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Sur le terrain

Conditions de travail : Les incivilités décollent, Air France signe un accord

Sur le terrain | publié le : 26.08.2019 | Irène Lopez

À l’initiative des organisations syndicales de la compagnie aérienne, une négociation a été engagée pour mesurer le phénomène croissant des incivilités, prévenir ces situations, protéger et accompagner les salariés confrontés à ces nouvelles formes d’agressions verbales et même physiques.

Des vidéos d’agents postés sur les réseaux sociaux, des e-mails insultants ou des violences verbales à l’encontre des opérateurs téléphoniques… Dans le transport aérien, ces nouvelles formes d’incivilités s’ajoutent à celles « plus classiques » des insultes, crachats et coups de poing de la part de clients irascibles, excédés la plupart du temps par des retards ou des annulations de vol. « Il est apparu clairement que les mesures de prévention et d’accompagnement déjà mises en place dans le cadre de l’accord sur la qualité de vie au travail 2015-2018 devaient être renforcées et amplifiées afin d’éviter une dégradation des conditions de travail des salariés en relation directe avec les clients », souligne Jean-François Picard, délégué syndical Unsa Aérien. Le thème des incivilités a donc fait l’objet d’une réflexion à part entière, déconnectée de la QVT.

L’objectif ? Mesurer le phénomène (aujourd’hui partiellement quantifié), prévenir les incivilités, protéger et accompagner les salariés confrontés à ces nouvelles formes d’incivilités, parmi les 45 000 collaborateurs de droit français que compte Air France.

Selon Jean-François Picard, « 70 ICP (incidents comportements passagers) ont été relevés en 2018 sur le site de Paris-Charles de Gaulle. Ils ont été multipliés par deux ou trois par rapport aux années précédentes et ne cessent de croître ». À ces évènements s’ajoutent toutes les incivilités non déclarées par les agents. Sur le site d’Orly, aucune quantification de ce genre ne peut être faite, « les différents sites n’ayant pas les mêmes pratiques », indique Ane Jensen, responsable du dialogue social pour la direction.

Un changement de culture

Pendant deux mois (quatre réunions de négociation ont été nécessaires), les représentants de la direction de la compagnie et les organisations syndicales représentatives des personnels au sol se sont réunis pour définir de nouveaux outils répondant aux différents objectifs. Un accord, à durée indéterminée, a finalement été signé le 6 mars 2019 par la CFDT, la CFE-CGC, FO et Unsa Aérien. Une initiative d’autant plus originale qu’elle est rare, le thème des incivilités étant souvent traité de façon unilatérale par les directions des entreprises. Ane Jensen tient d’ailleurs à pointer la volonté commune de la direction et des organisations syndicales : « La signature a été d’autant plus aisée que nous étions tous d’accord pour nous attaquer au problème des incivilités ».

Pour Luc Dufraisse, représentant FO, superviseur à Paris-Charles de Gaulle, « le projet d’accord initial, élaboré par la direction, a été considérablement enrichi par la négociation, notamment s’agissant des volets prévention et accompagnement ». Côté CFDT, Brigitte Waintraub, déléguée syndicale, affiche une ambition : « Nous voulons voir baisser les ICP. S’ils ne baissent pas, il faut que les conséquences pour les salariés diminuent ». Ce qui implique un changement de culture. « Avant, si un agent se faisait agresser, c’était de sa faute. Aujourd’hui, le discours commence à changer », ajoute-t-elle.

Le fait que les organisations syndicales aient pris soin de désigner des négociateurs issus des entités les plus concernées par ce phénomène (en particulier l’exploitation) a permis l’élaboration de dispositifs en adéquation avec la réalité vécue par le personnel sur le terrain. Un agent, victime d’ICP, pourra répondre : « Je ne suis plus en mesure de traiter votre demande. Je vais chercher quelqu’un ». Un manager aguerri prendra alors le relais. En outre, un cabinet extérieur est chargé de mesurer la violence du phénomène « incivilités » et de connaître le ressenti des salariés.

Un thème peu traité dans les branches

Enfin, les victimes d’ICP seront systématiquement accompagnées par le service juridique et d’assistance sociale.

Au total, ces négociations ont été innovantes, tant dans leur objet – ce thème a été jusqu’ici relativement peu traité dans les branches et dans les entreprises – qu’en termes de méthode, en permettant aux organisations syndicales de coconstruire avec la direction des dispositifs au cœur de la vie des salariés. Et si d’autres transporteurs comme la SNCF s’inspirait de cet accord ? C’est en tout cas le souhait exprimé par Force ouvrière.

Auteur

  • Irène Lopez