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Le fait de la semaine

« Le gouvernement préfère les milliardaires aux cadres »

Le fait de la semaine | publié le : 09.09.2019 | Benjamin d’Alguerre

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« Le gouvernement préfère les milliardaires aux cadres »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

À un mois de son congrès national organisé du 8 au 10 octobre à Deauville (Normandie), la CFE-CGC continue à ferrailler contre le gouvernement, accusé d’entretenir « une forme de mépris » envers les cadres, tant dans la réforme de l’assurance chômage que dans celle des retraites.

La réforme de l’assurance chômage prévoit une dégressivité des allocations pour les plus hauts profils, en clair, les cadres. Pourquoi êtes-vous aussi sévères avec cette mesure ?

Dans le cas particulier de l’assurance chômage, il faut rappeler que toutes les populations salariées sont impactées par cette réforme. En revanche, Il est vrai que lorsqu’on zoome sur les catégories qui contribuent le plus au régime et qui, par le biais de la dégressivité des indemnités, se retrouvent les plus spoliées, les cadres sont en première ligne ! J’avais déclaré voici quelques mois que le 18 juin [NDLR : jour de la présentation de cette réforme par Édouard Philippe et Muriel Pénicaud] était une « journée funeste » et je le pense toujours. Les cadres vont se retrouver injustement pénalisés, tout ça pour réaliser quelques économies microscopiques pour le régime censées compenser le sur-abus des contrats courts par certaines entreprises. S’attaquer aux revenus les plus élevés à travers la dégressivité comme le gouvernement le fait, c’est une remise en cause du principe même de solidarité intercatégorielle. Dois-je rappeler que les cadres et assimilés sont déjà les plus gros cotisants au régime d’assurance chômage ?

Le président de la République s’est « invité » dans le débat sur les retraites fin août en annonçant qu’il souhaitait conserver un système appuyé sur la durée des cotisations. Quels effets peut-on en attendre ?

Avant tout, je tiens à saluer la qualité du travail de Jean-Paul Delevoye et de ses équipes tout au long de la concertation sur la réforme des retraites. Il a su mener les consultations avec les partenaires sociaux, faire appel à des experts et porter des propositions à partir de faits objectivés. Ceci étant dit, la CFE-CGC n’a pas changé d’avis depuis le départ : ce projet de réforme des retraites est inutile au vu de l’évolution démographique et macroéconomique du pays. Le régime n’est plus menacé comme il a pu l’être à l’époque des précédentes réformes. Quant au slogan « un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous », il n’a aucun sens à partir du moment où l’on a accepté le principe que la masse financière des pensions restera constante. Le système à points générera tout autant des catégories avantagées et d’autres qui le seront moins. Le problème, c’est qu’entre-temps, Emmanuel Macron a lancé son idée d’un âge de départ aligné sur la durée des cotisations. Or, ce système sera très pénalisant pour les cadres. Pourquoi ? Contrairement aux années 1960 où l’on devenait cadre au cours de la vie professionnelle, le statut est désormais accessible dès l’entrée dans le monde du travail aux jeunes les plus diplômés. Ceux qui se sont engagés dans un cursus d’études longues et qui arrivent donc sur le marché du travail aux alentours de 25 ans. Qu’on calcule : 25 ans qu’on ajoute aux 43 années de cotisation obligatoires, cela donne une perspective de départ avec une retraite à taux plein aux alentours de 68 ans ! Quel jeune qui s’engage dans les études voudrait cela ? Surtout à une époque où l’espérance de vie des Français en bonne santé est de 63 ans pour les hommes et 64 pour les femmes. Conserver une durée de cotisation, c’est décourager beaucoup de jeunes à s’orienter vers les professions de l’encadrement et c’est une catastrophe pour la compétitivité de notre pays. La CFE-CGC veut conserver l’âge de départ à 64 ans à taux plein. Lors de la négociation, nous avions également soumis l’idée d’un système alternatif dans lequel la somme de la durée des cotisations et de l’âge de départ à la retraite sans décote ne pouvait pas dépasser 105 ans. Cela aura été plus juste pour tout le monde, mais nous n’avons pas été écoutés.

Une sixième séance de négociation sur la définition de l’encadrement doit se tenir le 20 septembre. Pourquoi les discussions semblent-elles toujours au point mort ?

Sur ce dossier, la mauvaise foi du Medef est sans limite ! Ils nous baladent depuis bientôt deux ans malgré l’accord signé en 2015 qui les engageait à ouvrir cette négociation sur la définition de l’encadrement ! C’est irresponsable car de vraies problématiques se posent et nous avons besoin de cette nouvelle définition. Contrairement à ce qui peut être dit ici ou là, la CFE-CGC ne défend pas le statut – de toute façon, celui-ci est inscrit dans la plupart des conventions collectives depuis 1947 et même dans la loi puisque celle relative au temps de travail mentionne l’existence de l’encadrement dans son chapitre consacré aux forfaits jours – mais à l’heure de la dégradation des conditions de travail des cadres, il est nécessaire d’avoir une nouvelle définition interprofessionnelle de l’encadrement. La dernière date de 1983 : il est temps de la rénover, d’autant que les conditions de travail (notamment liées aux outils numériques) n’ont plus rien à voir avec celles des années 1980. Mais le Medef fait obstruction pour des raisons idéologiques.

Pourquoi, selon vous, le gouvernement procède-t-il à ce « cadre bashing », pour reprendre l’expression de l’Ugict-CGT ?

Il y a, dans ce gouvernement, une forme de mépris mélangé à de la crainte à l’endroit des cadres. Peut-être estime-t-il qu’il s’agit d’une population qui lui ressemble trop, qui a fait les mêmes études et qui peut à la fois comprendre et critiquer le sens des réformes libérales mises en place depuis ces vingt dernières années. Les gens appartenant aux cercles restreints du pouvoir n’ont pas toujours une bonne vision du terrain. Des grandes entreprises, ils voient surtout le top management et considèrent peut-être que les cadres sont des salariés comme les autres qui ne contribuent pas à la bonne marche des entreprises. Ce gouvernement préfère les milliardaires aux cadres.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre