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Sur le terrain

Question de droit : Un salarié en dispense d’activité peut invoquer un harcèlement moral

Sur le terrain | publié le : 15.07.2019 | Laurent Beljean

Le harcèlement moral est défini légalement comme le fait, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La dégradation des conditions de travail laisse à penser que les agissements en cause auront lieu la plupart du temps à l’occasion de l’exécution de la prestation de travail. Cela implique-t-il qu’un harcèlement moral ne peut être reconnu durant une période de suspension du contrat de travail ?

Un salarié avait bénéficié pendant près de six ans d’un congé de fin de carrière lui permettant d’être dispensé de toute activité jusqu’à sa retraite à taux plein.

Durant cette période, l’intéressé avait été désigné délégué syndical avant d’être élu en qualité de représentant du personnel. Après avoir été mis à la retraite, ce dernier saisissait la juridiction prud’homale de différentes demandes, parmi lesquelles figurait l’octroi de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Le salarié faisait en effet valoir que, durant sa période de dispense d’activité, l’employeur l’avait empêché d’exercer correctement les prérogatives issues de ses deux mandats représentatifs, avait systématiquement commis des erreurs dans le calcul des cotisations de retraite complémentaire et supplémentaire, ainsi que dans celui de l’intéressement et de la participation qui lui étaient dus.

De son côté, l’employeur indiquait que la définition du harcèlement impliquait une présence à son poste de travail, de sorte qu’il ne pouvait invoquer une dégradation de ses conditions de travail… puisqu’il ne travaillait plus.

La Cour d’appel déboutait le retraité de ce chef de demande, refusant d’examiner des faits survenus pendant la période d’inactivité du demandeur.

À tort selon la Cour de cassation, qui dans un arrêt du 26 juin 2019, estime que les juges du fond auraient dû rechercher si les faits invoqués par le salarié laissaient présumer un harcèlement moral.

Autrement formulé, les Hauts magistrats demandent aux juges du fond de ne pas limiter leur examen des faits perpétrés à la seule période active de la relation contractuelle, mais de l’étendre à l’ensemble de la période pendant laquelle subsiste le lien contractuel entre l’employeur et le salarié.

Cette jurisprudence, applicable à toutes les hypothèses de suspension du contrat de travail, peut cependant être limitée dans sa portée pratique. Si les magistrats du fond ne peuvent par principe écarter de leur analyse des dossiers des faits qui se sont déroulés pendant une période d’inactivité du salarié, leurs conclusions n’en seraient pas moins souvent guidées par le lien devenu très ténu entre les parties à la relation contractuelle.

Auteur

  • Laurent Beljean