Les images sont connues, celles de salariés épuisés qui s’assoupissent, le nez dans leur assiette au restaurant ou sur l’épaule de leur voisin assis dans le métro. Selon les dernières données de l’OCDE, le Japon affiche le nombre d’heures de sommeil par personne le plus faible des pays de l’organisation : 7,3 heures par nuit, tandis que la moyenne dans la plupart des autres pays industrialisés, dont le Royaume-Uni et la France, est de 8,3 heures. Si une nouvelle loi est entrée en vigueur en avril dernier, pour lutter contre les journées à rallonge, en mettant la limite à 45 heures supplémentaires par mois, les entreprises semblent de plus en plus conscientes que ce manque de sommeil nuit à la santé et la performance de leurs salariés. Et elles prennent les choses en main. En incitant à l’« hirune », autrement dit, la sieste pendant la pause repas. Pour ce faire, elles installent des lits dans les salles de réunion inoccupées, diffusent du parfum d’ambiance, bref, font tout pour que les salariés trouvent un peu de sommeil réparateur, au lieu de s’endormir n’importe où. Takanori Kobayashi faisait partie de cette catégorie de salariés, enfermés dans un cercle vicieux. Au point qu’il a finalement décidé de quitter son emploi et de monter une start-up, NeuroSpace, dont le but est de mettre en œuvre des programmes de sommeil dans les entreprises. Après des débuts poussifs, en 2014, il a lancé ces programmes dans plus de 70 entreprises. Depuis le début 2019, les choses s’accélèrent. Il faut dire qu’entre-temps, plusieurs drames dus au manque de sommeil et à l’épuisement au travail – morts par surmenage, suicides, accidents de chauffeurs à bout de forces – ont fait la une des journaux. Les entreprises, aidées en cela par nombre d’études scientifiques, surveillent le sommeil et la santé de leurs salariés. Reste que, selon l’un de ces experts, pour que l’« hirune » devienne une habitude, mieux vaut l’avoir pratiqué dès l’enfance. Or là aussi, alors que les élèves avaient l’habitude de faire la sieste à l’heure du repas dans les écoles, cette pratique s’est perdue…