Fournisseurs, clients, mais aussi maintenant partenaires sociaux, ONG, voire autres industriels. Par obligation souvent, par choix quelquefois, nombre d’entreprises jouent collectif sur le front de leur responsabilité, et pour limiter leur impact social et environnemental.
À lire le baromètre publié fin août par Ecovadis, organisme d’évaluation payant de la RSE des entreprises, en particulier autour de leurs chaînes d’approvisionnement, la question des achats responsables est l’une des préoccupations majeures des entreprises. De fait, 81 % des 210 sociétés qui ont répondu à l’étude cette année (elles n’étaient que 120 il y a deux ans) estiment qu’il est important de réaliser des achats responsables. Le RFAR (Réseau fournisseurs et achats responsables) labellise d’ailleurs près d’une cinquantaine d’entreprises responsables. Pour consacrer cette thématique, une norme Iso, la 20400, a été créée en 2017.
Le plus gros de l’impact des entreprises sur l’environnement et les droits humains vient de leur chaîne d’approvisionnement. Rien d’étonnant, donc, à ce que leur responsabilité sociale commence par les liens avec leurs fournisseurs. Et sur le plan des ressources humaines, la fonction d’acheteur s’en trouve aussi bien valorisée que professionnalisée. Pour autant, toutes ne s’engagent pas vis-à-vis de leurs fournisseurs de façon tout à fait volontariste, mais bien plutôt pour répondre à la réglementation. Elles étaient d’ailleurs 66 % à invoquer le caractère important des aspects réglementaires dans cette politique d’achats responsables (27 %, plus de deux fois moins, dans l’édition précédente) en réponse au questionnaire du baromètre Ecovadis.
La raison de cette évolution tient au vote de la loi sur le devoir de vigilance, adoptée en février 2017, dans le sillage de l’effondrement du Rana Plaza, au Bangladesh en 2013. Cette législation oblige les entreprises donneuses d’ordres à prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance. Une obligation qui inclut leurs sous-traitants, fournisseurs et partenaires sociaux, et qui s’applique aux entreprises françaises de plus de 5 000 collaborateurs et à celles dont le siège serait à l’étranger dès lors qu’elles comptent 10 000 salariés. Elles doivent cartographier leurs risques, publier un plan de vigilance sur les droits humains. Et en cas de non-respect de leurs obligations, la justice peut être saisie.
Dans les faits, il n’existe pas encore de liste officielle des entreprises concernées. Deux ONG, Sherpa et le CCFD-Terre solidaire, ont établi une première liste de 237 entreprises. Elles estiment que 59 d’entre elles ne remplissent pas même l’obligation de fournir un plan de vigilance. En la matière, certaines entreprises, au contraire, veulent se montrer vertueuses. Sous l’impulsion de la loi Pacte (Plan pour la croissance et la transformation des entreprises), celles-là ont l’ambition de devenir des entreprises à mission. À la frontière entre l’économie sociale et solidaire et le secteur entrepreneurial classique, ce statut prévoit d’inscrire dans les statuts un objectif social et environnemental et la prise en compte de l’intérêt général, en plus de la performance économique. Cet objet social étendu est souvent défini avec les partenaires sociaux et les entreprises à mission mettent en place des organismes de contrôle pour vérifier le respect de leurs engagements. Cela ne concerne encore qu’une poignée d’entreprises en France, où le sujet a commencé d’être débattu en 2015. Pour Olivier Classiot, cofondateur du cabinet Des Enjeux et des hommes, « La loi Pacte consacre le besoin de réfléchir au-delà des frontières administratives et aux fondements de l’existence des entreprises, et de mener ces réflexions avec l’ensemble des parties prenantes. »
Parmi ces parties prenantes figurent notamment les consommateurs. Pour Olivier Classiot, « les marques peuvent agir en relais des sociétés pour aider à relever les défis RSE. D’abord parce qu’elles embarquent plus naturellement leur communauté de consommateurs, qui les connaissent mieux que l’entreprise qui se cache derrière. Mais aussi parce que l’entreprise a souvent un message RSE complexe pour répondre à l’ensemble des parties prenantes, alors que la marque pourra choisir d’aborder les sujets pertinents, sur lesquels elle est engagée et crédible. »
Mais certaines entreprises vont plus loin encore et concluent des partenariats entre industriels. Ainsi de la création du club de l’emballage léger en aluminium, élargi ensuite à l’acier, qui vise, à l’initiative de Nespresso et de Citeo, à mettre en place une filière de retraitement des fines d’aluminium, ces petites capsules de café ou de médicaments qui, jusque-là, n’étaient pas recyclées, faute de pouvoir être correctement traitées par des machines spécifiques, qu’il a fallu inventer. La loi sur l’économie circulaire, actuellement en discussion au Parlement, conduira-t-elle à la multiplication de tels partenariats ?