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Le fait de la semaine

Négociation collective : Bilan mitigé pour les ordonnances

Le fait de la semaine | publié le : 08.07.2019 | Benjamin d’Alguerre

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Négociation collective : Bilan mitigé pour les ordonnances

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

La DGT vient de publier le premier bilan de la négociation collective post-ordonnances. Au menu : beaucoup d’accords conclus… mais peu d’innovations sociales.

« Après plusieurs réformes successives des relations professionnelles, nous entrons dans une phase de stabilisation du droit et d’appropriation des nouvelles modalités de négociations collectives par tous ses acteurs », écrit Yves Struillou, délégué général du Travail en introduction du bilan de la négociation collective 2018, publié le 28 juin. Une édition scrutée de près puisqu’elle constitue le premier marqueur de la prise en main des ordonnances Travail de septembre 2017 par les acteurs sociaux. Force est de constater que ces derniers ont – le plus souvent malgré eux – intégré la philosophie développée depuis deux ans par l’exécutif qui consiste à rapprocher le dialogue social de l’entreprise. Pour preuve : le nombre d’accords interprofessionnels décroît par rapport à 2017 (9 textes dont 2 ANI, 2 accords infranationaux et 5 avenants à des textes antérieurs), ceux de branches augmentent (1 288) et ceux d’entreprises explosent (75 600 textes). Revue de détail.

Branches : des accords en hausse… mais souvent contraints

Côté branches, les 1 288 accords conclus par les partenaires sociaux représentent une augmentation de 9,5 % par rapport à 2017. Les salaires restent l’un des thèmes les plus abordés, même si les négociations relatives à ce sujet ont légèrement diminué par rapport à 2017 (467 avenants salariaux signés en 2018 contre 492 en 2017). Cause de ce recul ? Une activité de négociation conventionnelle moindre dans les branches de plus de 5 000 salariés (230 avenants signés, soit -8 %).

En revanche, le nombre d’accords sur les conditions de négociation est en nette progression (600). Un bémol toutefois, cette inflation de textes s’explique aussi en partie par une triple obligation faite aux branches par les ordonnances de 2017 : intégrer une « clause TPE » dans leur arsenal conventionnel ; mettre en place une commission permanente paritaire de négociation et d’interprétation (CPPN, 163 branches en ont institué en 2018) et produire des accords de méthode relatifs à la restructuration des branches (20). De la même manière, la hausse du nombre d’accords conclus sur la formation professionnelle et l’apprentissage (203, + 32 %) s’explique – pour la moitié d’entre eux – par les négociations engagées autour de la constitution des Opco et leur désignation par les branches. A contrario, l’égalité femmes-hommes a constitué un sujet porteur en 2018 avec une croissance de 21 % des textes négociés (225).

À côté de cela, quatre conventions collectives ont été signées en 2018 et neuf branches ont aménagé des règles propres aux CDD et au contrat de travail temporaire (CTT). Au grand désarroi de la CFDT qui déplore l’absence d’un engagement des branches dans des négociations relatives à la qualité de l’emploi en vue, justement, de réduire le recours aux contrats courts.

13 200 accords dans les TPE

Les entreprises ont eu davantage de liberté de manœuvre. Sur les 75 600 textes (dont 47 700 accords) produits au 1er janvier 2019, 51,7 % ont été signés avec des représentants d’organisations syndicales (soit un peu moins qu’en 2017 : 52,6 %), 13 % avec des représentants des salariés non encartés et 21 % approuvés par consultation des salariés. 15 % relevaient de décisions unilatérales de l’employeur.

Principales thématiques abordées : l’épargne salariale (28 000 accords), les salaires et les primes (12 000 textes), le temps de travail (12 000 textes également) et le droit syndical (6 000 accords). Sans surprise, 78 % de ces derniers concernaient la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE). Les entreprises de moins de 50 salariés se sont montrées particulièrement actives puisqu’elles sont à l’origine de 37 % des textes, dont près de la moitié (53 %) ont été conclus par consultation des salariés. Encore plus chez les moins de 21 salariés, à l’origine de 13 200 accords dont 60 % ont été approuvés par ce moyen.

Quant aux nouveaux sujets de négociations induits par les ordonnances, ils avancent timidement : 124 accords de performance collective ont été conclus en 2018 et 96 entreprises se sont lancées dans des discussions portant sur la rupture conventionnelle collective.

Griefs syndicaux

Face à cette nouvelle donne sociale, les partenaires sociaux sont mitigés. La création des CSE, qui avait suscité une levée de boucliers de la part des syndicats en 2017, ne convainc toujours pas. La CFDT regrette ainsi « le peu d’innovation des accords de mise en place du CSE ». Selon la centrale de Belleville, quelque 14 549 comités n’auraient pu être mis en place… faute de candidats. Pire, selon les cédétistes : le CSE induit de la « formalisation et du centralisme » dans le dialogue social. Et les troupes de Laurent Berger de réclamer un « état des lieux du dialogue social » dans les entreprises avec, à la clé, un « rééquilibrage des accords CSE ». FO, pour sa part, redoute que les commissions santé et sécurité au travail ne soient délaissées au sein des nouvelles instances. À l’inverse, le Medef regrette que peu d’entreprises (moins de 10) se soient engagées dans la création de conseils d’entreprises (CE).

Parmi les reproches syndicaux recensés dans ce bilan 2018 figure la faible qualité des négociations salariales engagées en 2018. Si la CFDT regrette le parasitage des discussions par l’annonce inopinée de la « prime Macron » en fin d’année, la CGT tire la sonnette d’alarme sur le cours que prennent les négociations sur la révision à la baisse des grilles salariales engagées dans certaines branches. Autre grief de Montreuil : 600 accords conclus sont toujours inappliqués faute d’extension par le ministère du Travail. Et parmi eux, de nombreux accords sur les salaires « causant un préjudice aux salariés ». La CFE-CGC et FO, elles, déplorent surtout le risque de voir les branches perdre leur capacité de définir la notion de « salaire minimal hiérarchique » (SMH) au profit des pouvoirs publics. Autres sources de préoccupations syndicales : l’évolution de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). Hier, concentrée sur ce seul sujet, son champ s’étend aujourd’hui aux questions d’emploi et de formation, alourdissant d’autant l’agenda de ses membres. En outre, elle se voit depuis un an assortie d’un « groupe d’experts » chargé de jauger la validité de l’extension des accords… délestant donc en partie les partenaires sociaux de cette prérogative. À quoi s’ajoute une possible poursuite du processus de réduction du nombre de branches. Le maître des requêtes au Conseil d’État Pierre Ramain doit rendre son rapport sur la question en juillet. Avec le risque, selon la CGT, de voir le nombre de branches réduit à « 100 et peut-être 50 », diminuant ainsi le champ conventionnel aux mains des partenaires sociaux.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre