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Le fait de la semaine

Rétrospective : Les juges prud’homaux à l’assaut du barème

Le fait de la semaine | publié le : 15.07.2019 | O. H.

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Rétrospective : Les juges prud’homaux à l’assaut du barème

Crédit photo O. H.

Depuis septembre 2018, plusieurs conseils des prud’hommes refusent d’appliquer le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif, en se fondant sur la Charte sociale européenne ou la convention n° 158 de l’OIT.

C’est le conseil des prud’hommes (CPH) du Mans qui a lancé le premier la course d’endurance contre le barème des indemnités prud’homales, le 26 septembre 2018. Un an presque jour pour jour après la publication des ordonnances instaurant ce barème, le conseil estime qu’il est contraire à deux conventions internationales. D’abord à l’article 10 de la convention de l’Organisation internationale du travail n° 158, ensuite à l’article 24 de la Charte sociale européenne. Cette résistance du juge prud’homal a donné naissance à une série de décisions qui vont toutes dans le même sens. Le 22 novembre, le CPH de Paris rend une décision similaire, en ignorant tout simplement leur existence et se basant sur les articles 24 de la Charte sociale européenne et 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT pour condamner l’employeur à verser 13 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Curieusement, il s’agit d’un montant inférieur à ce que le barème prévoyait pour ce cas…

Le 13 décembre 2018, le CPH de Troyes détaille son raisonnement sur l’inconventionnalité du barème. D’une part, il indique que le « plafonnement limitatif des indemnités prud’homales ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi », faisant ainsi référence à un des principes fondamentaux du droit civil : celui de réparation intégrale du préjudice. D’autre part, le CPH juge que « les barèmes ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié, [ils] sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ». Le CPH de Troyes rappelle au passage une décision du Comité européen des droits sociaux qui avait jugé un plafond de 24 mois posé par la loi finlandaise contraire à la Charte sociale européenne.

Six jours plus tard, le 19 décembre, c’est au tour du CPH d’Amiens de se prononcer sur le barème et, aussi, de l’écarter. Il fait référence à un arrêt du 29 mars 2006, dans lequel la Cour de cassation avait jugé que la convention 158 de l’OIT était directement applicable. Alors que le barème prévoyait une indemnité d’un demi-mois de salaire, le CPH d’Amiens a finalement condamné l’employeur fautif à 2 000 euros de dommages et intérêts, soit environ l’équivalent d’un mois et demi de salaire de la personne illégalement licenciée.

Le 21 décembre 2018, le CPH de Lyon ne détaille pas plus son raisonnement et accorde « trois mois de dommages et intérêts » pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le CPH de Lyon réitère ensuite le même raisonnement les 7 et 22 janvier suivants. Entre-temps, Grenoble rend une décision similaire le 18 janvier 2019. Il se base également sur l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et l’article 24 de la Charte sociale européenne pour accorder 3 500 euros de dommages et intérêt au requérant, alors que le barème prévoyait une indemnité de deux mois de salaire, équivalent à 2 960,60 euros brut.

Le 5 février, c’est, pour la première fois, un juge professionnel qui écarte l’application du barème, suivant ainsi le raisonnement des conseils non professionnels. Le conseil des prud’hommes d’Agen condamne un employeur à verser une indemnité de quatre mois de salaire à une salariée illégalement licenciée, alors que le barème prévoyait une indemnité deux fois moindre. Comme à Lyon, Troyes et Amiens, le juge professionnel estime que le barème ne permet pas la rémunération adéquate prévue par l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996.

Le 9 avril, le CPH de Bordeaux rend une décision visiblement très inspirée par le jugement du CPH de Troyes. Il qualifie de « dérisoire » le plafond d’un demi-mois de salaire prévu par le barème, et accorde 12 000 euros de dommages et intérêts à la salariée, équivalents à six mois de salaire.

Enfin, dernière décision à l’heure à laquelle ces lignes sont écrites, le 17 mai, le CPH de Montpellier se fonde sur l’article 24 de la Charte sociale européenne pour écarter l’application du barème dont il juge les plafonds « extrêmement faibles ».

Auteur

  • O. H.