recrues qui pensent à démissionner dès leur premier jour dans le job, pour insuffisance ou absence d’accompagnement. À l’inverse, les recherches montrent que lorsque l’onboarding d’une nouvelle recrue se déroule dans de bonnes conditions, il en résulte une satisfaction au travail élevée, un renforcement de l’engagement organisationnel, un turnover bas, des niveaux élevés de performance, une réussite professionnelle – en termes de carrière, la réussite de carrière – et une diminution du stress.

Pourquoi se soucier autant d’accompagner les partants puisqu’ils ne vont plus rien rapporter à l’entreprise ?

Lorsqu’un collaborateur quitte l’organisation, c’est une part considérable du capital humain au travers des connaissances et compétences spécifiques au poste occupé qui risque de se perdre si l’effort de transmission et de passation n’est pas formalisé et systématisé. L’employeur doit par ailleurs se soucier du rôle de potentiel ambassadeur (pour le recrutement) et prescripteur (comme client ou fournisseur) du partant. Se désintéresser de l’offboarding, c’est prendre le risque de se priver d’un réseau essentiel pour attirer de nouveaux collaborateurs. Certaines entreprises investissent volontairement dans ce réseau d’anciens employés car, au-delà de la dimension ambassadeur ou prescripteur, ces outsiders sont eux-mêmes de potentielles recrues. On voit de plus en plus de salariés-employés « boomerang », qui ont quitté leurs organisations et qui souhaitent y retourner à un autre moment de leurs carrières. Cependant, s’il existe un certain consensus sur l’importance de l’onboarding, l’offboarding est encore loin d’être une priorité sur le terrain, et il existe encore peu de travaux académiques sur la question.

Quelles règles faut-il respecter pour réussir l’onboarding ?

Selon la professeure américaine Talya N. Bauer, l’onboarding repose sur quatre composantes fondamentales : la compliance-conformité – former les nouvelles recrues à se conformer aux règles basiques –, la clarification – s’assurer que les nouvelles recrues comprennent leurs nouveaux jobs et ce qui est attendu d’elles –, la culture – accompagner les nouvelles recrues dans l’assimilation des normes organisationnelles formelles et informelles – et la connexion-liaison – aider les nouvelles recrues à créer et maintenir les liens interpersonnels et le réseau d’information indispensables à leur succès dans leur poste. L’investissement dans chacun de ces quatre C déterminerait la réussite globale du processus. Certains travaux récents, comme ceux de Meyer et Bartels en 2017, s’appuyant sur le modèle des quatre C de Bauer, montrent que les nouvelles recrues correctement onboardées ont une perception plus élevée de l’utilité de l’onboarding, de l’engagement organisationnel, du support organisationnel, ainsi que de la satisfaction au travail.

Comment les pratiques d’onboarding se diffusent-elles ?

Comme toute bonne pratique managériale, on constate un phénomène mimétique. Les employeurs imitent et adaptent les meilleures pratiques de leurs concurrents sur le marché de l’emploi en s’appuyant sur des cabinets spécialisés et sur des startups pour innover. Elles le font ensuite savoir dans les médias, sur les réseaux sociaux : sur Twitter, on trouve des hashtags dédiés à l’onboarding pour vanter les dispositifs mis en œuvre. Les nouvelles recrues reçoivent de plus en plus souvent des welcome packs contenant des cadeaux de bienvenue : simple casquette, t-shirt, smartphone, ordinateur, voire un budget pour décorer son bureau et s’approprier son espace de travail. Beaucoup organisent des petits déjeuners ou des repas de bienvenue, des visites de services, d’usines, de magasins, des séminaires d’intégration et d’assimilation de la culture d’entreprise. Les entretiens de mi-parcours, les rapports d’étonnement, essentiels pour recueillir le feedback des nouvelles recrues, se développent tout comme les systèmes d’accompagnement, sous forme de parrainage, voire de tutorat et de coaching.

Comment se partage le travail des RH et des managers dans la gestion de l’onboarding ?

Même s’il est piloté par les RH, l’onboarding est l’affaire de tous. Il ne saurait incomber uniquement aux RH. Le manager, les collègues de la nouvelle recrue jouent un rôle clé dans la réussite du processus. Il est aussi recommandé d’y d’associer le top management, car les interactions avec les nouvelles recrues peuvent aider à mieux comprendre la mission, la vision, la culture, ainsi que les enjeux organisationnels globaux, au-delà du périmètre de son département ou de son équipe. Microsoft a même imposé en interne le mot d’ordre « Onboarding is everyone’s job ». Pour résumer, le RH et le manager sont en première ligne de l’onboarding, mais tous les autres acteurs – top management, collègues, coaches externes – devraient être impliqués. Les uns et les autres peuvent s’appuyer sur des outils technologiques comme l’application Fit Culture de l’Oréal ou fournis par des spécialistes de solution RH qui facilitent la gestion des tâches liées à l’onboarding – collecte d’informations administratives, allocation de parrains-buddys, rapports d’étonnement…

À l’inverse, l’offboarding intéresse moins la recherche et les employeurs. Pourquoi ?

Probablement parce que, pendant longtemps, les départs ont été perçus comme un manque de loyauté vis-à-vis de l’organisation, voire une trahison si on allait rejoindre les concurrents. Mais aujourd’hui, les entreprises ayant du mal à retenir les talents, cette problématique commence à être appréhendée par les professionnels RH. Certains cabinets de conseil et groupes industriels encouragent ainsi le développement de réseaux d’anciens collaborateurs pour nourrir un écosystème bénéfique pour l’organisation, ses collaborateurs actuels, anciens et futurs, et l’ensemble de ses parties prenantes – clients, partenaires, fournisseurs.

Parcours

Amine Ezzerouali est enseignant-chercheur à Skema Business School et directeur scientifique du Master of Science International HR and Performance Management. Il est diplômé de l’université Paris-Dauphine et de l’IAE d’Aix-en-Provence. Il a publié en 2016 avec L. Garreau « Théories de la gouvernance : entre stratégie et société » dans Théories des Organisations. Nouveaux tournants, aux éditions Economica.

(1) Réalisée par le site Cadremploi en avril 2019, www.cadremploi.fr

Auteur

  • Frédéric Brillet