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Développement durable : Les nouvelles frontières de la RSE

Le point sur | publié le : 30.09.2019 | Gilmar Sequeira Martins, Lys Zohin

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Développement durable : Les nouvelles frontières de la RSE

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins, Lys Zohin

D’abord considérée comme un gadget, la responsabilité sociale et environnementale (RSE) a vu son périmètre s’élargir sous la pression des consommateurs et de l’opinion publique. Avec l’urgence climatique, elle fait désormais figure de levier d’action majeur et met les entreprises sous contrainte.

C’était en 2001. Avec la loi du 15 mai sur les « nouvelles régulations économiques », les sociétés cotées étaient tenues de publier dans leur rapport annuel des « informations […] sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ». La responsabilité sociale et environnementale (RSE) faisait ainsi son entrée dans la loi française. Né aux USA, le concept s’est imposé dans les années 80 avec les ouvrages d’Edward Freeman sur la « théorie des parties prenantes », ou de Peter Drucker, qui considérait que « les dirigeants de chaque organisation sont aussi responsables de la communauté dans son ensemble ».

Dans l’Hexagone, la RSE a pris une nouvelle dimension au début de la décennie après le Grenelle de l’environnement. La loi du 12 juillet 2010 et le décret du 24 avril 2012 imposent en effet aux entreprises la publication de 43 données environnementales, sociales et sociétales. La directive européenne de 2014 sur la publication d’informations extra-financières, transposée en 2017 dans le droit français, a encore élargi le champ, qui couvre désormais quatre thèmes : l’environnement, le social et le sociétal, les droits humains et la lutte contre la corruption. « Le reporting porte sur toute la chaîne de valeur, y compris les fournisseurs, et l’usage des produits, précise Éric Duvaud, associé de EY en charge de l’équipe RSE. Désormais, le barycentre des sujets RSE importants porte sur l’énergie et le climat, l’impact des produits, les droits de l’Homme, la corruption, l’évasion fiscale ou la protection des données personnelles, par exemple. C’est une différence par rapport au début des années 2000 qui étaient centrées sur l’environnement et le social. »

Facteur de convergence

Pour Vigeo Eiris, premier organisme français de mesure de la performance socio-environnementale, fondé en 2002 par Nicole Notat, qui s’est rapproché en avril dernier de Moody’s Investors Service, poids lourd international de la notation financière des entreprises, la RSE est devenue « un facteur de rapprochement et de convergence des objectifs des différentes parties prenantes », capable de « réduire les risques et les incertitudes sur les enjeux fondamentaux qui touchent les intérêts économiques, la réputation, la cohésion, la capacité à attirer et conserver les talents ». Aux yeux de Fouad Benseddik, directeur des méthodes et des relations institutionnelles de Vigeo Eiris, « cette approche instrumentale de la RSE se base sur une vision renouvelée de la notion de durabilité qui dépasse maintenant la question de l’environnement pour englober la capacité des entreprises à créer de la valeur ».

Une nouvelle étape a été franchie cette année avec la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui renforce les obligations des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale en leur offrant notamment la possibilité de se doter d’une « raison d’être ». Mais pour Martin Richer, dirigeant du cabinet de conseil Management & RSE, « avec cette loi, les obligations liées au seuil de 20 salariés ont été déportées à celui de 50 salariés bien que le gouvernement prétende qu’il ne s’agit pas d’un relèvement de seuils. Pourtant, l’obligation de disposer par exemple d’un règlement intérieur, qui est l’une des bases de la sécurité et de la santé au travail, n’est plus requise qu’à partir de 50 salariés ».

Un concept encore méconnu

Si l’on interroge les salariés, on mesure qu’en matière de RSE, il reste du chemin à parcourir. Selon un sondage Ifop paru le 6 septembre, 33 % seulement des personnes interrogées connaissent bien le concept (42 % chez les 18-24 ans) et 38 % des actifs sont dans l’impossibilité de dire si leur entreprise est engagée dans une démarche RSE. En revanche, dès lors que le concept est connu, il suscite un intérêt croissant, en particulier chez les salariés de l’industrie, du BTP et des transports. Un quart (26 %) des sondés perçoivent la RSE comme « utile », mais 18 % la jugent encore « compliquée ».

La RSE rencontre encore beaucoup de résistance, davantage chez les dirigeants d’entreprise que chez les salariés. Selon Martin Richer, « la RSE est déconnectée du business model, du management, des métiers et de la culture des entreprises. Elle ne prendra vie que si elle est ancrée dans le business model et intégrée à la stratégie, à la ligne managériale et adoptée par les salariés. Elle deviendra alors une préoccupation quotidienne des entreprises. » Il postule que la « raison d’être » va y contribuer parce qu’elle fournit un cadre d’action pour articuler le projet global de l’entreprise avec la contribution de chaque collaborateur. Les défis sont donc nombreux or le temps presse, rappelle Éric Duvaud, de EY : « Aujourd’hui, l’engagement en faveur de modèles économiques durables est dramatiquement insuffisant. Il évolue trop lentement, notamment par rapport au défi climatique. » Mais les entreprises sont-elles prêtes à endosser un rôle qui dépasse largement le cadre de leur responsabilité ?

À retenir

L’association Les Assises du droit social (ADS), organise, le 7 octobre, à la Maison de la Mutualité à Paris, avec Entreprise &Carrières et Liaisons sociales magazine, un grand colloque qui aura pour thème « l’entreprise responsable face aux défis du travail durable », en résonance avec le rapport « travailler pour bâtir un avenir meilleur » remis en janvier 2019 par l’Organisation internationale du travail.

Pour plus d’information : https://www.lesassisesdudroitsocial-lecolloque.com/

Déployer la RSE au plus près des territoires

La RSE est portée par la norme ISO 26000 qui décline ses principes en sept thématiques (droits de l’Homme, relations et conditions de travail, bonnes pratiques des affaires, questions relatives aux consommateurs, environnement, engagement sociétal, gouvernance) et 36 domaines d’action. Trop générique, elle se révèle cependant difficile à appliquer, en particulier dans les PME et TPE. Pour surmonter cette difficulté, la Plateforme RSE de France Stratégie a lancé en 2017 une expérimentation sur les labels sectoriels. L’Afnor, qui a déjà certifié 400 entreprises sur la base de la norme ISO 26000, a entamé une coopération avec une quinzaine de fédérations professionnelles pour adapter la norme aux enjeux de leurs secteurs. « Nous concevons des guides de lecture sectoriels de la norme ISO 26000, explique Mélodie Merenda, cheffe de produit RSE d’Afnor Certification. Nous y expliquons ce que signifie pour tel ou tel secteur des notions comme la “loyauté des pratiques”, ou “les droits de l’Homme” ou encore la notion de “consommation responsable”. » L’Afnor participe aussi à des démarches territoriales comme le projet Resonance en Nouvelle-Aquitaine, qui regroupe cinq à sept filières, ou celui de la région Centre à destination des TPE-PME, ou en Bretagne au programme pour les scoop du BTP.

G. S. M.

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins, Lys Zohin