Persuadée que l’amélioration des performances viendra d’une meilleure qualité du management, la société qui gère le réseau d’électricité a inscrit une première dizaine de managers à un programme d’un an concocté par les Rebelles du management. Avec l’ambition de « transgresser » ce qui était prescrit jusqu’ici.
Gérard Matencio, directeur de la transformation et de la dynamique sociale chez Enedis, revient tout juste d’une conférence d’Olivier Sibony, consultant et spécialiste de la prise de décision stratégique. Et il est enchanté. « L’intervention portait sur les biais cognitifs qui peuvent entraîner de mauvaises décisions, explique-t-il. Et nous avons décidé de mettre ces nouvelles connaissances en application pour nos décisions stratégiques. » En compagnie d’une dizaine de collaborateurs, principalement des managers d’une trentaine d’années, avec une première expérience de gestion d’équipes, Gérard Matencio participe depuis peu au programme concocté par les consultants Frédéric et Isabelle Rey-Millet, les Rebelles du management. À base de conférences, d’ateliers méthodologiques et de partage d’expériences, le tout assorti d’accompagnement et de coaching si nécessaire entre ces rencontres, ce programme d’un an regroupe des salariés de diverses organisations, petites et grandes, publiques ou privées. Le but est, selon l’intitulé, de se « rebeller » contre un ordre établi depuis des années dans certaines entreprises et d’ouvrir la voie à de nouveaux fonctionnements, davantage en phase avec les enjeux d’aujourd’hui, fondés sur de nouvelles exigences du marché, des clients, des collaborateurs…
Ainsi, raconte Gérard Matencio, EDF (qui a donné naissance à Enedis, filiale à 100 %) existe depuis 1946, et jusqu’au 31 décembre 2018, les règles de mobilité interne n’avaient jamais évolué. Elles reposaient sur un pouvoir absolu, celui de la hiérarchie d’accepter ou non une demande de changement, de se prononcer sur le nouveau domaine d’activité souhaité et même sur le saut salarial qu’une telle évolution pouvait entraîner pour un collaborateur. « Un fonctionnement parfaitement inadapté et déresponsabilisant, alors que la direction se plaignait que certains postes avaient du mal à être pourvus ! », s’insurge-t-il. Aujourd’hui, tout le monde peut quitter son entité – et son supérieur hiérarchique… « Nous sommes persuadés que l’engagement des collaborateurs passe par la qualité du management », souligne le directeur de la transformation et de la dynamique sociale chez Enedis. Charge donc au management d’œuvrer à l’engagement et la fidélisation des équipes ou de participer à leur évolution professionnelle…
Autre anomalie que l’entreprise cherche à éliminer, le fait que, pour leur rémunération et leur bonus, les managers sont certes évalués sur la santé et la sécurité – points essentiels dans le domaine d’activité de la société, la gestion du réseau d’électricité –, de même que sur des objectifs budgétaires et opérationnels, mais « en aucun cas sur la qualité du management lui-même, déplore Gérard Matencio. Or on le sait, on peut obtenir de bons résultats, au moins pour un temps, en gérant les équipes de la pire façon qui soit ! ».
En pleine transformation, Enedis vient donc de lancer une analyse à 360 degrés du comportement des managers, grâce à des informations émanant de leur propre hiérarchie et de leurs équipes, mais aussi de leurs pairs et d’autres parties prenantes, comme les partenaires extérieurs. Enfin, dernier point de rupture, la société va construire une filière expertise « pour assainir le terrain managérial », précise Gérard Matencio. Autrement dit, ceux qui n’ont pas le goût du management, mais ne voyaient que cette voie pour évoluer, pourront obtenir une autre forme de reconnaissance. Dans tous les cas, « il s’agit de créer de la valeur », dit-il. Et ce sont quelques pionniers au sein de l’entreprise, décidés à « casser les codes » et à « transgresser le prescrit », qui ont sélectionné les premiers jeunes cadres pour lancer l’opération « Rebelles du management ».
« Les participants sont satisfaits, précise Gérard Matencio. Ils apprécient le fait de prendre le temps de la réflexion, grâce aux conférences, de partager leur expérience avec un réseau hors de l’entreprise, et de se livrer à un exercice d’introspection, accompagné d’un coach s’ils le désirent. Ils devraient terminer le programme avec encore plus la volonté de convaincre et de se battre pour que les choses changent à l’intérieur d’Enedis. » Car le but n’est pas de surfer sur une quelconque mode. « Il s’agit de s’assurer que le changement sera bien systémique, déclare le directeur de la transformation, sinon la déception du corps social sera immense », dit-il.