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Le fait de la semaine

Réformes : Les cadres dans le collimateur

Le fait de la semaine | publié le : 09.09.2019 | Benjamin d’Alguerre

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Réformes : Les cadres dans le collimateur

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Le gouvernement essaye-t-il de mettre un coup de barre à gauche en mettant la pression sur les populations salariées les plus privilégiées, à savoir les cadres ? Les réformes de l’assurance chômage et des retraites sont en tous cas bien parties pour se mettre en œuvre à leur détriment. Si ce n’est à leurs frais.

Les cols blancs ont le blues. Malgré les bons chiffres de l’emploi dans leur catégorie (lire p. 7), l’ambiance est morose chez les cadres. Le sentiment d’être la catégorie de salariés qui paiera l’addition des réformes sociales de ce début d’acte II du quinquennat mine le moral des troupes. Le premier coup de massue leur a été asséné le 18 juin dernier à l’occasion de la présentation de la réforme de l’assurance chômage qui introduit une nouvelle dégressivité des allocations chômage pour tous les salariés dont le revenu du travail était supérieur à 4 500 euros brut par mois avant leur inscription à Pôle emploi. Ceux-là verront leur indemnisation réduite de 30 % à l’issue de leur sixième mois de chômage (jusqu’à concurrence d’un plancher de 2 261 euros net).

La mesure, qui sans le dire, cible la population cadre, doit s’appliquer au 1er novembre prochain et seuls les demandeurs d’emploi de plus de 57 ans sont épargnés. Brutal. Mais surtout discriminatoire, jugent les syndicats. « On présente cette mesure comme un coup de barre à gauche de l’exécutif alors qu’il s’agit d’une mesure populiste donnant en pâture aux gilets jaunes une catégorie présentée abusivement comme nantie alors que, dans le même temps, le montant des dividendes versées par les entreprises aux actionnaires crève le plafond ! », s’agace Laurent Mahieu, secrétaire général de la CFDT Cadres.

Selon les calculs gouvernementaux, placer le curseur à 4 500 euros net par mois devrait permettre à l’Unédic d’économiser 350 millions d’euros par an. Soit une fraction non négligeable des 1 milliard à 1,3 milliard d’euros d’économies que l’exécutif réclamera désormais chaque année au régime d’assurance chômage. Mais cette disposition pourrait convaincre les cadres de décrocher d’un système assurantiel auquel ils contribuent pour 42 % mais dont ils ne récoltent les fruits que pour 15 %. « Certains cadres finiront par se demander pourquoi ils participent à un système d’assurance chômage dont ils ne bénéficieront peut-être plus. Le jour des annonces gouvernementales, les publicités pour les entreprises de protections sociales privées proposant des complémentaires chômage étaient en haut des classements Google », observe Éric Pérès, de FO-Cadres.

Durée de cotisation

Déjà estomaqués par l’annonce de la dégressivité de leurs allocations chômage, les cadres ont dû dans la foulée digérer le rétropédalage présidentiel sur la réforme des retraites. « Jean-Paul Delevoye était parvenu à aboutir à une proposition équilibrée construite autour d’un système à points laissant une grande latitude à ses bénéficiaires pour choisir le moment de leur départ… mais Emmanuel Macron a tout remis à plat en réintroduisant le principe de durée de cotisation. C’est une incohérence flagrante », déplore Gérard Mardiné, de la CFE-CGC. Principal grief adressé par les cadres au paramètre de la durée de cotisation : il ne prend pas en compte la période des études – souvent longue chez eux – dans le calcul de l’âge du départ à la retraite. « Or, au vu de la stagnation de l’espérance de vie en bonne santé, choisir cette option, c’est la garantie pour les cadres que la fin du travail corresponde à la fin de vie… », ajoute Jean-Luc Molins, de l’Ugict, la fédération cégétiste de l’encadrement.

Pour la CGT, cette réforme promet d’être d’autant plus inefficace qu’elle reste calée sur une assiette de cotisation de 14 % du PIB, sans tenir compte de la multiplication du nombre de retraités. Avec comme conséquence possible une dégradation des retraites des cadres et donc, un recours massif aux complémentaires privées. Ce que redoute FO, qui condamne l’abandon du mode de calcul des pensions appuyé sur les 25 meilleures années de carrière : « Les cadres aussi rencontrent des parcours erratiques comme le reste de la population. 30 % d’entre eux gagnent moins que le plafond de la Sécurité sociale. Sans système de calcul appuyé sur les meilleures années d’une carrière, le montant des pensions pourrait accuser une baisse de 15 % à 20 % par rapport à aujourd’hui », prévient Eric Pérès.

Statut de l’encadrement

Dernière goutte de ciguë au fond du calice : la négociation sur le statut de l’encadrement, entamée à l’hiver 2017, persiste à faire du sur-place, au rythme des changements de leadership dans la délégation patronale. « Avant l’été, la délégation des employeurs nous a promis une synthèse des différents travaux réalisés jusqu’à présent. Elle devrait être posée sur la table le 20 septembre, date de la prochaine séance », espère Laurent Mahieu. Une inconnue persiste : celle du périmètre du mandat dont disposera Patrick Cheppe – troisième chef de file de la délégation du Medef depuis le coup d’envoi des débats – pour négocier. Car pour le patronat aussi, la négociation prend des allures de casse-tête. Une partie des branches aimerait se libérer du « carcan » de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et notamment de ses articles 4 et 4 bis qui fixent le statut de l’encadrement. Dans le cadre de leurs négociations sur la fusion des branches, plusieurs fédérations d’employeurs profiteraient volontiers de l’occasion pour réviser leurs conventions et mixer les grilles de salaires des cadres avec celles d’autres catégories de salariés.

Autre point de friction : le devenir du « 1,5 % cadres », cette cotisation patronale affectée à la couverture prévoyance obligatoire des cadres en entreprise dont la moitié doit légalement être orientée vers la constitution d’un capital décès. Un joli magot que certains aimeraient voir sortir de l’échelon interprofessionnel pour être confié au dialogue social décentralisé… à condition que l’inversion de la hiérarchie des normes instaurée par les ordonnances Macron le permette. En attendant une clarification gouvernementale sur ce dossier, la négociation pourrait bien demeurer au point mort. Et pendant ce temps les cadres encaissent… les coups.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre