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Le fait de la semaine

Bilan : Pas de trêve estivale pour le social

Le fait de la semaine | publié le : 26.08.2019 | Benjamin d’Alguerre, Nathalie Tran

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Bilan : Pas de trêve estivale pour le social

Crédit photo Benjamin d’Alguerre, Nathalie Tran

L’actualité sociale s’est révélée particulièrement chargée durant les mois de juillet et août. De nombreux textes importants ont notamment été publiés au Journal officiel, dont la loi de transformation de la fonction publique, le décret et l’arrêté complétant l’ordonnance sur la réforme de l’épargne retraite ainsi que le décret précisant les conditions d’application du bonus-malus sur les contrats courts. Tour d’horizon.

Le feuilleton du « barème Macron » se poursuit

Alors que la Cour de cassation a validé, le 17 juillet 2019, les barèmes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse issus des ordonnances Travail de 2017, les déclarant conformes aux normes internationales, cinq jours plus tard, le conseil de prud’hommes de Grenoble en formation de départage, c’est-à-dire présidé par une magistrate professionnelle, est passé outre l’avis de la Haute juridiction. Le 22 juillet dernier, celui-ci a accordé à une salariée injustement licenciée des dommages et intérêts d’un montant supérieur à la somme plafond prévue par la grille, soit 35 000 euros au lieu d’environ 23 000 euros. Les juges du fond ont estimé qu’ « au regard de l’ancienneté de la salariée au sein de l’entreprise, soit 11 ans et 11 mois, et de son âge (55 ans au jour de son licenciement), de sa rémunération, de sa qualification et de son souhait affiché de monter dans la hiérarchie, projet totalement interrompu par ce licenciement, ainsi que de la perte pour la salariée de pouvoir bénéficier de l’allocation de fin de carrière outre les circonstances même de la rupture », le préjudice réel subi était supérieur à la fourchette. Deux décisions d’appel sont toujours en attente de délibéré, celles de la cour d’appel de Paris et de la cour d’appel de Reims. Suivront-elles ou non l’avis de la cour suprême ? Le suspense reste entier.

L’Institut Montaigne préconise des quotas de femmes dans les comex

Malgré des avancées légales significatives, l’égalité femmes-hommes reste à la peine. Le partage du pouvoir, notamment, est loin d’être acquis, comme le rappelle le constat dressé par Aulde Courtois, responsable corporate à la Française des Jeux, et Jeanne Dubarry de Lassalle, CEO et cofondatrice d’Okotyg, dans une note publiée en juillet dernier par le think tank. Seule une entreprise sur cinq fonctionne avec un conseil d’administration exclusivement masculin, 12 entreprises du CAC 40 ne comptent aucune femme dans leur instance de direction, 9 ont moins de 10 % de femmes parmi les plus hauts dirigeants et aucune femme n’occupe la fonction de présidente-directrice générale au sein d’une de ces entreprises. La fonction publique ne montre pas plus l’exemple : les femmes représentent 54 % de l’effectif total et seulement 26 % des emplois de direction. Des inégalités qui se retrouvent également dans les écarts de salaires.

Pour « porter remède à cette injustice persistante », les auteures proposent de « réinventer la notion de pouvoir telle qu’elle est incarnée aujourd’hui dans les institutions et les entreprises » et avancent neuf recommandations. Parmi celles-ci, elles préconisent d’instaurer un objectif minimal de 40 % du sexe le moins représenté au sein des instances exécutives des sociétés du SBF 120, d’ici cinq ans, à leur rythme, dans l’esprit de la loi Copé-Zimmermann. Si cette recommandation s’appuie sur un engagement volontaire des entreprises, qui donnerait lieu à une publication annuelle, la loi viendrait néanmoins suppléer une absence d’actions. En ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire, les auteurs envisagent que des objectifs de réduction d’écarts de représentation entre les sexes dans les instances exécutives des sociétés soient fixés annuellement par les instances de gouvernance et leur suivi ferait l’objet d’une publication en début d’année et à l’issue de chaque exercice. De manière générale, l’idée est que soient appliquées systématiquement des listes équilibrées de candidats de sorte qu’à la fin de l’année, autant d’hommes que de femmes soient nommés ou recrutés.

La réforme de la fonction publique validée par le Conseil constitutionnel

La loi de « transformation de la fonction publique », définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet dernier, a reçu l’aval du Conseil constitutionnel et a été publiée au Journal officiel du 7 août 2019. Cette réforme, qui concerne 5,5 millions d’agents répartis entre la fonction publique de l’État (44 %), les collectivités territoriales (35 %) et la fonction publique hospitalière (21 %), vise à moderniser le statut et les conditions de travail dans la fonction publique afin de la rendre « plus agile et plus véloce » et laisser place à l’innovation sociale.

Le texte qui, ne compte pas moins de 95 articles, facilite le recrutement d’agents contractuels pour pourvoir des emplois permanents et crée un contrat de projet permettant l’embauche d’un agent sur des missions ponctuelles spécifiques pour une durée limitée. Les mutations, quant à elles ne sont plus soumises à l’examen des commissions administratives, ce qui donne une plus grande latitude aux managers administratifs. Surtout, la loi s’inspire largement des recettes du privé, en créant notamment une instance unique de dialogue social, calquée sur le modèle du comité social et économique, en permettant la conclusion de ruptures conventionnelles, et, en cas de restructuration, de bénéficier d’un reclassement, d’un congé de transition professionnelle pris en charge par l’État ou d’un accompagnement vers le secteur privé dans le cadre de plans de départs volontaires. Elle encadre également le droit de grève dans la fonction publique territoriale pour lutter contre les grèves perlées. Les décrets et textes réglementaires sont à présent attendus, pour une application de la loi en 2020.

Les modalités des nouveaux plans d’épargne retraite sont précisées

Les contours des plans d’épargne retraite prévus par la loi Pacte, sont désormais clarifiés. Une ordonnance du 24 juillet 2019, complétée par un décret du 30 juillet et un arrêté du 7 août, précisent les modalités de mise en œuvre de ces nouveaux outils qui entreront en vigueur le 31 octobre 2019 et remplaceront les produits préexistants à la réforme. Notamment, le plafond de versement annuel de l’entreprise sur le plan d’épargne d’un salarié est fixé à 16 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 6 483,84 euros en 2019, sachant que les sommes versées ne peuvent excéder le triple de la contribution du bénéficiaire. En ce qui concerne l’épargne retraite d’entreprise, un forfait social à taux réduit (16 %) sera appliqué sur les versements des employeurs dès lors qu’elle sera orientée vers le financement des petites et moyennes entreprises.

Le gouvernement reprend la main sur la réforme de la santé au travail

La dernière séance du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct), consacrée aux échanges entre organisations syndicales de salariés et d’employeurs en vue de l’ouverture d’une négociation ou d’une concertation sur la santé au travail, s’est achevée sur un échec. Le 12 juillet dernier, après quatre mois de concertation, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à s’entendre sur la définition des sujets à traiter. Alors que les syndicats avaient abouti à un texte consensuel, le patronat est resté inflexible sur le financement des services de santé interentreprises (les SSTI), refusant que les cotisations passent par l’Urssaf et échappent à leur contrôle, fermant ainsi toute possibilité de construction d’un texte commun. La balle est donc dans le camp du gouvernement qui va devoir reprendre la main sur le sujet.

La CNIL diffuse un modèle simplifié de registre des traitements de données

Se conformer au Règlement général sur la protection des données (RGPD) reste encore complexe. Pour aider les entreprises, la CNIL vient de publier en ligne un modèle de registre des traitements simplifié. Lisible par un tableur, au format non-propriétaire et adapté à de nombreux cas de figure, ce document comprend quatre parties : un tutoriel, puis un onglet déjà prérempli sur lequel indiquer la liste des traitements effectués par l’entreprise, puis un autre affichant un modèle de fiche de registre (informations à indiquer pour chaque traitement), qui sera d’autant plus facile à remplir qu’il est accompagné (quatrième onglet) d’un exemple fictif de fiche. Prévu par l’article 30 du RGPD, le registre des traitements est un document de recensement et d’analyse qui doit refléter la réalité des opérations réalisées par l’entreprise. Il permet d’identifier précisément les parties prenantes impliquées dans le traitement, les catégories de données, leur finalité, leur durée de conservation et leur mode de sécurisation.

Le bonus-malus sur les contrats courts instauré… et déjà contesté

Le bonus-malus sur les contrats courts, cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron que les partenaires sociaux n’avaient pas pu mettre en musique lors des dernières négociations sur l’assurance-chômage, est enfin devenu une réalité. Un décret fleuve publié le 28 juillet au JO dévoile les aspects techniques de cette mesure. Sept secteurs économiques sont concernés sur les 38 que recense l’Insee (hébergement restauration, assainissement des eaux, caoutchouc et plastiques…) comme l’avait annoncé Muriel Pénicaud en juin dernier. Surprise : l’exécutif n’a pas choisi de prendre en compte le taux de recours aux CDD pour calculer ce bonus-malus, mais le taux de séparation. Comprendre : le nombre de ruptures de contrats de travail donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. Ce qui inclut les fins de CDD, de CDI et de périodes d’intérim, mais pas les ruptures de contrats d’apprentissage, d’insertion ou les démissions. Dans les secteurs ciblés, ce taux dépasse les 150 %, soit l’équivalent de 3 CDD pour 2 CDI dans les effectifs des entreprises. « Ce seuil de 150 % a été choisi arbitrairement… mais très intelligemment. Juste en deçà, on trouvait le bâtiment ou l’audiovisuel : des secteurs beaucoup plus remuants que les précédents lorsque leurs intérêts sont en jeu », s’amuse un expert du monde social. Le bonus-malus ne concernera que les entreprises de plus de 11 salariés des secteurs retenus. Pour celles-ci, les cotisations patronales fluctueront dès 2021 de 3 % à 5,05 % en fonction de leur comportement vertueux – ou non – vis-à-vis de la gestion de l’emploi durable durant la séquence 2019-2020. Les critères du calcul exact seront détaillés dans un prochain arrêté.

Syndicats et patronat ne cachent pas leurs inquiétudes quant à cette manière de procéder. Pour les premiers, le choix de l’exécutif exclut du bonus-malus plusieurs secteurs notoirement consommateurs de contrats de courte durée comme le bâtiment ou l’hébergement médico-social. Les seconds y voient une complexité administrative supplémentaire infligée aux entreprises qui devront procéder à de savants calculs pour déterminer leurs taux de séparation. « Comment savoir lesquels de nos anciens salariés s’inscrivent à Pôle emploi à l’issue de leur contrat ? », grogne ainsi un patron de PME. Certains secteurs s’interrogent sur la pertinence des critères retenus. Ainsi l’assainissement des eaux (où le CDI est la norme) s’insurge contre son rangement dans la même catégorie que la gestion des déchets (qui recourt beaucoup plus aux contrats courts). Si le Medef hésite sur les suites à donner, une première fédération patronale, Plastalliance (plasturgie et composites) a annoncé le 28 août son intention de contester le décret devant le Conseil d’État. À suivre.

Un Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique

Le Conseil de l’inclusion dans l’emploi (CIE) qui, désormais, remplace le Conseil national de l’insertion pour l’activité économique (CNIAE), a présenté, le 22 juillet, cinq engagements et trente propositions fondant un Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique. L’enjeu : faciliter l’embauche de 100 000 personnes supplémentaires d’ici à 2022, soit 240 000 au total, selon l’objectif fixé par le Plan pauvreté. L’institution propose, notamment, la création d’un CDI inclusion pour les publics seniors sans solutions, de développer la formation en alternance grâce au contrat de professionnalisation inclusion, de doubler les parcours dans l’intérim d’insertion, d’assurer aux personnes concernées l’accès aux compétences digitales de base, de soutenir le développement des entreprises intermédiaires et de créer des contrats « passerelle entreprise » pour les accompagner ensuite dans l’emploi durable. Le CIE souhaite par ailleurs rallier toutes les entreprises à la cause de l’inclusion. À cet effet, il souhaite que celle-ci soit intégrée dans les reporting RSE, que les achats et les recrutements inclusifs des entreprises soient encouragés et créer une École de l’inclusion pour former et accompagner les dirigeants d’entreprises.

Une campagne de communication nationale pour l’appli CPF

Afin de promouvoir le dispositif-pivot de sa réforme de la formation professionnelle, le gouvernement a décidé de mettre les petits plats dans les grands pour faire connaître la future application mobile « Mon compte formation » au plus grand nombre. Spots TV, encarts publicitaires dans la presse, campagnes sur les réseaux sociaux… plusieurs millions d’euros seront mis sur la table par le ministère du Travail pour informer les 33 millions d’actifs de l’existence de cet outil grâce auquel ils pourront mobilier leur CPF pour acheter les actions de formation souhaitées. Lors de l’entrée en vigueur du dispositif en 2015, la communication autour de ce nouveau droit était restée modeste, cantonnée aux Opca (qui en faisaient la promotion auprès de leurs entreprises adhérentes), à Pôle emploi ou à d’autres acteurs de l’emploi et de la formation comme les missions locales. L’exécutif semble vouloir passer la surmultipliée. Actuellement, près de 6 millions d’actifs ont activé leur compte. La campagne doit commencer début décembre.

Et aussi

• Le décret « assurance-chômage » du 26 juillet pris par le ministère du Travail à la suite de l’échec des négociations entre les partenaires sociaux prévoit l’instauration d’une taxe forfaitaire de 10 euros sur les CDD d’usage.

• Le plan de départs volontaires de l’Afpa, prévoyant 1 541 suppressions d’emploi (sur près de 6 500) qui aurait dû s’ouvrir le 24 juin dernier, a finalement été bloqué par une décision du tribunal de Bobigny du 27 juin.

• Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, a rendu ses propositions sur un système universel de retraites par points le 18 juillet dernier. Le gouvernement compte organiser une série de rencontres bilatérales à ce sujet avec les partenaires sociaux les 5 et 6 septembre prochains. Une « concertation des citoyens » est également au programme.

• L’acte de naissance de l’Autorité européenne du travail (AET) a été signé officiellement le 19 juin. Aujourd’hui installée à Bruxelles, elle sera transférée « dès que possible » à Bratislava en Slovaquie.

• Grève chez Deliveroo. À l’appel du collectif CLAP 75 et de certains syndicats comme la CGT, les livreurs à vélo ont manifesté les 3 et 7 août contre la nouvelle grille tarifaire revue à la baisse que veut leur imposer la plateforme.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre, Nathalie Tran